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Contes et légendes
Thème : Culture

Contes et légendes de la Gaspésie

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 24 novembre 2002


Les soirées étaient longues jadis, sur les côtes de la Gaspésie, et les conteurs étaient nombreux. Les gens étaient-ils plus naïfs qu’aujourd’hui ou bien aimaient-ils davantage le merveilleux? Peu importe. Il est resté de cette époque une kyrielle d’histoires fantastiques et de contes populaires qui parlent de géants, du diable, de naufrages. Certains s’en rappellent encore. En voici quelques exemples.
 
Le Géant des Méchins
 
L’histoire d’Outikou, le géant des Meschins, mangeur d’hommes, commun semble-t-il à plusieurs tribus autochtones, est racontée pour la première fois par Jean-Charles Taché. L’histoire se passe vers 1668. Un missionnaire accompagné d’un guide malécite doit se rendre à Gaspé. Arrêté pour la nuit à l’endroit aujourd’hui appelé les Méchins, l’Amérindien est dans tous ses états. Au missionnaire qui s’informe de la raison de sa peur, il lui dit qu’Outikou, un géant fantastique, rôde autour comme un lion rugissant et menace de le manger. Et le missionnaire de lui répondre qu’Outikou ne mange pas les gens qui ont été baptisés. La nuit venue, le Malécite, en belle peur, réveille le missionnaire : « Patriarche, j’ai entendu le cri d’Outikou, et ce cri fait mourir. Je l’ai vu descendre de la montagne, grand, grand comme les Chikchâks… Il avait un bâton pour se soutenir, un grand pin sec arraché de sa propre main. Il avait senti du sauvage non baptisé… il se penchait vers moi pour me saisir, mais j’ai pris ton crucifix et il s’est sauvé vers la montagne en hurlant. Donne-moi le baptême ». Et le lendemain, le missionnaire, pour conjurer la menace du méchant géant, Matsi en langue autochtone, de construire une croix avec le grand pin sec. Ainsi, de Matsi, le nom de l’endroit serait devenu Méchants en français, puis Mechins. Y a-t-il là un fond de vérité?!
 
La Gou-Gou
 
L’histoire n’est pas sans rappeler celle de l’ogresse géante de l’île Bonaventure, La Gou Gou, une vielle bonne-femme hideuse, si grande que les mâts des navires ne lui venaient même pas à la taille. On la voyait souvent courir sur les rochers de l’île. Elle faisait un bruit terrible. Sa voix striait l’air comme les vents sinistres qui hurlaient dans la falaise. Parfois, elle traversait à terre où elle s’emparait d’Indiens qu’elle mettait dans son tablier pour les manger plus tard, dans sa caverne. 
 
Les missionnaires l’ont, elle aussi, fait fuir, mais l’ogresse a survécu est c’est un jeune garçon de grave natif de Bretagne qui l’a revue au temps de la grande pêche. Le jeune homme travaillait pour le capitaine Cardurec. Un jour, voulant voir de ses yeux l’antre de la sorcière, il fait une escapade et parvient à la caverne de l’île Bonaventure. En approchant, il entend souffler dans son dos. En se retournant, il voit la vieille sorcière indienne, avec ses dents longues, menaçantes et ses deux yeux méchants qui brillaient derrière les poils jaunes qui lui pendaient sur le museau. La bave coulait sur ses babines sanglantes. Le jeune mousse vire de bord et se sauve. Il court, court, court. À bout de souffle, il arrive à la falaise, mais la Gou-Gou le rattrape. Il n’a que le temps de sauter à l’eau où son capitaine le ramassera plus tard, sauvé in extremis.
 
La légende du Diable danseur
 
Si le visiteur est chanceux, il trouvera ce vieux pêcheur de Saint-Yvon qui lui racontera, l’œil malicieux, l’histoire de Rose Latulipe : « Il y a longtemps, dans les années 1745, Rose Latulipe, une belle jeunesse de vingt ans, voulait absolument danser …», mais l’histoire se passait ailleurs.
 
