Thème :
Société et institutions
L’UQAT ou le parcours d’une université en région éloignée
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 5 juillet 2004
La réforme scolaire du début des années 1960 favorise l’implantation de services universitaires dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Désormais, conclut la Commission Parent, la formation des futurs enseignants revient uniquement aux universités. Auparavant, les écoles normales de la région assumaient cette fonction. Comme les universités étaient alors situées uniquement dans les grands centres du Québec, l’Assemblée nationale du Québec crée l’Université du Québec, en 1968. Son mandat consiste à étendre les services universitaires aux différentes régions québécoises, dont l’Abitibi-Témiscamingue. La création d’une université dans cette région suit un parcours particulier. Une fois créée, l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) se développe en fonction des besoins spécifiques à son milieu, tant sur le plan des programmes qu’à celui de sa structure. Cela en fait une institution bien ancrée dans son milieu.
En 1967, lors de la fondation du cégep régional, la formation des nouveaux enseignants et le perfectionnement de ceux déjà en fonction est confiée, de façon temporaire, à l’École normale publique d’Amos. On utilise également cette charte pour donner de tels cours à Rouyn. Parallèlement, l’Université de Montréal offre des cours universitaires de formation des maîtres aux enseignants de la région, par l'entremise du projet PERNO (Perfectionnement des enseignants de la région du Nord-Ouest québécois). Puis, en 1970, après l’étude de cette question par un Comité de régie, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) accepte de prendre en charge la formation des enseignants de la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Le campus du Nord-Ouest, situé à Rouyn, accueille ses premiers étudiants, en septembre de cette année-là.
La mission éducative du Campus consiste surtout en la formation et le perfectionnement des adultes. On souhaite également contribuer au développement du milieu en effectuant de la recherche en collaboration avec les organismes de la région. Par contre, cette nouvelle structure vit une crise administrative importante en 1971, ce qui entraîne sa séparation de l’UQTR. Elle devient alors une unité appelée Services universitaires du Nord-Ouest. En 1972, elle est fusionnée avec celle de l’Outaouais pour former la Direction des études universitaires dans l’Ouest québécois (DEUOQ). À partir de son siège social situé à Montréal, elle gère les deux principaux centres de Rouyn et de Hull et dessert ainsi l’ensemble des régions administratives de l’Outaouais et de l’Abitibi-Témiscamingue.
On retient une structure décentralisée pour les services universitaires afin de rejoindre la clientèle adulte de l’ensemble de l’Abitibi-Témiscamingue. La DEUOQ offre les mêmes cours principaux au campus de Rouyn que dans ceux des sous-centres régionaux de Ville-Marie, La Sarre, Val-d’Or, Amos, Lebel-sur-Quévillon, Matagami et Chibougamau. En 1976, le Centre d’études universitaires dans l’Ouest québécois (CEUOQ) reçoit ses lettres patentes. Le CEUOQ obtient le statut d’école supérieure au sein de l’Université du Québec et son territoire couvre l’ensemble de l’Ouest du Québec. Toutefois, la disparité de deux régions de l’Outaouais et de l’Abitibi-Témiscamingue pose rapidement des problèmes de fonctionnement, en plus de mettre en lumière les rythmes de développement distincts. Cela conduit à la création de l’Université du Québec à Hull, en 1981, et de la toute dernière constituante de l’Université du Québec, celle de l’Abitibi-Témiscamingue, en 1983. Ainsi, l’UQAT obtient son autonomie 13 ans après le début des services universitaires dans la région.
Dès ses débuts, l’Université doit composer avec une clientèle dispersée sur l’ensemble du territoire, formée majoritairement d’adultes déjà sur le marché du travail. On poursuit donc le modèle décentralisé adopté au temps de la DEUOQ afin de répondre aux besoins des étudiants. Cela soulève deux autres questions, le déplacement des professeurs dans les sous-centres régionaux et le faible nombre d’étudiants en regard du maintien des services de qualité. La direction opte donc pour des programmes de formation axés sur les champs d’intérêt de la clientèle, en particulier l’éducation et l’administration. Au fil des ans, d’autres programmes de formation viennent s’ajouter, en étroite relation avec le milieu. Parallèlement, le campus de Rouyn se développe pour finalement devenir un « vrai campus », notamment à la suite de la construction d’un nouvel édifice au tournant des années 1990.
L’UQAT poursuit un triple mandat qui se résume par l’enseignement, la recherche et les services à la collectivité. Dès ses débuts, le volet recherche est fortement lié à celui des services à la communauté, ce qui se traduit, concrètement, par de la recherche universitaire de haut niveau dans des secteurs pertinents aux problématiques régionales de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec. Mentionnons notamment les recherches en éducation sur les milieux à faibles densités de population, le programme de formation des enseignants inuits, la Chaire en développement des petites collectivités, celle sur l’aménagement forestier durable et celle en environnement et en gestion des rejets miniers.
En 1992, le corps professoral de l’UQAT regroupe 62 professeurs à temps complet, comparativement à 23 en 1973, et 74 chargés de cours. Au début des années 2000, l’UQAT compte cinq unités d’enseignement et de recherche : sciences appliquées, sciences de la santé, sciences de l’éducation, sciences de la gestion et développement humain et social. En 2003, l’UQAT compte 1 124 étudiants équivalents à temps complets, dont 44 des Premières nations, et 50 étudiants inscrits aux études supérieures de maîtrise et de doctorat. Le campus de Rouyn-Noranda regroupe 66 % de la clientèle de l’UQAT, le campus de Val-d’Or, 19 %, les autres centres régionaux 10 % et ceux à l’extérieur de la région, 5 %.
En résumé, l’histoire de l’UQAT s’inscrit en continuité à celle de l’Abitibi-Témiscamingue. L’université s’est construite à force de luttes et d’efforts de gens de la région, en fonction des besoins de la région. Les programmes d’enseignement et de recherche illustrent bien cette affirmation puisqu’ils se font en fonction des problématiques régionales présentes, notamment la formation de la relève enseignante, le développement des petites collectivités, les secteurs minier et forestier.
Bibliographie :
Université du Québec en Abitibi-Témiscaingues.
Plan de développement 2003-2008. Ensemble pour réussir. Rouyn-Noranda, UQAT, 18 novembre 2003. 15 pages. Document téléchargé du site Internet
www.uqat.ca, dernière consultation le 5 juillet 2004.
Vincent, Odette. « Vers des institutions régionales », dans Odette Vincent (dir.), Histoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 527-560. Collection Les régions du Québec no 7.