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Les scieries à l’époque du Lumsden’s Mill
Thème : Économie

Les scieries à l’époque du Lumsden’s Mill, 1880-1916

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., 13 septembre 2002

 
Le passage de la production du bois équarri à celle du bois de sciage entraîne certaines modifications dans l’exploitation des forêts au Témiscamingue. La principale consiste en la construction de scieries dans les zones d’exploitation forestière. Ces petites scieries s’élèvent près des cours d’eau, d’où elles tirent l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Le bois subit donc une première transformation avant d’être expédié sur les marchés américains. Plusieurs scieries sont ainsi construites sur les rivières du Témiscamingue, à proximité des activités forestières. Un exploitant forestier se démarque des autres en construisant une grosse scierie ainsi qu’un hameau pour loger ses travailleurs. Le Lumsden’s Mill voit ainsi le jour, au pied du lac Témiscamingue. Il s’agit du premier petit village industriel de la région. 

L’industrie du bois de sciage se développe considérablement dans les années 1850 dans l’Outaouais et au Témiscamingue. Ce développement est rendu possible par une campagne de recrutement d’investisseurs américains, organisée par des industriels de l’Outaouais et le gouvernement québécois. Ainsi, de 1850 à 1870, des investisseurs américains et écossais construisent des scieries dans l’Outaouais et dirigent parallèlement des chantiers de bois équarri au Témiscamingue. Dans les années 1880, à la suite de l’épuisement des réserves de pins rouges et de la baisse de la demande du bois équarri, les entrepreneurs forestiers démarrent des chantiers de bois de sciage au Témiscamingue. Cela leur permet notamment de revenir sur le site de leurs anciennes zones de coupe, situées dans la partie sud de la région, à la recherche de pin blanc. 

Olivier Latour est le premier entrepreneur à construire des scieries au Témiscamingue. Au début des années 1880, il en possède une sur le lac Témiscamingue, près de l’embouchure de la rivière Kipawa, et une autre au rapide des Érables, situé entre Mattawa et le pied du lac Témiscamingue. Toutefois, Latour vend cette dernière à M. Lewis, en 1885, et son autre à E.B. Eddy, en 1887. C’est également à cette époque que d’autres entrepreneurs forestiers construisent des scieries dans la région. Ainsi, en 1884, Allan Grant dirige un moulin à scie à la tête du lac Témiscamingue. En 1885, Brownson possède des moulins à scies au rapide La Cave, situe sur la rivière des Outaouais, entre Mattawa et Témiscaming. En 1887, MM. Eddy, Edwards et Hurdmann exploitent des scieries à la tête du ruisseau Bashing. 

Les entrepreneurs construisent ces scieries en bordure des rivières et à proximité de rapides, puisqu’elles fonctionnent à l’énergie hydraulique. Les billots de bois y arrivent sur les rivières et sont retenus dans des estacades près du barrage ou de l’écluse. De là, les hommes les acheminent sur une dalle de bois vers le moulin de sciage.  Vu de l’extérieur, ce dernier bâtiment apparaît assez rudimentaire puisqu’il consiste en une charpente de bois recouverte de panneaux de bois et d’un toit en bardeaux. Les scieries sont équipées de scies circulaires et de scies verticales, par groupes de 5, 10 et 20 scies. Les journées de travail s’étirent sur douze heures, de 6 heures à 18 h 15, incluant une heure à peine pour le repas du midi. Au début des années 1880, le salaire d’un bon ouvrier de scierie se chiffre à 26 $ par mois, nourriture et logement compris. 

À l’automne 1888, Alex Lumsden entreprend la construction d’une scierie le long des rapides de la rivière Gordon, récemment aménagée pour le flottage du bois. Il procède également à la construction d’une centrale hydroélectrique pour alimenter son moulin et les habitations situées à proximité. Ainsi naît un premier petit centre industriel naît dans la région, situé à proximité du Long-Sault, au pied du lac Témiscamingue. Cette scierie possède une capacité de production de 71 000 m3 par année et embauche environ 100 travailleurs. Lumsden exporte des planches et des madriers par chemin de fer, jusqu’aux États-Unis. Au début du XXe siècle, le hameau baptisé Lumsden’s Mill compte environ 30 bâtiments dont un magasin général, une boutique de forge, une fabrique de bateaux, une boulangerie, un bureau de poste, une école et des maisons pour les travailleurs. 

La colonisation agricole du Témiscamingue, qui débute au milieu des années 1880, amène la construction d’un autre type de scierie, plus petite, répondant aux besoins des colons. Dans la majorité des villages, une scierie s’élève alors à proximité d’une rivière afin de préparer le bois nécessaire à la construction des maisons et des dépendances des colons et afin de moudre les grains. Par exemple, en 1887, François-Xavier Coursol débute l’exploitation d’un moulin à scie et à farine près du quai de Ville-Marie. Également, au début du XXe siècle, on compte au moins trois scieries sur la rivière La Loutre, dont une à Guigues, une à Laverlochère et une à Fugèreville. Quelques-unes de ces scieries locales prendront de l’expansion au fil des ans, fournissant de l’emploi à plusieurs personnes de la localité. 

En résumé, l’industrie du bois de sciage remplace graduellement celle du bois équarri, à compter des années 1880. Les industriels de l’Outaouais s’activent également au Témiscamingue où ils exploitent de nombreuses scieries. C’est à cette époque que naît, au pied du lac Témiscamingue, un premier petit centre industriel. Il doit son existence à Alex Lumsden qui fait construire, en 1888, une grosse scierie et une trentaine de bâtiments. La colonisation de la région entraîne également l’ouverture de plusieurs petits moulins de sciage afin de répondre aux besoins des colons. 


Bibliographie :

Archives Deschâtelets. Manuscrits Mourier. La mission des chantiers en 1887. 
Gaffield, Chad. « L'âge d'or de l'exploitation forestière », dans Histoire de l’Outaouais, sous la dir. de Chad Gaffield, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994, Collection Les régions du Québec no 6, p. 157-206. 
Gaudreau, Guy. Les récoltes des forêts publiques au Québec et en Ontario : 1840-1900. Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1999, 178 p. 
Hamelin, Jean et Yves Roby. Histoire économique du Québec 1851-1896. Montréal, Fides, 1971, 436 p. 
Lynn, Lois. Our Parish Story/L’histoire de notre paroisse. Témiscaming, The 50th Anniversary Committee, 1969. Non paginé.
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