Celle que Carmen Roy a recueillie, c’est pas pareil. Cette histoire-là est vraie. Ça se passait à Cap-Blanc, juste à côté de Percé. Une jeune fille décide, un bon soir, d’aller danser bien que sa mère ne veuille pas. « Même si ce devait être le diable, je vais danser avec », lui fait–elle comme réponse. En soirée, alors qu’elle s’en allait à Percé à pied, un beau jeune homme habillé de noir la dépasse en voiture à cheval et lui demande où elle va. « Danser », lui répond-t-elle. « Montez, j’y vais aussi », lui dit-il et elle monte. Pendant la veillée, le jeune homme garde ses gants de sorte que la demoiselle ne voit pas ses griffes, mais Satan accroche une autre danseuse et l’égratigne sans faire exprès. Soupçonneuse, celle-ci prévient le maître de la maison. Chaque fois, remarque d’ailleurs ce dernier, que le beau danseur approche le berceau du bébé, l’enfant braille. À n’en pas douter, c’est le diable pense-t-il et, tout de go, il va en avertir le curé qu’il ramène à la maison.
 
« Que viens-tu faire ici? », lui demande en le voyant le danseur? « Te jeter dehors ». « Si tu me jettes dehors, ce sera avec ma compagnie ». « Tu vas sortir! » Et le curé de l’asperger d’eau bénite avec son goupillon. Le Diable beau danseur sort alors si rapidement qu’il en arrache la porte. Mais est-ce vraiment à Percé que ça s’est passé? Mon père, m’a conté, à moi, que c’est à L’Anse-au-Griffon qu’un certain Nolan s’était changé en diable…, à moins que c’est la fois où un pêcheur de la même place avait fait un marché avec lui pour…
 
La vaisseau fantôme
 
La Gaspésie est un pays de côtes et de mer. La guerre de la Conquête s’y et aussi déroulée et elle a entraîné bien des pertes de vie. Un des bateaux qui sombra à cette époque réapparaît occasionnellement depuis, les voiles toutes en feu. Marie-Stella-Éva Bourg, de Carleton, l’a aperçu à quelques reprises, en 1912 et en 1914. Catherine Jolicoeur a recueilli son témoignage, mais aussi celui de John Leblanc, de Nouvelle.
 
« J’me rappelle d’avoir entendu dire par mes ancêtres d’où vient le bateau-en-feu. En 1757, la dernière guerre qui a eu avec les Acadiens et Anglais s’a faite en bas de Restigouche. Un--- j’me rappelle pas d’son nom de famille, qui était l’plus vaillant Français qui a eu au bord du bateau guerrier. Ses camarades voulaient absolument qu’il cède aux bateaux Anglais pour se laisser prendre pour eux autres.
 
Il a dit que c’est impossible, que le cœur français était pas capable de céder à un Anglais. Il a dit que malgré tous les pouvoirs d’Anglais qu’i travaillerait, qu’i loveillerait pour essayer à détruire la flotte anglaise jusqu’à ses derniers jours. Il a dit qu’i loveillerait p’is qu’i travaillerait, malgré le iâble, jusqu’à la fin des temps, afin de caler ce bateau-là.
 
Mais la Providence a pas parmis. Il a été obligé d’céder par le manque de pouvoir et c’est son bateau qu’a été coulé, que les ancêtres calculent qu’c’est son bateau en feu qu’est vu sur la mer… ».
 
C’est-y vrai toutes ces histoires. En tout cas, c’est comme ça que mon père me les contait à moi aussi.
 
 
Bibliographie :

Gagnon, Pascale et Claude Picher. Légendes gaspésiennes. Legends of the Gaspé. Gaspé, Musée de la Gaspésie, 1995. 44 p., ill. 
Jolicœur, Catherine. « Le bateau fantôme », La Revue d’histoire de la Gaspésie, vol. VIII, no 1, janvier – mars 1970, p. 26-28.
Pineau, Jean-Pierre. Histoires, chansons et légendes de la Gaspésie. Mont-Joli, Narval/Machin Chouette, 1997. 92 p., ill.
Québec, Gouvernement du... La Gaspésie - Histoire, légendes, ressources, beautés. Québec, Ministère de la Voirie, 1930, p. 122-124, 190s.
Roy, Carmen. Littérature orale en Gaspésie. Seconde édition, (Montmagny), Leméac, (1981), p. 132.
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