Thème :
Culture
Bibliothèques, des musées et des carnavals : des manifestations de la culture
Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003
Territoire éloigné des grands centres, le Saguenay–Lac-Saint-Jean a développé, souvent avec peu de moyens, des lieux d'affirmation et de production d'une culture régionale. Diverses actions prises ont visé à dynamiser soit la culture savante, soit la culture populaire. Jusque vers 1960, la place du clergé est déterminante dans l'action culturelle. Par la suite, les laïcs prennent le relais. Ce court texte dresse un bref portrait de l'historique des bibliothèques, des musées et des carnavals au Saguenay ainsi qu'au Lac-Saint-Jean et révèle comment les manifestations savantes et populaires reflètent le dynamisme culturel de la région.
Les premières bibliothèques apparaissent au milieu du 19e siècle, dans les municipalités de Bagotville en 1857 et de Chicoutimi l'année suivante. Ce sont des bibliothèques publiques pour les métiers, fondées par l'Institution des bibliothèques et des artisans, sous le modèle des Mechanical Institute britanniques. Parmi les bibliothèques importantes au 19e siècle, on compte celle du Séminaire de Chicoutimi que l’abbé Alphonse Huard prend en charge de 1875 à 1901. Malheureusement, le feu de 1912 détruit complètement la bibliothèque du Séminaire. À la fin du 19e siècle, les principales municipalités de la région disposent de bibliothèques paroissiales. Elles possèdent de 1 000 à 15 000 volumes et le contenu de ces bibliothèques est contrôlé par le clergé. Généralement, le nombre de livres des bibliothèques est assez limité, les bibliothèques disposant de budgets restreints. Enfin, la région compte aussi des bibliothèques privées qui le plus souvent appartiennent à des membres des élites chicoutimiennes et robervaloises.
Entre 1900 et 1930, la région compte dix bibliothèques publiques. À partir des années 1950, de grands changements surviennent dans la société et les répercussions se font vite sentir dans la fondation et la gestion des bibliothèques. En effet, au milieu du 20e siècle, les bibliothèques paroissiales tombent sous la juridiction de corporations municipales et échappent alors au contrôle de l'Église. La loi provinciale de 1959 sur les bibliothèques publiques vient renforcer la nouvelle tendance. Les budgets des bibliothèques augmentent et l’on essaie de diversifier les catégories de livres (science, roman, histoire, etc.). Notons que certaines bibliothèques publiques ont été implantées avant cette loi, dont celle d'Arvida en 1944 et celle de Chicoutimi en 1950.
Les premiers musées, habituellement créés à l'initiative de communautés religieuses, servent principalement à des fins d'enseignement. Le Saguenay doit son premier musée au Séminaire de Chicoutimi. C’est un musée qui se distingue particulièrement par collection vouée aux sciences naturelles. Du côté du Lac-Saint-Jean, le Collège des Maristes de Roberval recueille différents objets de valeur. En 1934, la Société Historique du Saguenay est fondée et elle commence, dès ses premières années, à ramasser des artefacts. Quatre ans plus tard, le Musée Louis-Hémon est créé à Péribonka par Éva Bouchard. Ce musée consacre ses expositions à l'écrivain breton Louis Hémon, l'auteur de Maria Chapdelaine.
Dans les années 1950 est fondé le Musée saguenayen à Chicoutimi qui deviendra le Musée du Saguenay–Lac-Saint-Jean, maintenant localisé à la Pulperie de Chicoutimi. Un autre établissement muséal naît peu de temps après, celui du Musée Monseigneur Dufour à La Baie. Il devient, en 1983, le Musée du Fjord et se consacre principalement à l'interprétation du fjord du Saguenay. Le Musée amérindien de Pointe-Bleue est institué en 1976 et permet ainsi la diffusion de la culture ilnue. C'est dans les années 1980 et 1990 que la région voit l'implantation de plusieurs autres établissements muséaux : Musée d'archéologie de la Métabetchouan, Musée de l'agriculture et de la ruralité à Lac-à-la-Croix, Musée du Lac-Saint-Jean à Alma, Moulin du Père-Honorat à Laterrière, Centre William Price à Jonquière, etc. Aujourd'hui, il y a plus de dix musées au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
L'isolement, le repli sur la communauté que suscitent les longs hivers, voilà qui favorise la fête populaire dans la région. Au 19e siècle, pratiquement chaque municipalité organise son petit carnaval. Avec le temps, certains prennent plus d'ampleur et des thèmes spécifiques sont donnés. Les carnavals sont tolérés par l'Église, mais celle-ci tente tant bien que mal à limiter les débordements. Au 20e siècle, ces festivités deviennent peu à peu des outils de promotion économique et s'intègrent à l'industrie touristique. C’est dans ce contexte que naissent des festivals, Ils se spécialisent autour de thématiques rappelant l’environnement naturel, comme la ouananiche (Desbiens), le faisan (Saint-Stanislas). Diverses productions agricoles sont aussi à l’honneur, dont le bleuet (Mistassini), la patate (Saint-Ambroise) et la gourgane (Albanel). D'autres choisissent comme thème un métier, un sport ou même un loisir : la Traversée du lac Saint-Jean (Roberval), le bûcheron (Shipshaw), le camionneur (La Doré et Boileau), le Festirame (Alma), le campeur (Saint-Gédéon), Finalement, Dolbeau et Chambord font un peu classe à part avec leurs festivals western et du cowboy.
Le Carnaval-Souvenir de Chicoutimi reste l'une des fêtes populaires qui connaît le plus de succès. Créée en 1961, cette grande fête, qui se tient au milieu de l'hiver, célèbre les ancêtres en rappelant des facettes de la vie régionale il y a 100 ans. La population locale ainsi que les nombreux touristes sont invités à se costumer selon l'époque et selon une thématique choisie chaque année.
La culture régionale reste marquée par l'histoire d'une population fière de s'affirmer avec une certaine vigueur et un peu en marge des grands courants initiés parfois par les métropoles. Cependant, la nouvelle économie impose aussi aux régions une pression très forte sur la viabilité de plusieurs secteurs sur la scène locale. On peut rappeler enfin que des associations et des établissements, comme l'Orchestre symphonique du Saguenay, la radio de Radio-Canada à Saguenay, l'Université du Québec à Chicoutimi ainsi que les cégeps de la région, les musées et la maison d'Édition Jean-Claude Larouche, apparaissent comme des lieux d'animation privilégiés pour la relève et le dynamisme de la culture régionale. Quelques grands événements, comme La Fabuleuse Histoire d'un Royaume et Québecissime, se sont également ajouté au Carnaval-Souvenir afin d’attirer une nouvelle clientèle de touristes.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Duchesne Laurier. « Le Carnaval-Souvenir de Chicoutimi fête son 40e anniversaire », Saguenayensia, vol. 42, no 2, avril-juin 2000, p. 36-41.