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La navigation
Thème : Économie

Les hauts et les bas de la navigation au Saguenay–Lac-Saint-Jean

Camil Girard et Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003

 
Au 19e siècle, les voies d’eau contribuent au bon développement de la colonisation du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les premiers arrivants s’installent près des cours d’eau qu’ils ont empruntés. Les innovations, comme le chemin de fer et l’automobile, réduiront peu à peu le champ d’activité des navires, mais leur présence demeure toujours nécessaire aux échanges internationaux. 
 
Pendant les premières années de peuplement, les navires servent de lien entre les lieux de production et les lieux de consommation pour une panoplie de marchandises. Au 19e siècle, les liaisons avec le reste de la province s’effectuent presque exclusivement par voie maritime. Vers 1850, les bateaux à voile se voient dépasser par la technologie des bateaux à vapeur. Durant cette période, deux compagnies assurent les transports au Saguenay : la flotte de l’industriel William Price et la Rowland Hill qui effectue le trajet Québec-Saguenay. Vingt ans plus tard, deux autres compagnies opèrent dans la région et se font concurrence : la Compagnie des remorqueurs du Saint-Laurent et la Canadian Steam Navigation Company. Cette dernière abandonne la région saguenayenne en 1875 et c’est la Compagnie du Richelieu qui prend sa place. Quelques années plus tard, soit en 1886, c’est la Compagnie du Richelieu qui contrôle en grande partie le transport des marchandises et des personnes. Pendant les bonnes années, les navires peuvent transporter plus de quinze milles personnes par année. Ces gens sont en partie des touristes de condition aisée qui viennent admirer les splendeurs du Saguenay.
 
Le tourisme de gens fortunés se développe également au Lac-Saint-Jean, plus spécifiquement à Roberval. Cette ville devient la plaque tournante du commerce et de l’industrie autour du lac Saint-Jean. Dès 1882, la Compagnie de Navigation du Lac-Saint-Jean relie le nord et le sud du lac grâce à un bateau à vapeur. Deux problèmes compliquent les liaisons maritimes : le lac est peu profond près des côtes et le niveau de l’étendue d’eau est très irrégulier. Cela n’empêche toutefois pas les échanges et le développement de l’industrie maritime. À la fin du 19e siècle, plusieurs navires ont été construits au Lac-Saint-Jean, si bien qu’en 1903, on retrouve dix-neuf navires dont douze qui fonctionnent à la vapeur. Pratiquement chaque municipalité riveraine possède un port où l’on transige les produits locaux. Les prix sont abordables et les bateaux peuvent accepter plusieurs personnes pendant un trajet. Si bien qu’entre 1888 et 1910, la complémentarité des activités propres au train et à la navigation intérieure sur le lac, permet un grand essor de l’économie jeannoise. Le commerce maritime au Lac-Saint-Jean dure environ un demi-siècle, de 1859 à la fin des années 1920. 
 
Un problème majeur sévit au Saguenay–Lac-Saint-Jean : pendant l’hiver, pratiquement toutes les voies d’eau sont glacées, forçant la suspension des activités pendant plusieurs mois de l’année. Les industriels et les marchands souhaitent donc remédier à cet état de fait en construisant un chemin de fer. Son arrivée porte ombrage au commerce maritime et contraint les navires à se concentrer sur les expéditions outre-mer. Dès 1915, le port de Chicoutimi joue déjà un rôle secondaire dans l’économie régionale en transportant essentiellement du charbon. La période allant des années 1930 aux années 1970 est signe de changement : on délaisse les trains et les bateaux pour se consacrer aux automobiles, aux camions et aux avions. C’est à partir de ce moment que le transport maritime se voue aux marchés d’importation et d’exportation intercontinentaux. 
 
Au 20e siècle, le pivot de la navigation en eau profonde au Saguenay–Lac-Saint-Jean se situe à La Baie, au quai de l’ancienne municipalité de Port-Alfred. C’est à cet endroit que l’industriel Julien-Alfred-Édouard Dubuc a construit un port et une usine au début du 20e siècle. Ces quais sont équipés pour répondre aux besoins des industries d’aluminium et de papier qui sont en prédominance sur le territoire. Ce sont ces rénovations qui ont permis au port de devenir le centre nerveux de la navigation régionale. En 1965, les installations portuaires de Port-Alfred manutentionnent plus de trois milles tonnes de marchandises, soit sept fois plus que le port de Chicoutimi qui ferme ses portes en 1985. Enfin, l’ouverture du port fédéral de Grande-Anse permet aux navires d’accoster pendant toute l’année. Il faut dire que la baie des Ha! Ha! est un site naturel pour la navigation maritime dans la région. 
 
En conclusion, on constate que la navigation a joué un rôle majeur et déterminant dans le développement économique et touristique du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Peu à peu, elle a perdu de l’importance, mais le commerce maritime s’est adapté aux changements provoqués par l’arrivée du chemin de fer et des automobiles. Bref, le commerce maritime a contribué à placer la région en interaction avec les diverses économies mondiales.  
 

Bibliographie : 

Fortin, Gilles. « Le rôle de la navigation sur le lac Saint-Jean 1890-1920 », Saguenayensia, 1972, vol. 14, no 1, p. 6-12. 
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
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