Thème :
Économie
La CIP et les sources d’approvisionnement forestier en Abitibi et au Témiscamingue
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., 17 septembre 2002
L’exploitation d’un moulin de pâtes à papier comme celui de Témiscaming nécessite plusieurs centaines de billots d’épinette par année. À cette fin, la Riordon Pulp & Paper Company achète d’immenses étendues de concessions forestières au Témiscamingue et en Abitibi. Afin de coordonner les activités de récolte et de transport des billots jusqu’au moulin, la Riordon crée la division forestière Kipawa. Cette dernière organise un système de dépôts forestiers s’étendant sur l’ensemble des zones forestières en exploitation. Après 1925, la CIP restructure cette division forestière dont les limites de coupe se déplacent vers le nord et vers l’est. Où sont situés les dépôts forestiers ? À quoi servent-ils ? Comment la division Kipawa évolue-t-elle au fil des ans ?
Parallèlement à la construction du moulin Kipawa et de la ville de Témiscaming, en 1917, la Riordon structure une division administrative chargée de l’approvisionnement en matière ligneuse, nommée la Division forestière Kipawa. Dans un premier temps, cette dernière confie à des sous-traitants la gestion de la coupe des arbres et des chantiers forestiers. Ensuite, la Division Kipawa organise le réseau de flottage du bois des lieux de coupe à son moulin, via la rivière des Outaouais supérieur, les lacs Simard, Des-Quinze et Témiscamingue. Elle se charge également de l’approvisionnement des dépôts forestiers, des campements et des bateaux de drave. À cette fin, outre le siège social à Témiscaming, la Division Kipawa ouvre un centre administratif secondaire à Ville-Marie et construit un dépôt forestier à la Baie Gillies, appelé le Riordon Depot.
Ainsi, ce sont des sous-traitants, mieux connus sous le nom de jobbers, qui dirigent les activités reliées à l’abattage et au transport des arbres jusqu’aux lacs et rivières gelés où ils sont empilés. Selon ce système de sous-traitance, la Riordon alloue un contrat de coupe des arbres à un jobber. Elle fixe le prix et la quantité de bois devant être livré à un endroit précis, déterminé d’avance. Le jobber se charge des activités courantes reliées à la récolte des arbres. Il embauche les bûcherons, leur fournit l’équipement et la nourriture, construit ses campements forestiers et trace un réseau de chemin forestier sur son territoire. Il fixe également les salaires des bûcherons. Le jobber peut également donner des contrats à de petits sous-traitants. La plupart des sous-traitants proviennent du Témiscamingue. C’est ainsi que les Témiscamiens remplacent les bûcherons-voyageurs dans les chantiers forestiers de la région.
En 1922, à la suite du déplacement des zones de coupes forestières vers le nord, le groupe d’obligataires qui gère alors la Riordon en faillite apporte quelques modifications à cette structure administrative. Le centre administratif de Ville-Marie est alors transféré au Riordon Depot de la Baie Gillies, situé à proximité des lieux d’abattage des arbres. Ainsi, c’est désormais de la Baie Gillies que partent les sous-traitants, les bûcherons, les provisions et le matériel en direction des chantiers forestiers situés au nord des lacs Des-Quinze et Simard et dans le secteur des rivières Outaouais supérieur et Kinojévis. Le Riordon Depot compte un bureau administratif, un dortoir, des entrepôts pour l’équipement et les provisions des chantiers, des ateliers et des étables pour les chevaux. Il sert également de point d’attache des nombreux bateaux de drave de la Riordon.
En 1924, la Division Kipawa érige un nouveau dépôt forestier, nommé le Boom Camp, au rapide de l’Esturgeon, au nord du lac Simard. Il sert de camp de drave et de centre d’approvisionnement pour les draveurs et les gros remorqueurs de bois. À compter de 1925, la Canadian International Paper entre en scène au Témiscamingue et en Abitibi. Elle y poursuit les activités forestières mises sur pied par la Riordon. En 1927, la CIP ouvre un nouveau dépôt forestier à Cléricy afin d’approvisionner en marchandises les campements forestiers de la rivière Kinojévis. Dans ces années-là, les zones de coupe se situent dans le secteur de Rouyn-Noranda, entraînant une diminution de l’importance stratégique du dépôt Riordon. Il devient alors le centre d’approvisionnement du secteur des lacs Des-Quinze et Simard seulement.
Les activités forestières se déplacent peu à peu vers le nord, puis vers l’est pour atteindre la région de Val-d’Or et du parc de La Vérendrye, dans les années 1940. La CIP apporte alors des modifications administratives à sa division forestière. Ainsi, en 1929, elle établit un nouveau centre administratif à Noranda, regroupant les services de comptabilité, de l’inventaire forestier et des opérations en forêt. Il devient alors le bureau chef de la Division Kipawa et, en 1932, la CIP rebaptise son unité forestière du nom de Division Noranda. Puis, en 1938, elle déménage à Angliers le centre nerveux de ses activités forestières pour le secteur des lacs Des-Quinze et Simard. Elle y construit un hangar pour entreposer les marchandises et le matériel, en attendant qu’ils prennent la direction des chantiers avec les bûcherons ou les draveurs. Quant au Riordon Depot, il servira dorénavant à héberger les chevaux en été et à l’hivernage des remorqueurs de bois.
En somme, la Division forestière Kipawa s’adapte à un double contexte : l’augmentation des activités forestières et leur déplacement vers le nord, puis vers l’est. Le centre administratif se situe toujours au centre des activités forestières. C’est la raison pour laquelle il est déménagé de Ville-Marie à Angliers, au début des années 1920, puis à Noranda à la fin de cette décennie. Quant aux dépôts forestiers, ils sont aménagés à proximité des zones de coupe et ils alimentent en équipement et en marchandises diverses les chantiers forestiers des sous-traitants et les camps de drave.
Bibliographie :
Gourd, Benoît-Beaudry. Angliers et le T.E. Draper. Rouyn, Collège de l’Abitibi-Témiscamingue, 1983, 95 p., Cahiers du département d’histoire et de géographie.
Lienert, Albert. The Story of the (Kipawa) Noranda Woods Division. Sans lieu, CIP, 1966. 98 p.