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La Chambre de commerce de Ville-Marie
Thème : Société et institutions

La Chambre de commerce de Ville-Marie et le développement régional, 1908-1950

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 4 novembre 2002

 

Peu après l’ouverture du Témiscamingue à la colonisation agricole, une élite locale se met en place et suggère une vision précise du développement économique et social de la région. La Chambre de commerce de Ville-Marie, fondée en 1908, forme un groupe de cette élite, l’autre étant le clergé diocésain. Au fil des ans, la Chambre élabore sa vision du développement en proposant une série de projets de nature économique et sociale. La Chambre ambitionne ainsi de diversifier l’économie et de doter la région de services équivalents à ceux des régions plus anciennes. Même si ses projets ne se réalisent pas, le grand mérite de la Chambre de commerce consiste à définir une vision du développement de la région qui sera reprise et complétée par d’autres intervenants, les années suivantes. Remontons donc aux sources de la vision actuelle du développement régional du Témiscamingue. 
 
La Chambre de Commerce de Ville-Marie voit le jour en 1908. Des gens de Ville-Marie et des localités avoisinantes fondent cet organisme dont l’action et l’influence s’étendent à l’ensemble du Témiscamingue. Elle se donne alors comme but le travail individuel et collectif en vue du développement de la colonisation, de l’agriculture, des mines et du commerce. En somme, la Chambre de commerce de Ville-Marie, comme ses homologues des autres régions rurales, favorise l’intervention de l’État et recherche des mesures concrètes afin d’améliorer les conditions de vie des Témiscamiens. Elle vise, par exemple, le développement de l’industrie et du commerce pour donner à la région des conditions de vie et une sécurité d’emploi comparables à celles existantes dans les milieux les plus favorisés de la province de Québec. 
 
Pour parvenir à un développement global du Témiscamingue, la Chambre de commerce de Ville-Marie mise sur le développement de l’économie, de l’industrie, du commerce, des communications et des transports. On peut alors parler de développement intégré dans le sens que la Chambre propose un schéma où les richesses naturelles seraient exploitées et transformées en région et par des travailleurs du milieu. En somme, le but poursuivi par la Chambre et son président, Augustin Chénier, est de faire du Témiscamingue une région où se mélangeraient à merveille agriculture et petit centre industriel où seraient localisées de petites usines axées sur la transformation des produits agricoles. Ce projet régional de société confère à la Chambre de commerce le titre d’élite modernisatrice puisqu’elle vise la transformation de la société rurale traditionnelle en une société industrielle et moderne. 
 
Cependant, dans les faits, la vision du développement que propose la Chambre de commerce de Ville-Marie passe avant tout par le progrès économique. Les dossiers pilotés englobent généralement les principaux secteurs d’activités économiques, soit l’agriculture, les transports, les mines et la forêt. La Chambre revendique à maintes reprises en faveur d’une amélioration des services et de l’infrastructure routière. Elle soutient en particulier les nombreux projets de routes extra-régionales devant relier le Témiscamingue au reste du Québec, ce qui permettrait du coup d’attirer et de garder en région les touristes, donc de développer l’industrie touristique. Ainsi, un double objectif serait atteint. 
 
Présentons maintenant plus en détail les projets élaborés par la Chambre de commerce, même si la plupart de ses projets ne se réalisent pas. Sur le plan économique, la Chambre tente d’attirer des industriels pour transformer sur place les matières premières et ainsi diversifier l’économie régionale. Elle vise la transformation des produits agricoles par l’établissement d’une laiterie, d’une tannerie, d’une fabrique de laine et d’une fabrication de chaussures. Elle mise également sur les richesses minéralogiques en suggérant la fabrication de tuiles et de briques à partir de la glaise et la transformation du granit. Le secteur des transports occupe également une place fort importante dans les projets de la Chambre. Elle promeut la construction de routes extra-régionales reliant le Témiscamingue aux autres régions québécoises, dont le Pontiac et les Laurentides. Elle obtient l’amélioration de la route régionale et son extension vers Témiscaming. La Chambre essaie également de convaincre le Canadien Pacifique de prolonger sa voie ferrée jusqu’en Abitibi. 
 
La Chambre de commerce propose aussi des projets sociaux. Dans le domaine de la santé, elle s’associe aux Sœurs grises et au clergé pour obtenir l’agrandissement de l’Hôpital de Ville-Marie. Elle essuie toutefois un échec dans le projet de construction d’un sanatorium à Ville-Marie. Parfois, elle lutte pour conserver des acquis. Aussi, fait-elle pression auprès du gouvernement pour éviter la fermeture des bureaux des ministères de la Voirie et des Terres et Forêts. De ce même gouvernement, elle tente d’obtenir de nouveaux services, dont une division forestière, un district judiciaire et un bureau du tourisme. En matière d'éducation, la Chambre participe à l’ouverture d’une École ménagère régionale à Ville-Marie. Dans le domaine de la culture, elle demande à l’Office provincial du film de nommer un représentant régional au Témiscamingue afin d’assurer la projection de films dans toutes les localités de la région et à l’École d'agriculture Moffette. Enfin, elle travaille activement à l’ouverture du poste de radio CKVM, en 1950. 
 
Comme association régionale, la Chambre de commerce réussit à promouvoir une vision originale et cohérente du développement régional. Si tous ses dossiers s’étaient concrétisés, le portrait du Témiscamingue aurait considérablement changé dans les années 1940. Elle mise sur trois secteurs principaux, soit les transports, l’industrialisation et l’économie locale. Ainsi, selon la vision de la Chambre et de son président Augustin Chénier, il faut relier le Témiscamingue aux autres régions québécoises, l’industrialiser et le doter d’un centre industriel et de services. Dans les dossiers à caractère social, la Chambre obtient assez de succès lorsqu’elle s’associe au clergé. On peut enfin avancer que la vision du développement de la Chambre de commerce de Ville-Marie, élaborée dans les années 1940, est à la base de la conception actuelle du développement régional. En effet, les intervenants actuels ont repris cette vision du développement, tout en l’adaptant au contexte présent. 
 
 
Bibliographie :

Archives de la Société d’histoire du Témiscamingue. Fonds Augustin-Chénier, dossiers de correspondance, 1908-1950. 
Bélanger, Marc. « Les Chambres de commerce. Groupes de pression ou coopératives de développement », Recherches sociographiques, vol. IX, nos 1-2, janvier-août 1968, p. 85-103. 
Chénier, Augustin. Cinquante années de civisme. La Chambre de commerce de Ville-Marie. 1908-1958. Ville-Marie, Chambre de commerce, 1958. 60 p. 
Massicotte, Guy. À l’orée de la conception actuelle du développement régional : les chambres de commerce de Rimouski, 1908-1945. Rimouski, UQAR, 1979. 21 p. Texte non-publié. 
Riopel, Marc. Les fractions de l’élite locale et le développement du Témiscamingue, 1939-1950. Mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1989. 134 p.
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