Thème :
Société et institutions
Baie-Sainte-Catherine
Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 15 août 2002
Depuis quelques années, la petite municipalité de Baie-Sainte-Catherine s’est surtout fait connaître en tant que lieu de départ des croisières d’observation des baleines sur le fleuve Saint-Laurent. Pourtant, cette magnifique localité de Charlevoix située sur la rive ouest de la rivière Saguenay s’impose aussi comme un site historique d’importance qu’il convient de faire reconnaître à sa juste valeur.
La municipalité de Baie-Sainte-Catherine existe seulement depuis 1903. Il y a cependant des habitants dans le secteur depuis au moins le milieu du XIXe siècle. Une petite église datant de 1875 existe toujours sur la Pointe-aux-Alouettes et elle rappelle l’époque où ce lieu était habité. Aujourd’hui le site de la Pointe-aux-Alouettes appartient au Séminaire de Chicoutimi et sert de résidence d’été à des prêtres en vacance. En 1901, la compagnie Price installe un moulin à scie à Baie-Sainte-Catherine. Ce projet permet d’envisager un avenir prometteur à Baie-Sainte-Catherine. Une grande église est alors construite afin de desservir des paroissiens de plus en plus nombreux. Toutefois, dès 1910, le moulin des Price à Baie-Sainte-Catherine cesse d’opérer. La nouvelle église ne dessert finalement qu’une petite population qui se fixe tout au cours du XXe siècle autour de 300 habitants.
Mais le secteur de la Pointe aux Alouettes recèle une histoire bien plus ancienne que celle de l’actuelle municipalité de Baie-Sainte-Catherine. En effet, le 27 mai 1603, François Gravé Du Pont et les membres de son équipage, dont Samuel de Champlain, rencontrent à la Pointe aux Alouettes trois nations améridiennes : les Montagnais qui se trouvent sur leur territoire et des invités les Etchemins et les Algonquins. Ces Amérindiens font alors tabagie (ce qui veut dire festin) et le grand sagamo montagnais du nom d’Anadabijou reconnaît à la fin de sa rencontre avec les français selon les récits de Samule de Champlain « Qu’il estoit fort aise que sadicte Majesté peuplast leur terre, et fist la guerre à leurs ennemis, qu’il n’avoit nation au monde à qui ils voulussent plus de bien qu’aux françois ». Cette rencontre est considérée par les historiens comme l’une des premières alliances interculturelles entre ces nations amérindiennes et les Français. Ce partenariat a notamment favorisé le peuplement de la Nouvelle-France. Un kiosque érigé par les prêtres du Séminaire de Chicoutimi marque cette entente historique sur le site de la Pointe aux Alouettes.
Précédant de quelques années le passage des Français en 1603, des pêcheurs basques séjournent dans le secteur de Baie-Sainte-Catherine entre 1580 et 1630. Ils y viennent pour chasser la baleine et pour pêcher la morue. Les pêcheurs basques installent des échafauds afin de faire sécher la morue. Le lieu est même reconnu dans la toponymie officielle comme se nommant l’échafaud aux basques. La pêche à la baleine et aussi aux bélugas est fort lucrative au XV1e et au XV11e siècle et les pêcheurs basques écoulent facilement les produits de leur chasse et de leur pêche sur les marchés européens où la gras de baleine est notamment utilisé comme lubrifiant dans la confection du savon.
Plus récemment soit en 1962, un frère hospitalier de la communauté Saint Jean de Dieu du nom de Laurent Cosgrove a choisi une montagne de Baie-Sainte-Catherine afin d’y établir un site marial d’importance. Le frère Cosgrove, lors d’un séjour comme prisonnier dans les camps allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) a décidé de concevoir un vocable marial nommé Notre-Dame-de-l’espace dans le but de placer sous la protection de la Vierge les aviateurs, les cosmonautes et tous les voyageurs de l’air. C’est sur montagne de Baie-Sainte-Catherine que Laurent Cosgrove choisit d’installer une statue et un autel témoignant de sa dévotion à Notre-Dame-de-l’espace. Depuis 1962, les gens de Baie-sainte-Catherine célèbrent à chaque année une messe sur ce site et le vocable de Notre-Dame-de-l’espace continue ainsi d’exister dans cette localité.
Bien sûr, les habitants de Baie-Sainte-Catherine n’ont jamais trouvé en ce lieu de grandes richesses économiques. Ni l’agriculture, ni la forêt, ni même l’apport saisonnier de la pêche n’ont permis d’assurer l’émergence d’un village d’importance à Baie-Sainte-Catherine. Certes, depuis peu le tourisme et les croisières aux baleines font des affaires d’or en ce lieu et en fait, il ne manque peut-être qu’une nouvelle mise en valeur de l’histoire du lieu afin d’assurer un avenir prometteur en reconnaissant finalement le si riche passé de Baie-Sainte-Catherine.
Bibliographie :
Perron-Boulianne, Diane. Baie-Sainte-Catherine à tous vents. La Malbaie, Imprimerie
Charlevoix, 1985. 84 p.