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Le coopératisme agricole
Thème : Économie

Les belles années du coopératisme agricole, 1936-1950

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., 29 juillet 2002

 
À partir du milieu des années 1930, le mouvement coopératif agricole s’avère être au cœur de la stratégie de consolidation des paroisses rurales mise de l’avant par le clergé et l’Union catholique des cultivateurs (UCC). Ce mouvement connaît ses plus belles années au Témiscamingue entre le milieu des années 1930 et le début des années 1950. La fondation de coopératives s’inscrit dans une stratégie globale de reprise en main de l’économie locale et régionale par les agriculteurs. Le mot d’ordre lancé est par ailleurs fort éloquent : « Mêlez-vous de vos affaires ! ». À cette fin, les promoteurs de la coopération visent les secteurs directement reliés au milieu rural témiscamien, en particulier ceux de la production agricole, de l’épargne et du crédit, ainsi que des assurances. 

Il faut mentionner qu’avant cette époque, il existe déjà quelques coopératives dans la région. Ainsi, en 1901, on met sur pied la première coopérative au Témiscamingue, la Mutuelle-Incendie. En 1927, les agriculteurs de la région fondent l’Association des producteurs de trèfle du Témiscamingue, qui deviendra la Coopérative des agriculteurs du Témiscamingue. Mais, c’est à partir du milieu des années 1930 que le mouvement coopératif connaît son envol. La progression du secteur coopératif au Témiscamingue repose en partie sur les initiatives du clergé diocésain, de concert avec les cercles locaux de l’UCC et des personnalités locales. 

Ses promoteurs suivent un plan précis qui consiste à former des coopérateurs avant de fonder des coopératives. Dans un premier temps, le clergé et les agriculteurs créent un cercle local de l’UCC dans une paroisse. Les dirigeants locaux de l’UCC organisent ensuite des sessions d’étude à l’intention des agriculteurs pour leur expliquer les principes coopératifs. Une fois ces principes assimilés par les agriculteurs et les paroissiens intéressés, on passe à l’action avec la fondation de coopératives dans les principaux secteurs économiques locaux. 

Les agriculteurs ayant alors très difficilement accès au crédit par l’entremise des banques, les promoteurs de la coopération décident de commencer par la fondation de caisses populaires. Pendant l’année 1936, six caisses populaires voient le jour au Témiscamingue, dont la première, en mars, à Notre-Dame-du-Nord. La Société d’assurances la Mutuelle-Vie est également fondée cette année-là. Par la suite, entre 1937 et 1939, six autres caisses populaires sont mises sur pied dans les municipalités rurales de la région. 

Le clergé et l’UCC tentent une percée dans un autre domaine important pour les agriculteurs, les chantiers forestiers. La formule retenue consiste en la mise sur pied d’une coopérative paroissiale de bûcherons, appelée le chantier coopératif, qui négocie directement les contrats de coupe des arbres avec les compagnies forestières. Le chantier coopératif vise, en fait, à remplacer les sous-traitants forestiers. Cette formule démarre à Roquemaure, en Abitibi, et connaît un fort succès dans les nouvelles paroisses de colonisation de cette région. En 1948, le chantier-école du lac Granet voit le jour afin de former des bûcherons coopérateurs. Cette année-là, il existe sept chantiers coopératifs au Témiscamingue. Ces derniers connaissent cependant un succès éphémère puisqu’ils ne réussissent pas à obtenir de contrats des entreprises forestières de la région. 

Le mouvement coopératif connaît davantage de succès dans le secteur agricole, à l’instar des caisses populaires. Ainsi, dans les années 1930, des syndicats coopératifs sont formés dans quelques localités de la région. Il s’agit en fait de coopératives de consommation. On y retrouve de la marchandise pour la consommation humaine, pour la nourriture des animaux, des accessoires pour les machineries agricoles et divers articles d’utilité courante. Certains syndicats coopératifs offrent également les services de criblage des grains de semence, en plus de préparer des moulées balancées pour l’alimentation rationnelle des animaux de la ferme. Le succès de ces syndicats coopératifs est cependant de courte durée. Dans les années 1950, à la suite de difficultés financières, la Société coopérative du Témiscamingue et certains syndicats locaux, dont celui de Notre-Dame-du-Nord, déclarent faillite et ferment leurs portes. 

Également, dans le secteur agricole, les promoteurs du coopératisme lorgnent du côté des beurreries privées puisqu’elles constituent la principale activité économique des agriculteurs. Ainsi, dès la fin des années 1930, des démarches sont entreprises dans chaque localité afin de former une coopérative et d’acheter la beurrerie privée. Une offre d’achat est faite à l’entrepreneur privé, assortie d’une menace de construire une autre beurrerie advenant le refus de celui-ci de vendre son entreprise. Graduellement, les beurreries locales deviennent des beurreries coopératives. Ainsi, en 1940, 11 beurreries sont en activité dans la région et, sur ce nombre, huit fonctionnent selon le mode coopératif. Quatre ans plus tard, toutes les beurreries locales sont désormais de type coopératif, à l’exception de celle de Laverlochère, propriété de M. Armand Lafrenière. 

Ainsi, à compter de 1936, les promoteurs du coopératisme agricole contribuent à doter chacune des localités du Témiscamingue rural d’une double structure coopérative. On procède d’abord à la mise sur pied d’une caisse populaire et, ensuite, à la fondation d’une beurrerie coopérative. Par contre, mis à part ces réussites locales, le mouvement coopératif connaît un échec relatif avec les chantiers coopératifs, au Témiscamingue du moins. Dans le domaine des coopératives de consommation, les succès sont plutôt de courte durée. La plupart sont en effet acculées à la faillite au milieu des années 1950. Mais, dans l’ensemble, le mouvement coopératif se porte bien à cette époque, grâce notamment aux caisses populaires et aux beurreries. 


Bibliographie : 

Archives de la Société d’histoire du Témiscamingue. Fonds Louis-Zéphirin Moreau. Cahiers de coupures de presses, 1936-1944. 
Laliberté Henri, Yvonne. Notre-Dame des Quinze, un passé disparu… [sans lieu], [sans éditeur], [sans date]. 85 pages. 
Riopel, Marc. Les fractions de l’élite locale et le développement du Témiscamingue, 1939-1950. Mémoire de maîtrise en histoire, Université du Québec à Montréal, 1989. 134 pages.
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