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Tadoussac : le premier port transcontinental
Thème : Économie

Tadoussac : le premier port transcontinental en Nouvelle-France, 1600-1630

Camil Girard, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 30 octobre 2003

 
À l'obtention de son monopole sur la traite des fourrures dans le Domaine du Roi, Chauvin s'est engagé à coloniser le pays. Il vient lui-même organiser son commerce et choisit Tadoussac comme lieu de résidence permanente des colons. 

Au cours de l'été 1600, une première maison s'élève à proximité du havre. Seize hommes demeurent sur place pour hiverner, mais cinq seulement survivent au long hiver. Ce premier effort de peuplement permanent à l'embouchure du Saguenay s'avère un désastre pour les Français. Tadoussac restera par la suite essentiellement un comptoir de commerce agrémenté d'un port où les navires transatlantiques jettent leurs amarres pendant la saison douce, laissant la rade déserte l'hiver venu. Il faut préciser que jusqu'en 1630, les navires ne se rendent pas à Québec. Les vaisseaux accostent, le plus souvent, à Tadoussac et le transport des voyageurs et des provisions s'effectue en barques. Ce sont les frères Kirke qui, en juillet 1629, parviennent à atteindre Québec avec leurs voiliers. Champlain constate aussi en 1632 que le Saint-Laurent peut être remonté jusqu'à Québec, à la condition de prendre bien son temps et d'utiliser les marées à son avantage.

La position de Tadoussac dans l'économie de la Nouvelle-France devient de plus en plus difficile à mesure que le commerce s'organise et que de nouvelles fondations de Québec (1608), Trois-Rivières (1634) et Montréal (1642) permettent de mettre en valeur des routes à fourrures concurrentielles. Champlain constate en 1610 que Tadoussac est envahi par un si grand nombre de marchands que tous risquent de subir des pertes considérables, d'où son désir de contrôler davantage ce commerce. Mais lorsque Richelieu crée la Compagnie des Cent-Associés, en 1627, Tadoussac a déjà perdu de son importance dans l'économie de la colonie française en Amérique.

Un observateur contemporain, le jésuite Charles Lalemant, constate le déplacement du commerce dès 1626. Ses propos permettent de saisir l'importance de la traite à cette époque. Parmi les produits qui sont échangés dans la colonie dans cette phase initiale du commerce, il semble y avoir peu de place pour les armes et l'alcool. Les objets utilitaires, comme les vêtements, les outils de métal ou les aliments, constituent l'essentiel des produits échangés. Le castor est déjà très recherché et la production annuelle dépasse les 15 000 peaux.

« Mais maintenant que cette traitte a esté accordee à l'association qui est auiourd'huy privativement à tous autres, lon ne void plus icy (Tadoussac) que deux navires qui appartiennent à l'Association, & ce, une fois l'an seulement, environ le commencement du mois de Iuin. Ces deux navires apportent toutes les marchandises que ces Messieurs traictent avec les Sauvages, c'est à sçavoir des capaux, des couvertures, bonnets de nuicts, chapeaux, chemises, draps, haches, fers de fleches, aleines, espees, des tranches pour rompre la glace en Hyver, des coutteaux, des chaudieres, pruneaux, raisins, du bled d'Inde, des pois, du biscuit, ou de la galette, & du petun; & outre ce qui est nécessaire pour le vivre des François, qui demeurent en ce pays là, en eschange, ils emportent des peaux d'orignac, de loup cervier, de regnard, de loutre & quelquefois il s'en rencontre de noires, de mattre, de blaireau, & de rat musqué; mais principalement le Castor, qui est le plus grand de leur gain: On m'a dit que pour une annee ils en avaient remporté iusques à 22000. L'ordinaire de chaque annee est de 15000. ou 12000. à une pistole la pièce, ce n'est pas mal allé; il est bien vray que les frais qu'ils font sont assez grands, ayant icy quarante personnes & plus qui sont gagez & nourris; outre les frais de tout l'equipage de deux navires, où il se retrouve bien 150 hommes qui reçoivent des gages et se nourrissent. »

Il faut croire que Tadoussac subit les contrecoups de ce qui se passe dans la colonie française d'Amérique. Point stratégique important, les Anglais prennent ce port en 1628. Si, bon an mal an, il continue d'y avoir une certaine activité commerciale à cet endroit et ce, jusqu'au milieu du 17e siècle, la situation ne cesse de se détériorer car la concurrence est vive tant à l'intérieur de la colonie qu'à l'extérieur. L'économie de la colonie se déplace vers l'ouest et les centres de peuplement de Québec et de Montréal en viennent à gérer ce commerce pour leur bénéfice, ce qui contribue à marginaliser Tadoussac.


Bibliographie :

Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
 
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