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Le commerce des fourrures vers 1600
Thème : Économie

La première organisation du commerce des fourrures au Saguenay : 1580-1652

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003.

 
Au cours des dernières décennies du 16e siècle, la demande de fourrures ne cesse de croître en Europe. Les chapeliers parisiens découvrent la beauté du feutre de castor. Prisé d'abord par la noblesse, le port des fourrures et des chapeaux de feutre attire désormais les bourgeois et les nouveaux riches. Dans la métropole française, deux groupes d'intervenants agissent dans ce commerce. Il y a le roi qui encadre et tergiverse jusqu'en 1627 entre l'attribution de monopoles et la liberté d'un tel commerce. Pour leur part, les trafiquants et les commerçants privilégient plutôt une liberté des échanges demandant à l'Etat d'assurer les conditions favorables au maintien de cette liberté.

L'intérieur du territoire saguenayen est occupé par des peuples montagnais, nomades et chasseurs, qui peuvent intégrer leur activité traditionnelle à la nouvelle économie. Avec le commerce des fourrures s'amorce toute une série d'échanges entre le centre métropolitain et la colonie où se trouve la ressource de base. Au Saguenay, les animaux à fourrures sont chassés par les autochtones. Les fourrures sont troquées sur place avant d'aboutir sur les marchés européens où elles sont le plus souvent transformées avant d’être revendues. À chaque étape, on doit tirer un profit. Si tout va bien, ce commerce peut être fort lucratif. Mais les risques sont nombreux. Sur le terrain de la chasse, combien d'aléas peuvent anéantir le travail d'une année. Un hiver trop froid, un printemps soudain, des stocks qui s'épuisent, des guerres, un canot qui chavire. 

Dès 1580, le commerce des fourrures existe au port de Tadoussac. C'est ce qu'affirment de vieux marins qui accompagnent Champlain en 1610. Le commerce se porte jusqu'à Lachine près de Montréal en 1581, alors que des armateurs français envoient une barque chargée de marchandises de traite. L'expérience est si concluante qu'on en conduit trois en 1582 et cinq l'année suivante. Les profits seraient considérables et atteindraient même 1 400 %. 

À la suite de tels succès, un nouvel intérêt pour le monopole des fourrures se manifeste en France. Le neveu de Jacques Cartier, Jacques Noël et son associé, Étienne Chaton de La Jannaye, obtiennent du roi Henri III le monopole du commerce des fourrures et des mines en janvier 1588. Ce privilège sera révoqué quelques mois plus tard après les protestations de marchands de Saint-Malo et de Bretagne qui se font les défenseurs de la liberté de commerce et qui s'opposent à toute colonisation du territoire.

Henri IV et son ministre Sully essaieront, à partir de l'Édit de Nantes de 1598, de réorganiser le commerce de la Nouvelle-France. Ils accordent, dès 1600, un nouveau monopole de traite dans la vallée du Saint-Laurent. Pierre Chauvin, un calviniste, capitaine de la marine dans l'armée française, en est le titulaire. Trois ans plus tard, suite au décès de Chauvin, Pierre du Gua de Monts obtient le privilège de la traite sur un vaste territoire qui inclut nommément Tadoussac. S'appuyant sur ce privilège, de Monts, un autre calviniste, commence à taxer les navires français qui fréquentent le Saint-Laurent. Encore une fois, des marchands de Saint-Malo, auxquels s’en joignent d’autres provenant de Dieppe et de La Rochelle, protestent auprès du roi, alléguant que depuis les voyages de Cartier, ils ont toujours traité dans cette région et ont même su développer des rapports amicaux avec les autochtones. Des Basques français font aussi connaître leurs griefs auprès du roi Henri IV en 1608. Devant ces protestations, le Conseil royal supprime, la même année, le monopole à de Monts et accorde la liberté de commerce à tous les armateurs du Royaume.

 
Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
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