Thème :
Économie
L’empire Price au Saguenay–Lac-Saint-jean, 1900-1930
Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi.30 octobre 2003
À la suite du décès de son oncle Evan John en 1899, le jeune William Price, deuxième du nom, prend les destinées de la compagnie familiale. Il consolide son emprise sur les concessions forestières en participant activement aux enchères du gouvernement ou en acquérant les droits acquis par des concurrents. Il ne faut pas oublier que Price possède déjà au 19e siècle d'immenses concessions forestières au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il y possède plus de 3 755 milles carrés de forêt concédée en 1899. En 1915, ses concessions locales dépassent les 3 596 milles carrés, auxquels s'ajoutent 1 470 milles carrés qui découlent de son association à Quebec Development. En 1927, l'empire Price dans la région dispose d’un territoire de 4 672 milles carrés de forêt concédée.
Tout en confirmant son emprise sur l'espace forestier régional, Price rationalise plusieurs aspects de ses opérations. Il raffermit son emprise sur le nord de la région, laissant à B.-A. Scott l'ouest du lac Saint-Jean et partageant avec la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi le secteur sud incluant le lac Kénogami et les rivières Ouiatchouan et Métabetchouane. Price ne tarde pas à se lancer dans l'acquisition ou la construction d'usines à papier. Il acquiert sa première usine dès 1902. Fondée deux ans plus tôt par un groupe de marchands et de cultivateurs locaux, l'usine de Jonquière se trouve rapidement au bord de la faillite. Price s'associe alors à un Ontarien, Oswald Porritt, ancien partenaire dans la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi où il a occupé successivement les postes de surintendant et de directeur de manufacture. Avec cet homme d'expérience, l'usine Jonquière devient la Price-Porritt Pulp and Paper. Située à l'embouchure de la rivière aux Sables, l'usine entre rapidement dans la production du carton et une première machine à papier y est installée dès 1909.
Pour trouver plus facilement les vastes capitaux dont il a besoin, Price réorganise la vieille compagnie familiale en 1904. Il incorpore la Price Brothers & Company Ltd, ce qui lui permet d'élargir sa base de financement. Ainsi en 1910, lorsqu'il entreprend la construction d'une nouvelle usine de pâte et papier à Kénogami, il émet des obligations pour un montant de 5 millions $.
Un autre aspect de la stratégie de Price consiste à éliminer certains concurrents. Il achète la Compagnie de Pulpe de Péribonka en 1917. Il ferme le moulin, mais garde les concessions forestières. Au milieu des années 1920, il érige une nouvelle usine à Riverbend, près d'Alma. En 1927, Price prend le contrôle de la Fabrique de Pâte et de Papier du Québec Ltée, laquelle gère les actifs de la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi suite à la liquidation. Dans un effort de réorganisation et pour contrecarrer la crise de surproduction qui sévit tant en région qu'à travers tout le Canada, il ferme les moulins de Chicoutimi (1927 et 1930) et de Val-Jalbert (1930).
Peu avant la Crise économique qui sévit dans les années 1930, la compagnie Price Brothers est considérée comme le plus grand producteur de papier journal au Canada. Dans la seule région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, ses installations ont une capacité de quelque 340 000 tonnes de papier journal et de 15 000 tonnes de carton par an. Outre ces usines, Price possède des moulins à scie situés dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, sur la Côte-Nord et au Saguenay. Il y produit, en 1927, 60 millions de pieds mesure planche de bois. Price exploite aussi son réseau de barrages : chute aux Galets (17 600 c.v.) et chute Murdock (10 400 c.v.) sur la rivière Shipshaw, les barrages de Kénogami (19 900 c.v.) et Jonquière (4 200 c.v.) sur la rivière aux Sables, ainsi qu’un barrage (8 000 c.v.) sur la rivière Chicoutimi. Le chiffre annuel des ventes de la Compagnie Price atteint en 1927 les 11 millions $. Elle emploie plus de 10 000 ouvriers et débourse 5,7 millions $ en gages et salaires, ce qui en fait à l'époque le plus grand employeur de la région.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.