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Le monde littéraire
Thème : Culture

Le monde littéraire gaspésien

Annie Dugas, Bachelière en langue et linguistique française. Gaspé, 1er janvier 2003

 
La Gaspésie inspire bon nombre d’hommes et de femmes de lettres. L’identification au milieu semble être chez eux le premier facteur d’émergence de l’écrit. Ultérieurement, ce sentiment d’appartenance colore leur imaginaire d’une teinte particulière, celle de la mer. Plus près de nous, dans le temps, la présence du monde littéraire gaspésien est assurée par la tenue d’événements littéraires et sa survie passe par un rassemblement d’auteurs.
 
L’appartenance
 
Les premières œuvres littéraires gaspésiennes portent le sceau du territoire. Le titre de plusieurs romans ou recueils inclut, en effet, le nom Gaspésie ou son adjectif, gaspésien. Il est ainsi pour le recueil de poésie de Blanche Lamontagne, Visions gaspésiennes, et le livre d’Antoine Bernard, La Gaspésie au soleil. Ce titrage traduit un profond sentiment d’appartenance au milieu de même qu’un besoin identitaire exacerbé par l’éloignement et l’ampleur de ce qu’il y a accomplir au plan littéraire. Il s’avère que cette production est repliée sur elle-même et, sans aller jusqu’à la qualifier de régionaliste, nous devons y voir le désir de clamer ses racines autant que la conscience de sa différence.
 
C’est dans cette optique que chaque paroisse ou localité produit sa monographie. C’est le cas pour Gaspé depuis Cartier, publiée en 1934, l’une des premières œuvres du genre à se détacher du factuel religieux pour se concentrer sur l’événementiel laïc. Ce médium permet de s’enraciner dans le paysage et de prouver son existence. Il existe aussi beaucoup de publications biographiques, comme celles de Mgr Ross, d’Antoine Bernard, de John Le Boutillier, destinées au lectorat gaspésien. Parallèlement, il ne faut pas oublier les ouvrages produits sur l’éducation et l’économie gaspésiennes. Le milieu devient alors prétexte à l’écriture et même, comme dans le cas de La Gaspésie d’Antoine Bernard, l’occasion de développer une thèse. 
 
La force de l’imaginaire
 
De nos jours, ce sentiment d’appartenance est toujours là mais il a évolué. La Gaspésie n’est plus sous-jacente à l’acte d’écrire, mais constitue une teinte qui s’ajoute au texte, une nuance en quelque sorte. On peut percevoir dans la thématique de plusieurs auteurs l’omniprésence de la mer ou l’écriture au fil de l’eau qui ajoute une couleur à leur œuvre. Cet imaginaire de la mer est très bien illustré par des titres comme Ruelle Océan (Rachel Leclerc), L’eau blanche et Quand la voile faseille (Noël Audet). L’écriture relate dans ces cas un souvenir, une vision plus personnelle de la Gaspésie, mais inscrite dans un cadre plus général. 
 
Récemment, le genre du roman historique apparaît, bien représenté par un récit comme La bataille de Forillon (Lionel Bernier), où l’histoire locale est présentée pour son intérêt romanesque et non parce qu’événement uniquement gaspésien. De ces sujets locaux, il est facile de tracer une ligne qui tend vers l’universel. Par conséquent, la littérature produite en Gaspésie existe en fonction des liens à tisser avec des cultures affichant les mêmes réalités sociales. Par là, il est possible de croire que le monde littéraire de la région est parvenu à une certaine maturité qui lui permet de s’ouvrir sur le monde sans craindre pour son identité. D’un autre genre, L’ombre de l’épervier, de Noël Audet, pourrait davantage être classé dans la fiction historique en raison des éléments empruntés aléatoirement au passé péninsulaire et rassemblés pour créer une nouvelle trame.
 
Événements littéraires
 
La période contemporaine se traduit en Gaspésie par la tenue d’événements médiatiques et promotionnels du genre Salon du livre ou Gala culturel gaspésien. Axés vers la diffusion des auteurs de la région, ces expositions manifestent le désir chez les auteurs de se tailler une place sur la scène littéraire québécoise. Plus récemment, le Conseil de la Culture de la Gaspésie organisait des concours de lettres en collaboration avec le journal culturel Graffici. Leur succès montre bien la volonté du milieu à faire émerger l’écrit, tant sur le plan amateur que professionnel.
 
Toutefois, une bonne partie de cette littérature en est une de l’exil puisque plusieurs de ces auteurs vivent en dehors de la région. Pour ceux qui y demeurent, les difficultés propres au monde de l’édition sont importantes. C’est donc pour relancer le milieu littéraire régional qu’un rassemblement du monde littéraire gaspésien était organisé au mois de novembre 2002. Cette rencontre comportait deux volets : animation littéraire et création littéraire.
 
Le premier volet voulait dégager des événements propres à développer le goût de la lecture. À ce niveau, le rôle des bibliothèques publiques, des institutions d’enseignement et des cercles littéraires s’est révélé important. Avec du recul, il apparaît que les loisirs littéraires font du progrès. Plusieurs initiatives, comme le Salon du livre, la Semaine régionale de la bibliothèque, les rallyes-recherches, ne sont que quelques exemples d’activités proposées. Il faut aussi songer qu’entre 1960 et 1976 le réseau de bibliothèques publiques en était à son implantation en Gaspésie et que les rares bibliothèques municipales logeaient dans un placard sous l’escalier d’une salle paroissiale… une époque désormais révolue.
 
Rassemblement d’auteurs
 
Les écrivains gaspésiens affrontent de nombreux défis. Il leur faut briser l’isolement relatif dans lequel est tenue la Gaspésie car cela rend difficile les contacts avec les maisons d’édition et, même, entre les gens de lettres issus du milieu. La plupart d’entre eux doivent publier à compte d’auteur ou se diriger vers les maisons d’édition régionales, qui, malgré un excellent travail, demeurent méconnues. Les écrivains gaspésiens veulent aussi se regrouper dans une association régionale afin d’échanger sur le métier. Il serait souhaitable qu’il y ait un endroit où ils puissent se perfectionner. Ils songent, notamment, à tenir des ateliers de création.
 
Conscient de l’absence d’une couverture médiatique de leurs écrits, les participants à cette journée ont convenu, pour y pallier, de créer un événement littéraire annuel qui, outre un Salon du livre, attirerait l’attention générale. Un comité, composé du Conseil de la culture de la Gaspésie, de cercles littéraires, des auteurs, des éditeurs, des bibliothèques publiques, des libraires et du milieu scolaire, se charge désormais d’atteindre ces objectifs.
 
Comme il appert, les préoccupations actuelles du monde littéraire en région sont extrêmement pointues. Il en est ainsi parce que le contexte de production s’est d’abord élaboré dans une volonté de s’ancrer au milieu alors qu’il faut maintenant en sortir. Toutefois, le monde littéraire gaspésien est constamment dynamisé puisque les gens de ce milieu veillent à le développer, tant du côté du lecteur que de l’écrivain. Comme le dit Madeleine Gagnon : « C’est parce que j’ai aimé lire que j’écris. »
 
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