Thème :
Société et institutions
L’administration de la justice au Saguenay–Lac-Saint-Jean
Laurie Goulet et Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003
Dans les années 1840, l'administration de la justice dans la région est sous la responsabilité du district judiciaire de Québec. C’est là que se règlent les litiges. Les Saguenayens et Jeannois commencent très tôt à exiger un meilleur accès aux services judiciaires. Ils sont exaucés dès le milieu du 19e siècle, une époque où le gouvernement provincial procède à une réorganisation de la justice.
Au milieu du 19e siècle, les causes ordinaires sont traitées par les tribunaux des Éboulements, alors que ceux de Québec reçoivent les causes importantes. La longue distance à parcourir décourage plus d’un plaignant et les colons, en particulier, critiquent l’absence de tribunaux en région. Comme la plupart des litiges concernent la propriété des terres, on peut comprendre que les colons se plaignent de l’administration de la justice. Souvent, ils devaient renoncer à des terres qu’ils avaient défrichées pendant quelques années et dont ils voyaient les titres de propriété contestés.
C'est entre autres pour remédier à cette situation que la population adresse des demandes au gouvernement afin d’obtenir l’établissement d’une Cour supérieure dans la région. Elle obtient gain de cause en 1858 lors de la création du district judiciaire de Chicoutimi. Avec l’obtention d’un district judiciaire, différentes instances sont implantées dans les municipalités régionales. Dans les années 1860, des Cours des commissaires sont créées entre autres à Bagotville, à Hébertville, à Métabetchouan. La Cour du banc de la Reine débute ses audiences en 1862. Elle prend le relais de la Cour supérieure autant dans des affaires civiles que criminelles. Jusqu’à 1900, la Cour criminelle tient séance deux fois par an, soit à l'hiver et à l'automne. Le déroulement des premières causes est en anglais et il faudra attendre jusqu’en 1872 avant que ne se répande l’usage de la langue française. Dans le courant des années 1870, diverses municipalités, dont Chicoutimi, L’Anse-Saint-Jean, Hébertville, Saint-Félicien et Saint-Alexis de Grande-Baie, sont dotées de Cours de magistrat de district.
Au début des années 1860, l'appareil judiciaire est concentré à Chicoutimi. C'est dans cette localité qu’est édifié un bâtiment qui abrite le palais de justice et la prison. Entre 1862 et 1900, la prison accueille de deux à trente prisonniers par année, en majorité des hommes. En 1927, le gouvernement fédéral décide d'améliorer les infrastructures existantes et fait construire une nouvelle prison, en arrière du palais de justice, à l’angle des rues Price et Lafontaine. Les travaux sont terminés deux ans plus tard. Quant au palais de justice, il est réaménagé en 1954 et déménagé sur un nouveau site en 1987.
Les habitants du Lac-Saint-Jean sont confrontés eux aussi au problème de l’accessibilité aux services judiciaires. Chicoutimi était certes plus près d’eux que Québec, mais il demeurait difficile pour les colons de se rendre dans cette ville en raison du mauvais état des chemins. Les demandes de la population jeannoise sont finalement exaucées et en 1906 la Cour supérieure commence à siéger à Roberval. La seule condition posée par le gouvernement concerne la construction d'un bâtiment qui pourra accueillir les nouveaux services. Le district judiciaire du Lac-Saint-Jean devient officiel en 1911 : Roberval possède alors une Cour de circuit, une Cour supérieure et une Cour du banc du Roi.
Le 20e siècle verra de nombreux changements dans l’administration de la justice. En 1917, les Cours de magistrats de villages sont abolies et cinq ans plus tard, les Cours de circuit connaissent le même sort. En 1965, les Cours de magistrats deviennent les Cours provinciales. C'est également pendant les années 1960 que la population des environs d'Alma est dotée de services judiciaires. En 1961, une Cour supérieure siège à Alma, mais elle demeure rattachée au greffe de Roberval. Un palais de justice est construit en 1980 et l’on y centralise toutes les activités reliées à la justice. Finalement, l’année suivante, le district judiciaire d’Alma est créé. La ville de Dolbeau doit, pour sa part, attendre les années 1970 avant de se voir reconnaître comme le siège d’un nouveau district judiciaire.
L’accessibilité aux services de la justice pour toute la population s’est faite sur une longue période. Au milieu du 19e siècle, l’État a d’abord répondu aux besoins les plus urgents, mais peu à peu la population a pu accéder à des services complets et de proximité.
Bibiographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Claveau, Lina. « L'administration judiciaire au Saguenay–Lac-Saint-Jean », Saguenayensia, vol. 43, no 3, juillet-septembre 2001, p. 13-21.