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Bourg de Saint-Michel
Thème : Société et institutions

Le bourg de Saint-Michel

Jacques Saint-Pierre, historien, 22 juillet 2002


Jusqu’au début du 19e siècle, le paysage de la Côte-du-Sud est caractérisé par une succession ininterrompue d’habitations perpendiculaires au fleuve Saint-Laurent. Les villages, tels qu’on les connaît aujourd’hui, se développent dans la première moitié du 19e siècle. Sous le Régime français, il est interdit de construire sur un terrain de moins d’un arpent et demi (87,6 mètres) par trente (1 752 mètres) de profondeur. En principe, une autorisation est requise pour former un village.
 
La requête de Péan
 
Le plus ancien village de la Côte-du-Sud, celui de Saint-Michel, est établi officiellement par une ordonnance datée du 15 février 1754. La requête des seigneurs du lieu, Marie-Françoise Pécaudy de Contrecoeur, veuve Jacques-Hugues Péan de Livaudière, et son fils Michel-Jean-Hugues, porte que : «l’établissement de ce bourg est pour l’utilité et l’avantage des habitants et censitaires des suppliants, afin d’y placer un certain nombre d’ouvriers comme forgerons, charpentiers, menuisiers et autres artisans, qui seront en état de fournir aux dits habitants les outils et instruments d’agriculture et autres dont ils ne peuvent se passer et qu’ils sont souvent obligés de venir chercher à la ville au préjudice de leurs travaux et surtout de la culture et [du] défrichement des terres ». La Côte-du-Sud compte alors peu d’hommes de métier.
 
Sept requêtes semblables sont soumises aux autorités de la colonie entre 1753 et 1758. Elles émanent toutes de seigneurs, dont les propriétés sont situées à une certaine distance des villes de Québec et de Montréal. En ce qui concerne le cas de Saint-Michel, la seigneurie ne semble pas encore avoir atteint un stade de développement qui justifie la requête. Il est probable que l’ambitieux Péan, qui est très actif dans le commerce du blé avec le gouvernement à l’époque, envisage l’avenir avec optimisme. Mais la croissance anticipée est compromise par la guerre de la Conquête. On cherche en vain la trace d’un bourg à Saint-Michel sur la carte de Murray réalisée en 1762. Et en 1781, une seule construction est recensée dans ses limites.
 
Le bourg projeté à Saint-Michel occupe une dépression de terrain en bordure du fleuve Saint-Laurent. La nouvelle église de pierre, inaugurée en 1736, et son presbytère, construit en 1739, marquent la limite nord-est du futur village. Il s’étend sur dix arpents (584 mètres), de part et d’autre du chemin du roi, jusqu’à un petit ruisseau qui en constitue la limite sud-ouest. 
 
L’essor du village
 
Le bourg de Saint-Michel connaît une forte expansion dans le second quart du 19e siècle. En 1815, on n’y retrouve encore qu’une douzaine de maisons, occupées, selon Joseph Bouchette, par des artisans et des ouvriers. À l’époque, c’est l’un des plus petits villages du Bas-Canada. Vers 1830, Bouchette y relève une trentaine de maisons, toutes en bois sauf celle du médecin qui est en pierre, et deux auberges. Une seule famille y vit de l’agriculture. En 1851, le bourg compte 104 maisons. À cette date, il devance plusieurs autres villages de la région de Québec, dont ceux de Neuville et de Charlesbourg.
 
Saint-Michel devient le chef-lieu du comté de Bellechasse en 1849. Une cour de justice y est alors établie; des avocats, des huissiers, des registraires prennent désormais place à côté des médecins et des notaires. Outre les notables, le village compte surtout des hommes de métier (surtout des menuisiers, des cordonniers et des forgerons), des journaliers, des ouvriers, des commerçants, des rentiers, des pilotes et des navigateurs. La construction d’un quai, en 1856, confirme la vocation maritime du bourg. Celui-ci est aussi touché par l’industrialisation avec la mise sur pied de petites manufactures (fabrique de voitures, moulin à bardeau, manufacture de portes et châssis, beurrerie).
 
À la fin du 19e siècle, la village de Saint-Michel regroupe 170 emplacements à l’intérieur d’un quadrillage serré de rues étroites. Les principaux commerces se concentrent alors le long de la rue Principale. Plusieurs de ces bâtiments subsistent encore aujourd’hui. Ces maisons de deux étages et demi ont été souvent rehaussées par l’addition d’un rez-de-chaussée sous la bâtiment original. Malgré la démolition de quelques édifices imposants, dont le collège érigé en 1853 et converti ensuite en hôpital, le cœur du village de Saint-Michel n’a pas subi de transformations majeures au cours du dernier siècle. 
 
Le cas de Saint-Michel illustre très bien le phénomène du développement des villages dans la première moitié du 19e siècle. Si l’on en juge par les données compilées par Serge Courville, la Côte-du-Sud compte, en 1851, les deux agglomérations les plus importantes de la région de Québec. Cependant le village de Saint-Michel se situe très loin derrière Saint-Thomas, où l’on dénombre pas moins de 278 maisons. 
 
 
Bibliographie :

Bourget, Clermont et Robert Côté. En passant par la Côte de Bellechasse, j’ai rencontré trois beaux villages… [S.l.], Municipalité régionale de comté de Bellechasse, 1993. 56 p.
Courville, Serge. Entre ville et campagne : l’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1990. xii-335 p. 
 
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