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Les industries de la forêt... et Perron
Thème : Économie

Les industries de la forêt en Abitibi : le succès des frères Perron (Normick Perron)

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 18 décembre 2002


Aujourd’hui, lorsque l’on parle de l’exploitation forestière en Abitibi, un nom vient immédiatement à l’esprit, l’entreprise Normick Perron. En effet, la famille Perron s’est illustrée dans le secteur du bois de sciage depuis le début de la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, en 1939, Henri Perron, alors sous-traitant forestier, démarre une scierie à Val-Paradis, une colonie nouvellement fondée. Au fil des ans et des acquisitions, Les entreprises Perron deviennent un acteur majeur dans le secteur du bois d’œuvre dont le champ d’action et le rayonnement dépassent largement les frontières abitibiennes. À compter des années 1970, les Perron entreprennent une diversification des activités de leur entreprise, tout en continuant d’innover dans le secteur du bois d’œuvre, comme l’illustre l’histoire de cette famille à partir de l’arrivée du fondateur en Abitibi. 
 
L’histoire de la famille Perron, en Abitibi, commence en 1914. Cette année-là, Henri Perron arrive à La Sarre où il s’installe sur un lot de colonisation. Il partage ensuite ses occupations entre le travail en forêt, l’hiver, et le travail agricole, l’été. En fait, Henri Perron agit comme sous-traitant forestier, ce que l’on désigne alors communément sous le terme jobber. Il dirige donc des chantiers pour le compte de grandes entreprises forestières dans la région de La Sarre. Comme la plupart des sous-traitants forestiers des années 1910 et 1920, M. Perron possède également une ferme d’une certaine importance, ce qui lui permet de produire à peu de frais les denrées agricoles nécessaires aux hommes et aux chevaux utilisés dans ses chantiers forestiers. 
 
L’année 1939 marque un tournant décisif lorsque Henri Perron construit une scierie à Val-Paradis, une paroisse de colonisation fondée deux ans plus tôt. À la suite de l’incendie de cette scierie, en 1952, une nouvelle usine dotée d’un équipement moderne est construite. Deux de ses fils, Normand et Michel, sont désormais associés au fondateur pour diriger l’entreprise familiale qui arbore dès lors une nouvelle raison sociale, H. Perron et fils Limitée. Les projets de développement vont bientôt se multiplier. Ainsi, en 1955, l’entreprise acquiert la Villebois Lumber Co., une scierie située à Villebois. L’année suivante, elle construit une usine de contreplaqué innovatrice au Québec à La Sarre, utilisant une essence forestière délaissée jusque-là, le peuplier faux-tremble. La popularité de ce produit pousse les propriétaires de l’usine à lancer une deuxième chaîne de production, en 1958. Puis, en 1959, l’entreprise achète de F.X. Martel la Forest Products Ltd., située à La Sarre. 
 
Une fois la position du groupe consolidée dans le secteur de La Sarre, H. Perron et fils Limitée entreprend son expansion territoriale. Ainsi, en 1963, l’entreprise construit une deuxième usine de contreplaqué, à Cochrane, en Ontario. En 1968, les administrateurs de la compagnie décident de centraliser toutes les activités de sciage du secteur de La Sarre dans cette ville. Ils construisent alors un des plus importants complexes de sciage du Canada, exception faite de ceux de la Colombie-Britannique. Le développement de cette entreprise Perron passe alors par la fusion, en 1970, avec J.H. Normick Ltée de La Sarre, qui donne naissance à l’entreprise Normick Perron inc. Cette nouvelle entité fait son entrée sur les bourses de Montréal et de Toronto, trois ans plus tard. Elle acquiert ensuite les scieries J.E. Therrien inc. d’Amos, Camille Richard inc. de Beattyville et Paradis et fils de Senneterre et procède à la modernisation de toutes ses usines. 
 
Le désir des trois frères Perron à la tête de l’entreprise, Michel, Normand et Jean, de devenir le chef de file dans l’industrie du bois d’œuvre détermine alors le plan d’action de Normick Perron inc. Leur stratégie vise la diversification de la production et la transformation des ressources. En 1977, ils acquièrent une usine à Kirkland Lake, la Kokotow Lumber, fermée depuis deux ans. Les frères Perron matérialisent ensuite une idée nouvelle, la fabrication de panneaux gaufrés à partir des résidus de tremble de l’usine de contreplaqué. L’usine entre en production en 1980. Puis, en 1987, Normick Perron acquiert l’usine de panneaux gaufrés de Forpan et aménage une usine de panneaux gaufrés orientés à Chambord, au Lac-Saint-Jean. Ainsi, au cours de cette décennie, le groupe devient le premier producteur de bois de sciage de l’Est canadien. La Compagnie d’énergie et de papier Maclaren, filiale du groupe Noranda, devient alors actionnaire de Normick Perron. 
 
À la fin des années 1970, le groupe Normick Perron inc. décide de se lancer dans la production de papier journal. En 1979, il s’associe avec Donohue, une filiale de la Société générale de financement du Québec pour construire une usine de papier journal à Amos, la première depuis 1938. La nouvelle usine porte le nom de Donohue Normick. Le groupe Normick Perron y détient 42 % du capital action, le reste étant aux mains de Donohue inc. L’usine d’Amos s’alimente des copeaux de la scierie J.E. Therrien, située dans la même ville et propriété de Normick Perron, et des scieries des environs. Ainsi, 96 % de la matière première utilisée à la fabrication du papier journal proviennent de résidus de bois de sciage. Cette usine des plus modernes fournit de l’emploi à 250 travailleurs. Quelques années plus tard, la compagnie Donohue passe sous le giron du groupe Québécor. 
 
L’histoire des Perron dans l’industrie du bois de sciage en Abitibi débute donc avec Henri Perron, d’abord sous-traitant forestier, puis propriétaire d’une scierie à compter de 1939. Au fil des ans, secondé par ses fils, Henri Perron acquiert d’autres scieries dans les environs de La Sarre. Dans les années 1970, les frères Perron s’associent avec J. H. Normick pour former Normick Perron. La nouvelle entreprise se hisse ensuite parmi les principaux producteurs de bois d’œuvre du Canada. De plus, elle participe activement au projet d’une usine de papier journal à Amos. 
 
 
Bibliographie : 

Perron, Martin. L'histoire de l'exploitation forestière dans la région de La Sarre de 1910 à 1980. La Sarre, Capitale forestière du Canada, La Sarre - 1989, 1989. 46 p. 
Sabourin, Cécile. « De territoire exploité à région : les activités économiques à partir de 1950 »., dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. de Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, Collection Les régions du Québec no 7, p. 417-480. 
Tremblay, Simon. La crise économique au Québec et la colonisation de l’Abitibi.  Rouyn, Collège de l’Abitibi-Témiscamingue, 1984, 273 p. Cahiers du département d’histoire et de géographie, Travaux de recherches, no 9.
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