Thème :
Société et institutions
Quelques catastrophes naturelles au Saguenay–Lac-Saint-Jean
Laurie Goulet et Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003
Le terme catastrophe prend tout son sens lorsque des gens sont touchés par ces événements malheureux. La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean a connu son lot de catastrophes naturelles. Ces désastres ont parfois permis de raffermir le sentiment de solidarité et d'appartenance de la population. Trois catastrophes sont ici rappelées : le grand feu de 1870, le glissement de terrain à Saint-Jean-Vianney en 1971 et le déluge de 1996.
Le grand feu de 1870 se déclare à Saint-Félicien. L'origine du sinistre n'est pas certaine. On présume que ce sont des abattis qui, le 19 mai, auraient été à l’origine de ce désastre. Les flammes se propagent rapidement et le feu s’étend jusqu'à Grande-Baie, dans la sous-région du Saguenay. Sur environ 50 % du territoire entre le lac Saint-Jean et la baie des Ha ! Ha !, les flammes ont presque tout détruit. On estime que 555 familles ont été touchées par le désastre, pour un total de 5 000 personnes sur une population de 16 458, selon le recensement de 1871.
Les journaux de l'époque ont fait état de l’événement et des besoins de la population. Les secours proviennent essentiellement des familles de la région ainsi que de Charlevoisiens. De plus, des entrepreneurs forestiers, dont William Price, ont donné du bois afin de permettre la reconstruction des habitations. Tout cela témoigne de la force de l'entraide communautaire, car la région s'est relevée de cette épreuve sans compter sur l'aide du gouvernement. Encore aujourd'hui, le grand feu de 1870 marque l'imaginaire des gens de la région. Le jardin zoologique de Saint-Félicien en commémore même le souvenir dans son sentier de la nature.
Le glissement de terrain survenu à Saint-Jean-Vianney, un village situé à proximité de Jonquière, est une autre catastrophe naturelle importante dans la région. Dans la nuit du 4 mai 1971, une coulée argileuse, dont la vitesse atteint jusqu'à 25 km/h, laisse un cratère de 32 hectares. Le glissement de terrain emporte alors une partie du village. On dénombre 31 morts et plus d'une quarantaine de maisons et de bâtiments sont engloutis. Le désastre oblige les autorités à fermer le village et à relocaliser tous les habitants.
Plusieurs causes expliquent cette catastrophe qui est attribuée à des conditions naturelles, mais aussi à un développement urbain dans un secteur à risque. Plusieurs signes avant-coureurs avaient été signalés par la population. Certains habitants de la localité avaient entendu des bruits d'eau au niveau du sous-sol ou constaté des infiltrations d'eau, mais personne ne s’en était alerté outre mesure. Aujourd'hui, le site de Saint-Jean-Vianney reste désert, tout en demeurant le témoin d’une occupation mal planifiée du territoire.
Les événements du mois de juillet 1996 demeureront aussi dans la mémoire collective des Saguenayens. En effet, les 19, 20 et 21 juillet de cette année-là, une masse nuageuse immobile déverse une grande quantité de pluie sur la région, particulièrement au Saguenay. Près de 262 millimètres de pluie tombent en 50 heures. Les conséquences de ces pluies diluviennes sont désastreuses. Plus de 500 résidences sont détruites et quelque 1 200 autres sont endommagées. Près de 16 000 personnes doivent être évacuées de leur domicile. Au total, 50 municipalités sont touchées à différents degrés.
Les dommages causés aux propriétés privées et aux biens publics atteignent le milliard de dollars. Les inondations touchent autant les résidences que les infrastructures routières et industrielles. Six barrages sont presque complètement détruits. Des anciennes digues cèdent et des rivières sortent de leur lit, emportant tout sur leur passage, en particulier à La Baie.
Les secours arrivent rapidement sur place. La Croix-Rouge ainsi que diverses associations viennent en aide aux victimes. Des dons proviennent de partout au Canada et aux États-Unis. Lors de ce désastre naturel, les médias ont joué un rôle important. Une circulation rapide de l’information a permis une mobilisation plutôt efficace des gouvernements et autres intervenants.
La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean n'a donc pas été épargnée par les catastrophes naturelles. Un bref portrait a été présenté de quelques-unes d'entre elles. D’autres ont été passés sous silence, par exemple les tremblements de terre dont les conséquences ont toutefois été généralement peu désastreuses. Le grand feu de 1870 montre le rôle des institutions non gouvernementales et des industriels locaux dans l'intervention pour aider les populations. La catastrophe de Saint-Jean-Vianney laisse le souvenir d’une occupation mal planifiée du territoire en milieu urbain ou péri-urbain. Le dernier désastre naturel, le déluge de 1996, a montré une capacité d'intervention rapide des gouvernements et des médias. Encore là, le laisser-faire dans l’occupation a mis en évidence les dangers que peuvent encourir un jour les occupants des zones à risque.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Proulx Marc-Urbain (direction). Une région dans la turbulence, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1998. 239 p.