Thème :
Économie
L'essor de la compagnie Price au début du 20e siècle
Camil Girard et Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003
Au début du 20e siècle, le secteur industriel est en plein développement au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Diverses industries ouvrent leurs portes, particulièrement dans le domaine des pâtes et papiers et de l’aluminium. William Price (1867-1924), troisième du nom, participe activement à cet essor économique en bâtissant plusieurs usines qui procurent un emploi à un nombre important de travailleurs.
En 1886, William Price quitte le Chili, où il est né, pour venir travailler au Saguenay–Lac-Saint-Jean au sein de la compagnie Price Brothers, qui appartient à son oncle, Evan John. En 1891, William reçoit la mission d'inspecter les activités forestières de l'entreprise dans la région. Il fait ainsi le tour des chantiers pour évaluer la situation dans les camps. Lors de la mort d'Evan John en 1899, William, un des héritiers, devient président de l'entreprise. Il met la société Price Brothers en faillite afin de former la Compagnie Price Brothers Ltée. En 1902, il achète le capital-action de la Compagnie de pulpe de Jonquière que des cultivateurs et des marchands locaux avaient fondée en 1900 et qui était au bord de la faillite. En 1904, Price y fait installer l’équipement nécessaire à la production de carton et cinq ans plus tard, il oriente l’usine vers la production de papier.
La compagnie Price possède d'immenses concessions forestières au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Au début du 20e siècle, William Price consolide l’emprise de la compagnie sur les ressources forestières de la région en faisant l'acquisition de nouveaux territoires de coupe. Price concentre ses concessions forestières dans le nord de la région ainsi qu'au sud où il partage le territoire avec un proche concurrent, Julien-Édouard-Alfred Dubuc. Il travaille par ailleurs à éliminer ses concurrents. C'est ce qu'il fait en 1917 lorsqu'il achète la Compagnie de pulpe de Péribonka. Il ferme le moulin, mais il prend du même coup le contrôle des concessions forestières qui appartenaient à cette compagnie.
Dans les premières décennies du 20e siècle, William Price semble à l’affût d’autres affaires. Il s’intéresse en particulier à l’exploitation des ressources hydroélectriques de la région. Avec le grand industriel américain James Buchanan Duke, il participe à la construction d’une centrale hydroélectrique à l’Isle-Maligne entre 1923 et 1925. Cette centrale hydroélectrique fournira l'énergie nécessaire au fonctionnement de la nouvelle usine que Price Brothers Ltée fait ériger à Riverbend (Alma), sur les rives du lac Saint-Jean.
William Price décède en 1924 lors d'un glissement de terrain près de la papeterie de Kénogami qu’il avait fait construire en 1912. C'est John H. Price qui prend la relève. Au cours des années 1920, l’avenir s’annonce un peu plus difficile. Vers la fin de cette décennie, une crise de surproduction dans le domaine des pâtes et papier force Dubuc à fermer ses usines de Chicoutimi et de Val-Jalbert. La Compagnie de pulpe de Chicoutimi, que dirige Dubuc, fait faillite. Price profite de l’occasion pour consolider à nouveau ses positions dans la région. Il prend alors le contrôle de la Quebec Pulp and Paper Corporation qui gère les avoirs de la défunte compagnie de Dubuc. Price peut ainsi mettre la main sur les concessions forestières appartenant jadis à Dubuc.
Peu avant la Crise, la compagnie Price est devenue le plus grand employeur de la région et est considérée comme le plus important producteur de papier journal au Canada. Cependant, la Crise des années 1930 met à la compagnie Price à rude épreuve. En 1932, elle ne peut plus faire face à ses obligations et Alcan (Aluminerie Limitée du Canada) essaie de l'acculer à la faillite. Pendant la Crise, les deux grandes compagnies régionales sont en lutte et chacune tente de mettre l’autre en mauvaise posture. En 1937, la compagnie Price est réorganisée et peut poursuivre ses activités, particulièrement dans le domaine forestier.
Au tournant du 20e siècle, William Price a relancé la compagnie de son ancêtre. À la différence de Dubuc qui spécialise ses usines dans la production des pâtes mécaniques ou chimiques, Price a opté pour une stratégie différente. Il oriente ses usines vers la production de papier. Il choisit aussi de diversifier ses activités. Enfin, William Price n’a pas été seulement un industriel. Il s’est en effet impliqué dans la vie politique canadienne et il a même participé à la guerre des Boers, ce qui lui a valu le titre de Sir en 1914. C'est un homme plein de projets qui est venu s'installer au Saguenay–Lac-Saint-Jean à la fin du 19e siècle.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Collectif. Hommage à nos bâtisseurs, 350 ans d'histoire au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Les Distributions OM inc, Jonquière, 1997. 694 p.