Thème :
Société et institutions
Vers la création de la Commission scolaire du Lac-Témiscamingue, 1965-1975
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 20 novembre 2002
L’application de la réforme scolaire au Témiscamingue, au milieu des années 1960, se caractérise par la fondation d’une commission scolaire régionale avec le secteur de Rouyn-Noranda, chargée d’administrer le niveau secondaire et l’éducation aux adultes. À cela, s’ajoutent la fermeture d’institutions d’enseignement à vocation rurale et le statu quo au niveau de la gestion du secteur primaire. Les mesures de la réforme scolaire entrent en vigueur en 1965, mais elles ne satisfont pas tous les intervenants locaux en éducation au Témiscamingue. L’idée de perdre la gestion du niveau secondaire et de l’éducation des adultes ne leur sourit guère. La décision de fonder une seule régionale pour ces deux secteurs n’est pas appréciée par les intervenants du Témiscamingue, comme le racontent des personnes impliquées dans ce dossier à cette époque.
La volonté de gérer au Témiscamingue le niveau secondaire et l’éducation des adultes remonte en fait en 1964, alors que le ministère de l’Éducation prépare l’Opération 55 qui allait donner naissance aux commissions scolaires régionales partout à travers le Québec. N’ayant d’autres alternatives que de se regrouper avec le secteur de Rouyn-Noranda, les intervenants en éducation du Témiscamingue acceptent mal cette décision et ils poursuivent l’idée de rapatrier un jour l’administration de ces secteurs d’enseignement au Témiscamingue. La fondation de la Commission scolaire du Lac-Témiscamingue (CSLT), en 1970, pour administrer l’éducation de niveau primaire, va offrir un tremplin idéal pour promouvoir ce dossier. Cette revendication se bute alors à des portes closes, tant du côté de la Commission scolaire régionale du Cuivre que du côté du bureau régional du ministère de l’Éducation à Rouyn-Noranda.
Cela n’empêche pas pour autant les dirigeants de la CSLT de faire la promotion de cette idée auprès de ces instances et de la population témiscamienne. Les arguments utilisés débordent le secteur scolaire pour inclure les dimensions politique et économique. On mise beaucoup sur l’autonomie du Témiscamingue en matière d’éducation et sur sa capacité de prise en charge de tous les secteurs. Ce dossier se situe en fait dans la lignée de revendications régionales visant le maintien au Témiscamingue de services gouvernementaux et le développement d’infrastructures qui favoriseront l’essor de la région. Cela apparaît une nécessité aux intervenants locaux, surtout que le Témiscamingue vit, à cette époque, des heures difficiles en raison des problèmes qui affectent son économie forestière. De plus, la population de la région est en baisse. Il faut donc trouver des solutions pour favoriser le développement des services et le maintien sur place de la population afin de contribuer à la relance du Témiscamingue.
La CSLT reçoit rapidement l’appui de la population, comme l’explique Rémi Barrette : « Le sujet est éminemment politique. Les Témiscamiens refusent d’être administrés par des décideurs de Rouyn et de voir les décisions importantes concernant l’éducation leur échapper. Au tournant des années 1970, les élèves de la 5e secondaire doivent étudier à Rouyn parce que, paraît-il, il est impossible d’organiser localement un enseignement de qualité avec si peu d’élèves. Il est communément entendu que nous sommes bien loin des services et que nous ne ramassons toujours que les miettes sur le plan de l’enseignement général, professionnel et adulte. Il est alors facile de vendre l’idée de prendre nos affaires en main et de convaincre la population que nous sommes capables d’administrer nous-mêmes nos services éducatifs. Ainsi, nos intérêts collectifs ont des chances d’être mieux servis par des Témiscamiens que par des gens de l’extérieur. »
Au début des années 1970, la CSLT poursuit ses démarches en s’associant directement avec la population témiscamienne. En juin 1972, on procède par référendum pour démontrer au ministère de l’Éducation que, dans une proportion de 97 %, les Témiscamiens veulent que leur milieu récupère l’administration du cours secondaire et de l’éducation aux adultes. Toutefois, le point tournant dans ce dossier se situe en 1973, où arrivent deux événements marquants. Le premier se produit au début de l’année 1973 lors de la visite au Témiscamingue du sous-ministre de l’éducation, Yves Martin, et de plusieurs hauts fonctionnaires, venus expliquer aux Témiscamiens leur refus d’appuyer leur demande. Pendant que des discussions ont lieu au centre administratif de la CSLT, plus de 1 000 parents de la région sont réunis au sous-sol de l’église de Ville-Marie en guise d’appui au projet d’intégration. Les gens menacent alors de séquestrer les fonctionnaires jusqu’à ce qu’une réponse positive leur parvienne.
Toutefois, c’est à la suite d’une rencontre privée avec le ministre de l’Éducation, François Cloutier, à l’automne 1973, que le dossier chemine ensuite rapidement. Le gouvernement accepte alors de réviser la loi afin de permettre à des commissions scolaires de se séparer d’une commission scolaire régionale. À l’automne 1974, la CSLT entreprend des discussions avec la Commission scolaire régionale du Cuivre pour procéder au partage équitable des actifs et des passifs, ce qui se fait sans grande difficulté. Les deux commissions scolaires établissent alors la part d’employés cléricaux du secondaire et de l’éducation des adultes qui serait transférée à la CSLT. Quant aux professeurs et aux directeurs d’écoles, le dossier se règle assez simplement, puisque le personnel est déjà en place au Témiscamingue. Le 1er juillet 1975, la CSLT intégrée commence ses opérations.
La création d’une seule commission scolaire régionale pour desservir le secteur de Rouyn-Noranda et celui du Témiscamingue a été l’objet de récriminations des milieux témiscamiens de l’éducation jusqu’à ce qu’ils obtiennent le rapatriement et la gestion de l’enseignement secondaire et des adultes. La mobilisation de la population témiscamienne pour cette cause pousse finalement le ministère de l’Éducation à une révision de ce dossier. En 1975, la Commission scolaire du Lac-Témiscamingue est créée et elle se voit confier l’éducation primaire, secondaire et des adultes.
Bibliographie :
Bastien, Gabriel. Entrevue réalisée par Marc Riopel. Ville-Marie, 13 décembre 1990. 65 minutes.
Bergeron, Luc. Entrevue réalisée par Marc Riopel. Ville-Marie, 14 décembre 1990. 60 minutes.
Barrette, Rémi. Entrevue réalisée par Marc Riopel. Ville-Marie, 13 décembre 1990. 65 minutes.
Riopel, Marc. L’éducation au Témiscamingue depuis 1960. Ville-Marie, Commission scolaire Lac-Témiscamingue, 1995. 166 p.