Thème :
Société et institutions
Les collèges classiques d’Amos et de Rouyn
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 15 juin 2004
Au Québec, le réseau des collèges classiques privés, dirigés par le clergé, date de 1635. Il s’agit d’un système d’enseignement secondaire basé sur l’alphabétisation des catholiques et la formation des élites. Si ce régime prend son envol au XIXe siècle, il se développe considérablement après 1945 alors que plusieurs institutions sont fondées dans les régions québécoises, notamment en Abitibi. En effet, entre 1635 et 1939, 68 collèges ouvrent leurs portes au Québec tandis qu’il y en a 135 qui apparaissent entre 1940 et 1965. En Abitibi, les collèges d’Amos et de Rouyn voient le jour dans les années 1940. Celui de Rouyn se démarque par son caractère transfrontalier puisqu’il répond aux besoins des communautés francophones du nord-est ontarien et du nord-ouest québécois. Ces institutions transforment leur vocation à la suite de l’implantation de la réforme scolaire de 1964.
L’idée de fonder des collèges classiques en Abitibi remonte dans les années 1920 alors que les autorités régionales constatent le besoin d’une telle institution afin de former l’élite des professions civiles et religieuses. En effet, en 1929, la Gazette du Nord identifie 42 étudiants d’Amos qui fréquentent les collèges classiques du sud de la province. En 1940, les efforts de l’évêque du diocèse d’Amos, Mgr Desmarais, sont couronnés de succès avec l’ouverture du collège classique d’Amos. Ce petit séminaire, situé dans le foyer Saint-Joseph, regroupe trois sections autonomes jusqu’en 1946 : le collège classique, le cours commercial et les Arts et métiers. En 1951, un nouvel édifice permanent abrite désormais le collège, édifice financé par une campagne de souscription auprès de la population. Le collège d’Amos est affilié à l’Université Laval et, en 1955, il compte 233 élèves, la plupart étant pensionnaires.
Le cours en vigueur au collège de Rouyn s’avère différent de celui d’Amos et des autres collèges de la province. En effet, l’évêque du diocèse de Timmins, l’oblat Mgr Rhéaume, planifie un séminaire ayant un cours bilingue se basant sur le programme de l’Université d’Ottawa. Il répond ainsi aux besoins de la clientèle de son diocèse, qui chevauche l’Ontario et le Québec, dont le nombre de pensionnaires dans les collèges de l’Ontario et du Québec s’élève à 200. Le Collège de Rouyn ouvre ses portes en 1948. Il permet aux élèves d’obtenir un diplôme de baccalauréat ès arts à Rouyn et, ensuite, poursuivre leurs études de théologie, de médecine, de génie et le reste à l’Université d’Ottawa, dont l’affiliation entre en vigueur en 1954. Cette année-là, le nombre d’élèves se situe à plus de 400, provenant de tous les coins du diocèse. En 1955, le Collège inaugure ses nouveaux locaux.
L’historien Claude Galarneau décrit ainsi l’idéologie sous-jacente à l’enseignement classique. « Sa structure fondamentale repose sur la notion d’humanisme, de la culture générale par le grec et le latin. Conception qui a pour but de préparer des esprits supérieurs suivant les règles établies dans l’art de bien penser et de bien écrire. Culture générale, parce qu’elle vise à former l’homme en tant qu’homme, l’individu comme ensemble harmonieux de facultés, et qu’elle a en même temps un caractère désintéressé. Un tel enseignement privilégie d’abord et avant tout les aspects formels des langues anciennes et modernes, dont l’apprentissage offre la meilleure gymnastique intellectuelle qui soit. Étant donné que ce mode d’éducation littéraire remonte au XVIe siècle, il a acquis une valeur éternelle. L’humanisme est l’idéologie d’un groupe particulier, qui s’incorpore parfaitement aux idéologies globales de la société, la religion et la nation. La religion et une discipline spéciale qui se situe au centre de l’éducation classique. C’est elle qui développe le mieux les puissances de l’âme, l’intelligence, la mémoire, la sensibilité et la volonté. C’est encore elle qui fournit l’unité de direction à l’enseignement purement formel des humanités. » (p. 233-234).
La réforme scolaire québécoise, mise en place à compter de 1964, entraîne la disparition du cours classique, alors d’une durée de 8 ans. Le nouveau cours secondaire s’étend sur cinq années et permet aux élèves de fréquenter par la suite une nouvelle structure, les collèges d’enseignement général et professionnel (CEGEP). Le CEGEP de Rouyn ouvre ses portes à l’automne 1967 et remplace notamment l’ancien Collège classique. Ce dernier devient un séminaire privé de niveau secondaire à l’intention des garçons. D’autres collèges classiques, comme celui d’Amos, ferment tout simplement leurs portes.
En résumé, deux collèges classiques voient le jour en Abitibi dans les années 1940 : celui d’Amos, en 1940, et celui de Rouyn, en 1948. Celui de Rouyn se démarque des autres collèges québécois en offrant un cours bilingue, adapté à la clientèle du diocèse de Timmins. Ses finissants poursuivent ensuite leurs études à l’Université d’Ottawa, tandis que ceux d’Amos se rendent à l’Université Laval. Ces deux collèges classiques ne survivront toutefois pas à la réforme scolaire de 1964.
Bibliographie :
Carrière, Gaston, omi. L’arpenteur du bon Dieu. Monseigneur Louis Rhéaume, o.m.i. (1873-1955), évêque de Timmins. Montréal, Rayonnement, 1960, 220 pages.
Charland, Jean-Pierre. L’enseignement spécialisé au Québec, 1867 à 1982. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1982. 482 pages.
Galarneau, Claude. Les collèges classiques au Canada français (1620-1970). Montréal, Fides, 1978. 287 pages. Bibliothèque canadienne-française, Histoire et documents.
Vincent, Odette. « Vivre à la frontière: les premières institutions », dans Odette Vincent (dir.), Histoire de l'Abitibi-Témiscamingue, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 321-368. Collection Les régions du Québec no 7.