Thème :
Société et institutions
La représentation gaspésienne au Parlement de Québec
Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 27 octobre 2002
Toutes les régions du Québec se targuent d’avoir dans leurs rangs des hommes de valeur, qui ont marqué leur histoire, voire même celle de la province ou du pays. La Gaspésie, à cet égard, n’est pas sans présenter des figures de proue que souvent les Gaspésiens eux-mêmes ont oubliées. Les exemples sont nombreux.
René Lévesque
Le surnom des Trois Mousquetaires leur aurait-il déplu? Toujours est-il qu’au début des années 1980 trois hommes, trois Gaspésiens, menaient les destinées de la province sans que bien des gens s’en aperçoivent. Pourtant, ces trois Mousquetaires se connaissaient depuis leur enfance. Quand on regarde le parquet de la Chambre des députés à Québec en 1981, on s'aperçoit que le chef de l'État, René Lévesque, est originaire de New-Carlisle. Celui-ci fait ses débuts dans les communications quand il est annonceur en 1936 à la radio CHNC-New-Carlisle. C’est l’époque où, encore étudiant au séminaire de Gaspé, il rédige un journal, L’Envol, dans lequel il publie déjà un texte à saveur autonomiste : « Réclamons aux étrangers, au lieu des postes méprisables que nous possédons, les positions élevées qui nous sont dues. Du jour où cela sera accompli, nous pourrons nous dire maîtres chez nous ». Connu par la suite au Canada comme journaliste, Lévesque se fait remarquer par sa couverture de guerre pendant le deuxième conflit mondial et sa participation à l’émission télévisée Point-de-mire. Entré en politique en 1960 comme député libéral, il fonde son propre parti, le Parti québécois et prend le pouvoir huit ans plus tard, en 1976.
Gérard D. Lévesque
Pendant le second mandat de René Lévesque, alors que ce dernier a défait son opposant Robert Bourassa, le chef par intérim de l'Opposition s’appelle Gérard D. Lévesque. Ancien du séminaire de Gaspé, avocat et hommes d’affaires de New-Carlisle, ex-Président de la Chambre de Commerce de la Gaspésie, il se fait élire député du comté de Bonaventure en 1956. Il accède plus tard au cabinet de Jean Lesage en même temps que Bona Arsenault, député de Matapédia et ministre des Terres et Forêts. Gérard D. est pour sa part nommé ministre de la Chasse et des Pêcheries, succédant au docteur Camille-Eugène Pouliot, député unioniste de Gaspé qui avait assumé les mêmes responsabilités pendant seize ans. Gérard D. Lévesque devient plus tard ministre des Finances et vice premier ministre sous Robert Bourassa. La maladie met fin à sa carrière politique en 1993, une carrière de trente-sept ans, la plus longue de l’histoire canadienne. Lui et René Lévesque ont en commun de venir de la même paroisse, New-Carlisle, d’avoir été élevé ensemble et d’avoir étudié dans le même séminaire, à Gaspé, pour se rejoindre finalement à l’Assemblée Nationale.
Michel Le Moignan
À l’époque où René Lévesque amorçait son second mandat à l’Assemblée nationale à Québec, le chef par intérim de l'Union Nationale s'appelait Michel Le Moignan. Originaire de Grande-Rivière, étudiant au séminaire de Gaspé puis au Grand Séminaire de Québec et à l’Université Laval, il est ordonné prêtre en 1949. Professeur d’histoire au séminaire de Gaspé, il fonde en 1962 la Société d’histoire de la Gaspésie avec l’abbé Claude Allard et lance l’année suivante la Revue d’histoire de la Gaspésie, aujourd’hui l’une des plus anciennes, sinon la plus ancienne revue d’histoire régionale de la province. De concert avec son conseil d’administration, l’abbé Le Moignan travaille pendant quinze ans à la création du Musée d’histoire et de traditions populaires de la Gaspésie, lequel ouvre finalement ses portes en 1977.
