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Les premières routes des fourrures
Thème : Économie

Les premières routes des fourrures dans le territoire des Ilnus au 16e siècle

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003


Le commerce des fourrures s'articule autour des grandes voies de communication de l'époque. Le contrôle des mers et du Saint-Laurent échoit aux Européens qui ont les moyens techniques et l'expertise pour s'y affirmer. Mais le contrôle du réseau hydrographique intérieur reste la prérogative des autochtones dans cette période de premiers contacts. Ils possèdent une connaissance profonde du pays. Le premier choc entre les deux cultures s'explique d'abord par la rencontre entre les grands voiliers européens et le canot. Ces deux moyens de transport répondent, de manière adéquate, à des besoins de déplacements dans des environnements spécifiques. 

À l'intérieur du Saguenay comme ailleurs, la route des fourrures exige une recherche pour se déplacer d'un point à un autre avec le minimum d'effort. Première étape en partant de Tadoussac, les Montagnais remontent le Saguenay jusqu'à Chicoutimi, une distance de cent trente kilomètres qui se franchit normalement en deux ou trois jours. Cette vallée profonde creusée par le glacier, puis envahie par la mer, est dégagée de ses glaces entre mai et décembre. Seule la force des marées ou des courants peut entraver les canots d'écorce qui doivent alors s'arrêter dans les anses qui découpent les bords escarpés du fjord. 

À Chicoutimi, terme qui signifie, en amérindien, « jusqu'ici l'eau est profonde », les chasseurs doivent délaisser le cours de la rivière Saguenay. En montant la rivière Saguenay vers le lac Saint-Jean, les rapides deviennent si forts et les quatorze portages sont si difficiles que les Amérindiens préfèrent utiliser une route plus facile, celle de la rivière Chicoutimi, affluent du Saguenay. Après sept portages et huit kilomètres franchis normalement en une journée le long de cette petite rivière, les canots parviennent au lac Kénogami, un autre fjord mais celui-là d'eau douce. Il est idéal pour les canotiers puisqu'il s'étire sur près de neuf kilomètres sans portage. À son extrémité ouest, une série de petits portages permet de joindre la Belle-Rivière qui mène droit au lac Saint-Jean, près du village actuel de Saint-Gédéon. 

Pour atteindre le Piékouagami (lac Saint-Jean) en traversant le lac Kénogami, il faut une autre journée. Longeant ensuite la rive sud du lac, les Montagnais parviennent à la rivière Ashuapmushuan qui est la voie navigable la plus facile pour pénétrer vers le grand lac Mistassini. Après une succession de portages difficiles, les canotiers entrent dans la rivière Chigoubiche, un affluent, pour parvenir vers le lac Nicabau. C'est à cet endroit que se situe la ligne de partage des eaux. Partant d'une altitude de 400 mètres, il devient facile de descendre au lac Mistassini, puis à la baie James. Du lac Saint-Jean à la baie James, il fallait au total une quinzaine de jours. Ainsi, en partant de Tadoussac, on doit compter une vingtaine de jours de navigation, quelques jours en moins pour le voyage de retour.

Sur ce long parcours de quelques centaines de kilomètres, se dressent, au fil des âges, des points d'arrêt où l'Amérindien se repose, s'approvisionne ou rencontre d'autres autochtones. Chicoutimi, peut-être Métabetchouan en bordure du lac Saint-Jean et Nicabau semblent des points névralgiques où, depuis des temps immémoriaux, les autochtones se sont arrêtés. Outre cette grande route des fourrures au Saguenay, il s'en trouve d'autres moins importantes qui se situent dans des réseaux hydrographiques marginaux.
 
 
Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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