Thème :
Économie
Charlevoix, région d'origine des premiers immigrants du Saguenay–Lac-Saint-Jean au 19e siècle.
Camil Girard et Laurie Goulet, Groupe de recherche Histoire (GRH), Université du Québec à Chicoutimi. 2003
La migration change inévitablement l'aspect humain d'un pays ou d'une région. Lorsqu'un nouveau territoire s'ouvre à la colonisation, des gens viennent s'y installer. Leur origine donne un ton particulier à la terre d'accueil. En 1842, le Saguenay devient officiellement une nouvelle région où les populations peuvent s'établir et acquérir une propriété. D'où provenaient ces agriculteurs-forestiers et pour quelles raisons ont-ils choisi la région saguenayenne comme terre d'adoption?
Quand le Saguenay ouvre ses portes aux colons, un mouvement de migration vers les États-Unis fait rage dans la province de Québec. Pendant le 19e siècle, on estime que près d'un million de personnes quittent le Québec afin d'aller travailler dans les usines manufacturières des États-Unis. Les élites et le clergé militent donc pour développer les ressources de l'arrière pays afin de garder les Canadiens français au pays. L'occupation principale des nouveaux arrivants demeure majoritairement l'agriculture. Il faut dire que le nouveau territoire saguenayen fait rêver, en grande partie parce que les terres sont présentées par les promoteurs comme propices aux activités agricoles et forestières. Les agriculteurs vont travailler dans les chantiers des entrepreneurs William Price et Peter McLeod fils afin d'améliorer leur revenu tout en pratiquant l’agriculture.
Les gens de Charlevoix qui s'installent au Saguenay–Lac-Saint-Jean quittent soit en groupes familiaux, soit par l'entremise des sociétés de colonisation. Ce genre d'association est très populaire particulièrement dans les années 1840 et 1850.
Plusieurs regroupements prendront forme, certaines pour un court laps de temps alors que d'autres perdurent. Au Lac-Saint-Jean, la plus importante reste l'Association des comtés d'Islet et de Kamouraska qui, avec la collaboration du curé Nicolas-Tolentin Hébert, fonde Hébertville en 1849. Certaines sociétés de colonisation connaissent de grandes difficultés. Ainsi, la Société de Baie Saint-Paul réussit à installer, au milieu du 19e siècle, quelques rares familles dans le canton Signay (actuellement Alma).
Entre 1850 et 1870, près de 80% de l'ensemble des nouveaux arrivants au Saguenay proviennent de la région voisine de Charlevoix. Mais ils ne sont pas les seuls : les gens du Bas-Saint-Laurent et de la région de Québec viennent également dans la région, mais en nombre moins important. Les gens migrent généralement en famille, il est en effet plus rare qu'une personne seule décide de partir à l'aventure. Les parents songent à trouver des terres pour leurs enfants au lieu de les laisser partir travailler dans les grands centres comme Québec, Montréal ou certaines régions des États-Unis. Les familles migrantes se déplacent en groupe vers les mêmes lieux de destination, et ne se séparent pas. Ainsi, les personnes provenant de Baie-Saint-Paul se retrouvent dans la paroisse Saint-Alphonse de Bagotville alors que les personnes qui quittent La Malbaie se retrouvent davantage à Saint-Alexis de Grande-Baie.
La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean s'est peuplée assez rapidement. Même si les régions de provenance des migrants se limitent à Charlevoix, au Bas-Saint-Laurent et à Québec au 19e siècle, le 20e siècle amène de grands changements. À partir de ce moment, un division s'effectue dans la région : le Saguenay devient plus industriel alors que le Lac-Saint-Jean, tout en développant son industrie, garde une plus forte emprise autour de l'industrie agraire. Enfin, le développement industriel provoque l'arrivée de nouvelles catégories de travailleurs (journaliers, ouvriers spécialisés, etc.) ce qui tend à diversifier le profil de la population régionale.
Bibliographie :
Girard, Camil et Normand Perron. Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989. 665 p.
Bouchard, Gérard. Quelques arpents d'Amérique : population, économie, famille au Saguenay (1838-1971), Montréal, Boréal, 1996. 635 p.