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Réal Caouette, un politicien populaire
Thème : Société et institutions

Réal Caouette, un politicien populaire aux discours imagés

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 19 juillet 2004


S’il est un homme politique qui a marqué la région de l’Abitibi-Témiscamingue, c’est bien Réal Caouette! Ce n’est pas tout. Son prestige déborde largement les frontières de la région pour atteindre l’ensemble du Canada. Sa carrière politique, qui débute en 1944, prend en effet une dimension pancanadienne à l’occasion de l’élection fédérale de 1962. Ce coloré politicien obtient alors un succès éclatant au Québec, contribuant à le propulser au-devant de la scène politique canadienne. Il le restera jusqu’à sa mort, en 1976. L’approche politique de M. Caouette s’avère originale à plusieurs niveaux, étant davantage près des gens ordinaires que des hommes d’affaires. Il s’agit là d’une des raisons de sa popularité dans sa région et au Canada. 
 
Réal Caouette est né le 26 septembre 1917. Ses parents demeurent alors à 1,6 kilomètre au nord d’Amos, sur un lot de colonisation situé sur le bord de la rivière Harricana. Son père, Samuel, y est établi depuis 1911 et, à ce titre, il compte parmi les premiers colons du secteur d’Amos. Sa mère, Marie Caouette, rejoint son mari en 1913 avec leurs deux enfants. L’enfance de Réal Caouette se déroule donc sous le signe de la difficile vie des colons-défricheurs. En 1921, la famille Caouette déménage à Amos, où Réal entreprend ses études primaires deux ans plus tard. Le jeune Réal se voit rapidement confronté aux problèmes des régions frontières, en particulier le manque d’institutions d’enseignement supérieur. Il doit donc s’exiler pour aller étudier. Ainsi, en 1931-1932, il étudie au Collège Saint-Alexandre de Limbour, près de Hull, et entre 1932 et 1936, au Collège commercial de Victoriaville. Ses deux passions sont de jouer au hockey et de prononcer des discours. De retour dans la région, il épouse Suzanne Curé, d’Amos, le 30 septembre 1937. 
 
Ses origines rurales et son parcours de jeune étudiant marquent les idées et le cheminement politiques de Réal Caouette. En novembre 1939, il découvre la doctrine du Crédit social, élaborée par le major Douglas, et reprise notamment dans le journal Vers Demain fondé par Gilberte Côté et Louis Even. Réal Caouette se lance dès lors dans la propagation de la doctrine du Crédit social à travers l’Abitibi et le Témiscamingue. Accompagné de sa femme et de ses deux garçons, Roger et Gilles, il sillonne les villages de la région et couche sous la tente. Cela lui permet de devenir un politicien connu et apprécié des ruraux de la région. En 1944, il s’associe à Laurent Legault, Gilberte Côté et Louis Even pour former un nouveau parti politique, l’Union des électeurs. Il adhère également à l’Association créditiste du Canada. 
 
Sa carrière politique débute à proprement parler lorsqu’il brigue les suffrages sous la bannière de l’Union des électeurs dans le comté d’Abitibi-Ouest, à l'élection provinciale de 1944. Il est défait, mais ne se décourage pas pour autant. En 1945, il se présente à l'élection fédérale dans le comté de Pontiac, où il subit encore la défaite. Toutefois, l’année suivante, Réal Caouette remporte une élection partielle dans le comté de Pontiac, à la surprise générale. Ce succès s’explique par ses habiletés de propagandiste et son talent d’orateur. Il sera le seul candidat élu de l’Union des électeurs. Il fait d’ailleurs une rentée fort remarquée lors de son premier discours à la Chambre des communes. 
 
Ses prises de positions personnelles et la doctrine économique de son parti, axée sur une conception nouvelle de la monnaie, lui attirent de nombreux démêlés avec l’élite cléricale et religieuse de la région. En effet, les journaux La Frontière et la Gazette du Nord le fustigent régulièrement dans leurs pages, tandis que l’évêque d’Amos, Mgr Desmarais, le menace d’excommunication et publie des lettres pastorales contre sa doctrine. Mais, en vain. Caouette poursuit son travail de rencontre et de discussion directes avec ses électeurs, en plus d’utiliser les ondes de la télévision régionale pour diffuser son message politique. Le « fouette à Caouette », comme on le surnomme à cause de sa fougue proverbiale, ne manque pas une occasion de parler des problèmes qui affligent la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Toutefois, son style direct et imagé ne lui attire pas que des admirateurs, bien au contraire. 
 
Les années suivantes, sa carrière politique connaît des hauts et des bas à la suite de défaites à l'élection fédérale de 1949, à l'élection provinciale de 1956 alors qu’il se présente sous la bannière libérale, et à l'élection fédérale de 1957 sous la bannière de l’Union des électeurs. À compter de 1958, la carrière politique de Réal Caouette prend un nouveau tournant, après son départ de l’Union des électeurs et avec la fondation du Ralliement des créditistes. À l’élection fédérale de 1962, Réal Caouette et les créditistes triomphent. Ils font élire 26 députés créditistes au Québec et quatre dans l’Ouest canadien. Ainsi, le Crédit social détient la balance du pouvoir dans le gouvernement minoritaire. La Presse Canadienne proclame même Réal Caouette Homme de l’année 1962 au Canada. 
 
À l'élection fédérale de 1963, Caouette et 19 candidats créditistes sont élus au Québec, en plus de quatre autres dans l’Ouest. Toutefois, à la suite de divergences avec le chef du parti, Robert N. Thompson, le Crédit social se scinde en deux groupes. Ainsi, 13 députés du Québec quittent le parti avec Réal Caouette et fondent le Ralliement créditiste du Canada, en 1963. Le Crédit social demeure fort populaire dans les régions du Québec, grâce à la personnalité de son chef, Réal Caouette. Malgré la trudeaumanie qui déferle sur le Canada, à cette époque, Caouette et son équipe font élire plusieurs députés aux élections de 1965 et de 1968. En 1971, le Parti du Crédit social du Canada voit le jour afin de regrouper les créditistes du pays, avec Réal Caouette à leur tête. Il les conduit aux élections de 1972 et de 1974. Toutefois, son état de santé décline, à cette époque. Réal Caouette meurt à l’Hôpital Général d’Ottawa, le 16 décembre 1976. 
 
En résumé, la carrière politique de Réal Caouette débute dans les années 1940. Militant fort actif et candidat pour l’Union des électeurs, il convainc une bonne partie de la population rurale de l’Abitibi et du Témiscamingue à voter pour les créditistes. Sa carrière culmine au début des années 1960 alors qu’il se fait élire dans le comté fédéral de Villeneuve de 1962 à 1968 et de Témiscamingue de 1968 à 1976. Sa fougue et son franc-parler l’amènent à défendre les gens ordinaires puisque, comme il aimait à le dire, les patrons et les propriétaires d’entreprises possèdent déjà leurs partis politiques. 


Bibliographie :
 
Petitclerc, Anita. Réal Caouette. Un tribun politique. Rouyn-Noranda, Corporation de La maison Dumulon, 1993. 40 pages. 
Vincent, Odette. « Au carrefour des influences : la vie socio-culturelle », dans Odette Vincent (dir.), Histoire de l'Abitibi-Témiscamingue, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 369-409. Collection Les régions du Québec no 7. 
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