Thème :
Territoire et ressources
Cartier découvre le Sagnay
Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003
La France entre dans l'ère des grandes découvertes en 1524, alors qu'elle s'associe à un Italien de Florence, Giovanni da Verrazano. Longeant le littoral, de la Floride aux « terres neuves », il dresse les premières cartes de la Nova Gallia ou Francesca. La France acquiert par là ses premières bases légales de revendication territoriale. Jacques Cartier, à partir de 1534, amorce l'exploration du Saint-Laurent et constitue les premières cartes où la toponymie amérindienne voisine avec la toponymie française.
Jacques Cartier découvre le Saguenay lors de son deuxième voyage en 1535-1536. Dans la relation de ce voyage, il décrit d'abord le pays dont lui parlent les Iroquoiens qu'il rencontre, puis le Saguenay qu'il explore par ses propres moyens. Ce riche territoire décrit par les autochtones renfermerait un royaume avec ses villes et ses habitants semblables à ceux d'Europe. S'y trouveraient certains métaux dont du cuivre appelé aussi « caignetdaze » par les Amérindiens. Lorsqu'on sait que Cartier a pour mandat de trouver une route pour les Indes et de ramener des métaux précieux, on peut comprendre l'importance qu'il accorde dans ses écrits à ce pays imaginaire. Quoi de plus utile pour satisfaire des bailleurs de fonds impatients! Le deuxième Saguenay que décrit Cartier est bien différent du premier puisqu'il découle d'une observation concrète des lieux. Ce Saguenay est celui des côtes, partant des alentours de Sept-Îles et s'étendant jusqu'à l'île aux Coudres. C'est l'embouchure du fjord à Tadoussac avec ses dangers de navigation à cause des courants et des marées qui s'y mêlent sur des bas-fonds rocheux. Cartier souligne que « cette rivière coule entre de hautes montagnes de pierre nue avec très peu de terre. Cependant il y croît une grande quantité d'arbres, et de plusieurs sortes... » La pêche au loup-marin est la seule activité importante qui se pratique à l'entrée de cette rivière. Cartier note enfin la présence de nombreuses baleines dans le secteur de Tadoussac.
Dans son voyage de 1603, Champlain donne une brève description du port de Tadoussac qu'il estime somme toute assez petit puisqu'il ne peut accueillir que dix à douze vaisseaux. Les trois nations indiennes avec qui il festoie, les Montagnais, les Etchemins et les Algonquins, célèbrent une victoire sur les Iroquois. Champlain se limite à remonter le cours inférieur du Saguenay sur quelque douze lieues. Selon lui, il ne se trouve là que montagnes où les animaux et les oiseaux sont peu nombreux tant le froid y est excessif. Les Montagnais lui décrivent la route qui mène à l'intérieur de leur territoire et qui s'étend jusqu'à une mer salée, vraisemblablement la baie d'Hudson. « Je tiens que si cela est, que c'est quelque gouffre de cette mer qui dégorge par la partie du nord dans les terres, et de vérité il ne peut être autre chose. »
Premier bilan
L'échec de Cartier et de ses associés signifie la fin des explorations dites officielles, qui ne seront reprises par la France qu'au 17e siècle. Ces efforts initiaux permettent de dresser les premières cartes des côtes du Saint-Laurent et de ses affluents. Le Saguenay, mot signifiant « là où l'eau sort » en langue amérindienne, apparaît tantôt comme un Royaume mythique, tantôt comme une terre montagneuse et froide, ayant peu d'attraits. Les informations fournies par Cartier et Champlain permettent déjà de mieux délimiter le Saguenay occupé par les Amérindiens. Sur le littoral, la frontière irait de Sept-Îles jusqu'à l'île aux Coudres. À l'intérieur, le territoire décrit par les Amérindiens s'étendrait jusqu'à la baie d'Hudson. Les premières descriptions de l'embouchure du Saguenay suggèrent la présence d'un fjord. Chose certaine, il est périlleux de pénétrer dans cet étroit bras de mer même pour des navigateurs aguerris. La pêche est la seule ressource exploitée, bien qu'on ait observé certaines espèces de bois couvrant les hautes montagnes.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.