Thème :
Économie
Sociétés d'agriculture et cercles agricoles : deux organisations qui viennent en aide aux agriculteurs
Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003
La première société d’agriculture voit le jour en 1850 dans le comté Chicoutimi-Saguenay. Une seconde se forme peu de temps après. Ces sociétés d’agriculture veulent apporter le progrès en agriculture en aidant les cultivateurs à se procurer des grains de qualité, en présentant des conférences et en organisant des concours de récoltes et de labours. En fait, ils souhaitent dynamiser le milieu agricole. Leur financement provient d’une cotisation des membres et d’une subvention annuelle du gouvernement. Tout cela provient d’une volonté réelle de contribuer à l’essor de l’agriculture dans la région.
Cependant, dans la pratique, la réalité est tout autre surtout dans les premières décennies alors que les agriculteurs de la région doivent s’adapter aux conditions difficiles de la pratique agricole dans les limites de l’oekoumème nordique.
Vers 1880, les sociétés d’agriculture de Chicoutimi essaient de miser sur l’achat et l’entretien des animaux de race ainsi que sur la modernisation des instruments aratoires, mais sans réel succès. À la fin du 19e siècle, une de deux sociétés déménage et devient la Société d’agriculture du Lac-Saint-Jean à laquelle adhèrent 259 membres en 1890, alors que celle de Chicoutimi a 211 membres. Dans les faits, la société du Lac-Saint-Jean consacre plus d’argent à l’achat d’animaux de race comparativement à son homologue saguenayenne. Peu à peu, les activités se diversifient : on organise des expositions agricoles annuelles dans les villes de Chicoutimi, Roberval et Hébertville. Les prix sont assez importants, en 1890 plus de 2 000 $ sont distribués aux gagnants qui proviennent majoritairement des fermes modèles des communautés religieuses, mais également d’autres fermes dynamiques dans leur milieu.
Toutefois, plusieurs reproches sont adressées aux sociétés d’agriculture. Les agriculteurs les accusent de consacrer trop d’énergie à l’achat des grains de semence et pas assez aux autres domaines en développement. Les critiques font en sorte que les agriculteurs donnent leur appui aux cercles agricoles au détriment des sociétés d’agriculture. Les cercles agricoles interviennent sur le plan local et sont en nombre plus important. En 1893, neuf d’entre eux sont en activité au Saguenay et regroupent 425 membres. L’année suivante, plus de 25 cercles sont mis en place, que ce soit au Lac-Saint-Jean (15 cercles) ou au Saguenay (10 cercles). La principale raison de leur popularité réside dans le fait qu’ils répondent aux besoins ressentis sur une base locale et communautaire. La présidence du cercle est prise en charge soit par un curé, un notable de l’endroit ou un agriculteur influent.
Les cercles agricoles se financent par la cotisation des membres, par une subvention gouvernementale et d’autres sources de revenus. Une part importante des budgets sert à l’amélioration de la qualité des cheptels et à l’achat d’instruments aratoires. Leurs principales préoccupations ressemblent beaucoup à celles des sociétés d’agriculture à savoir l’achat de grains de semence, l’organisation de conférences, la sensibilisation sur les méthodes d’élevage, des systèmes de culture et d’utilisation d’engrais. Le cercle agricole de Saint-Gédéon, petit hameau situé sur les bords du lac Saint-Jean, se démarque des autres: il est reconnu pour son excellence et son dynamisme. Son programme de fonctionnement et d’activités se voit publié dans le Journal d’agriculture afin de servir d’exemples aux autres cercles agricoles.
Finalement, l’implication des sociétés d’agriculture et des cercles agricoles reste limitée dans la région. Ils ont certes aidé des agriculteurs, mais en nombre peu important. En fait, peu de résultats ont été constatés sur le terrain. En 1917, il reste trois sociétés d’agriculture et 34 cercles agricoles dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Même s’il ne faut pas banaliser leurs réalisations, il demeure que leur principal lieu d’action se situe presque exclusivement dans l’achat de grains de semence. Il faut toutefois voir dans ces regroupements, les assises des mouvements coopératifs qui permettront aux agriculteurs de prendre en main leur secteur d’activité alors que l’industrialisation et l’urbanisation touchent la région au 20e siècle.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.