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Davis et l'aluminium
Thème : Économie

Arthur Vining Davis et l'aluminium

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003

 
Lorsque James Buchanan Duke, à la tête de l'American Tobacco Company, développe le potentiel hydro-électrique du Saguenay à compter des années 1920, il a tenté en vain de développer la production de l’aluminium afin d’écouler les surplus d’énergie. Pour atteindre son objectif, c'est finalement vers un producteur d'aluminium qu'il se tourne en 1924, en l’occurrence Arthur Vining Davis. Celui-ci est alors connu comme un grand capitaliste et industriel de Pittsburgh qui a su bâtir sa fortune en organisant l'industrie de l'aluminium aux États-Unis, au Canada et à travers le monde. 
 
Né en 1867, le jeune Davis arrive à Pittsburgh dès 1888. Alfred E. Hunt, l'un des premiers industriels américains à opérer une usine de transformation d'aluminium, l'embauche comme aide du jeune inventeur Charles Martin Hall. Ce dernier vient de découvrir, en même temps que le Français Héroult, le procédé électrolytique pour produire l'aluminium. Hall et Davis mettent au point les premières cuves qui permettent d'entreprendre la production industrielle de ce métal. Nommé directeur général d'Alcoa en 1899, Davis devient le président de la compagnie de 1910 à 1928. Par la suite, il agit à la présidence du conseil d'administration qu'il dirige de main ferme jusqu'en 1957. Après une carrière de plus de 69 ans, il décède en 1962, à l'âge de 95 ans.
 
Duke et Davis en viennent à une entente de fusion Alcoa/Duke-Price le 15 avril 1925. Sans tarder, Davis entreprend la construction d'une usine d'aluminium dans une ville bâtie de toutes pièces, Arvida. À partir du 24 juillet 1925, plus de 1 200 hommes s'affairent à la construction de l'usine et un an et trois jours plus tard, soit le 27 juillet 1926, les premières cuves commencent à produire de l'aluminium. C'est le début d'une aventure qui transformera pour les décennies à venir la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Trois fois plus léger que l'acier, l'aluminium résiste bien à la corrosion tout en étant un excellent conducteur de chaleur et d'électricité.
      
En 1928, Arthur Vining Davis décide de créer une filiale : l'Aluminium Limitée du Canada. Avec son frère cadet, Edward K. Davis, à la tête de la compagnie, Alcoa désire élargir son action sur les marchés de l'Empire britannique. La nouvelle compagnie a pour mandat de développer les marchés internationaux auxquels l'Alcoa ne consacre pas suffisamment d'énergie. Arthur Vining Davis expliquera lui-même, en 1939, les raisons qui l'ont incité à créer une nouvelle compagnie au Canada, alors qu'il répond aux enquêteurs du gouvernement qui l'accusent d'avoir créé un monopole dans le secteur de l'aluminium :
      
« En créant Aluminium Limitée, nous formions une entreprise vouée exclusivement au commerce à l'étranger, je veux dire à celui hors des États-Unis, adéquatement armée pour sa mission. C'était la raison principale. (...) Le désavantage de notre organisation (Alcoa) d'alors provenait du fait que nous n'étions pas une société étrangère; notre personnel préférait - et c'est naturel - vendre de forts volumes aux États-Unis plutôt que, peut-être pensait-il, prendre la peine de vendre de plus petites quantités à l'étranger. De plus très peu de nos gens parlaient des langues étrangères et très peu connaissaient à fond les us et coutumes du commerce des pays étrangers, J'estimais que pour faire progresser les affaires, qui, en Italie, qui, en Allemagne, etc., il fallait qu'elles soient traitées par des Italiens à la manière italienne, par des Allemands à la manière allemande... Je ne veux pas dire que les filiales allemandes, italiennes ou autres seraient complètement dissociées de la juridiction d'ici (États-Unis), mais la force vive de vente, en particulier, et, à un moindre degré, le secteur manufacturier devaient être, à mon avis, nationalisés sur une échelle plus grande que nous ne l'avions fait jusque-là. »
      
Davis précisera aussi, quelques années plus tard, qu'il voyait deux successeurs au trône, Roy Arthur Hunt, le fils du fondateur d'Alcoa, Alfred E. Hunt, ainsi que Edward, son frère cadet. Hunt est nommé à la tête d'Alcoa et la nouvelle filiale canadienne échoit à son frère. Arthur Vining garde la haute main sur le duo en se maintenant à la présidence du conseil d'administration d'Alcoa.
      
En s'installant au Canada, les Américains désirent entrer plus vigoureusement sur le marché mondial de l'aluminium. La filiale canadienne apparaît comme un jalon important dans la stratégie américaine. Il ne serait pas exagéré de dire que, dès cette époque, par la réputation de grands exportateurs de ressources primaires qu'acquièrent les Canadiens, les Américains voient déjà leurs voisins se spécialiser dans la production d'aluminium brut pour fournir leurs usines de transformation aux États-Unis. Dans cette optique de transformation d'aluminium, le Saguenay sera appelé à devenir un intervenant majeur au Québec et au Canada.


Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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