Curé de la Paroisse Saint-Albert de Gaspé, Michel Le Moignan brigue en 1976 les suffrages des électeurs du comté de Gaspé sous la bannière de l’Union nationale et devient le premier prêtre catholique romain d’origine canadienne-française à se faire élire député. Plus encore, en 1980, Michel Le Moignan devient chef intérimaire de l’Union nationale et en assure la direction pendant quelques années. Encore là, il est le premier prêtre à assumer un tel rôle. C’est pendant ce mandat qu’il affronte en chambre ses deux condisciples René et Gérard D. Lévesque. Il démissionne de son poste de député quelques années plus tard quand l’Église exige de ses prêtres de ne point se mêler de politique.
John Le Boutillier et Théodore Robitaille
La conjoncture politique avait placé trois Gaspésiens à la tête de l'État. Mais cette présence de la Gaspésie au niveau de la représentation supérieure de la province n'est pas tout à fait unique. En 1867, après une carrière de plus de trente ans en politique, John Le Boutillier, un marchand de Gaspé, devient sénateur à Ottawa pour la section du golfe Saint-Laurent. A peu près à la même époque, en 1874, Théodore Robitaille, qui représente le comté de Bonaventure dans la capitale nationale, devient Solliciteur général du Canada. Quand le Parti Conservateur prend le pouvoir en 1879, il est nommé Lieutenant-gouverneur du Québec, son mandat se terminant en 1884.
Honoré Mercier
En 1890, le chef du Parti libéral, Honoré Mercier, décide de se présenter dans le comté de Bonaventure en faisant la promesse de terminer le chemin de fer de la baie des Chaleurs jusqu'à Gaspé et il gagne ses élections. Deux ans plus tard, son gouvernement, qui est en difficulté en Chambre en raison du scandale du chemin de fer de la baie des Chaleurs, déclenche de nouvelles élections et Mercier est réélu dans Bonaventure. Toutefois, son parti ne recueille pas assez de sièges en Chambre et son gouvernement est défait. Il conserve quand même son siège jusqu'à sa mort, survenue deux ans plus tard.
Edmund James Flynn
En 1896, à la mort de son chef et Premier ministre de la province de Québec, Louis-Olivier Taillon, le Parti conservateur de la province de Québec se donne un nouveau leader en la personne de Edmund James Flynn. Cet avocat, natif de Percé, pratique à Québec et enseigne le droit à l'Université Laval. Flynn avait, auparavant, été élu député du comté de Gaspé à sept reprises. Il avait occupé plusieurs postes de prestige dans le gouvernement: Commissaire des Terres de la Couronne, Commissaire des Chemins de Fer, Solliciteur général. Il sera Premier ministre du Québec pour la fin du mandat de Taillon, soit une année.
Finalement, la Gaspésie n'est pas à court d'hommes de valeur. Il est en tout cas, à l’évidence, erroné de croire à une sous-représentation de la région au niveau politique pour expliquer les problèmes qui l'ont accablée.
Bibliographie :
Bélanger, Jules. « Nous te verrons, René, briller dans leurs yeux », Gaspésie, vol. XXVI, no 1, mars 1988, p. 28-30.
Bélanger, Jules. « Hommage posthume à Michel Le Moignan, fondateur de la Société historique de la Gaspésie », Gaspésie, vol. XXXVIII, no 2, automne 2001, p. 4-6.
Desjardins, Marc, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu. Histoire de la Gaspésie. Québec, I.Q.R.C., 1999. 797 p., cartes, ill.
Joncas, Paul. « Un salut fraternel à Gérard D. », Gaspésie, vol. XXXI, no 4, décembre 1993, p. 7-9.
Soucy, Gilles. « Michel Le Moignan – Récipiendaire du prix mérite culturel Gaspésien 1991 », Gaspésie, vol. XXIX, no 2, juin 1991, p. 3-4.