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Nouvelle économie
Thème : Économie

Nouvelle économie

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 22 août 2002


L’économie gaspésienne est en reconversion. La ressource forestière a été épuisée par des générations de coupes de bois abusives et les exploitants doivent maintenant composer avec des approvisionnements moindres. L’agriculture, qui a, de son côté, perdu beaucoup de joueurs depuis les années 1960, réussit pourtant à faire mieux en cherchant de nouvelles avenues. La ressource halieutique a été épuisée à son tour par la surpêche et la prédation naturelle de sorte que l’industrie se réoriente vers de nouvelles avenues. C’est ainsi que l’on peut parler de nouvelle économie. À peu près dans tous les domaines de l’industrie, la Gaspésie a été obligée d’emprunter de nouvelles avenues et de faire autrement. 
 
Des projets
 
En l’année 2002 seulement, des projets de toutes sortes voient le jour, signes d’une volonté de redressement et de la confiance que le milieu suscite malgré les problèmes vécus. La plupart sont issus du milieu, mais nombreux sont ceux qui proviennent de l’extérieur de la région. Par exemple, trois entrepreneurs de Montréal, regroupés sous la raison sociale Breuvages Gaspé, parlent d’exploiter une usine de mise en bouteille de jus, de boissons gazeuses et d’eau à Chandler. La présence de l’une des trois sources d’eau les plus pures au pays, la rivière Pabos, leur permettrait de produire vingt millions de litres d’eau par année. Ce projet, estimé à 4,5 millions $, pourrait créer quarante emplois. 
 
Dans un domaine tout autre, l’Université du Québec à Rimouski s’est penchée sur le potentiel éolien de la péninsule. Certains de ses chercheurs voudraient récupérer les équipements de la défunte fonderie de Mines Gaspé à Murdochville pour fabriquer les composantes d’un parc éolien à développer au sommet des Chic-Chocs, là où les vents soufflent à neuf mètres secondes. Certains obstacles restent à vaincre avant d’exploiter cette énergie, notamment la géographie accidentée du terrain, la présence de nuages et du givre qui s’en suit. L’UQAR se dit prête, pour sa part, à participer à des recherches sur la technologie des éoliennes en climat nordique. 
 
La pharmaceutique, liée à l’alimentaire, ouvre elle aussi de nouvelles perspectives. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation apporte une aide financière de 134 000 $ aux entreprises Biotechnologies Atrium de Québec et à Cuisimer, de Mont-Louis. Le projet vise à identifier les parties du concombre de mer utilisables dans la fabrication des nitraceutiques (médicaments). Cet animal marin se retrouve en grande quantité dans l’estuaire du Saint-Laurent et son intérêt vient de la possibilité de commercialiser la production de ses dérivés à titre d’intrants dans des produits à très haute valeur ajoutée.
 
Des annonces
 
À côté des projets, des annonces de réalisation de projets, sinon d’investissements montrent sporadiquement le sérieux des intervenants. Les chantiers de Verreault Navigation des Méchins, qui projetaient depuis quelques années de se lancer dans la construction navale, viennent de commencer celle d’un navire, le Sterling Carrier. Ce bateau servira au transport du saumon entre les fermes d’élevage du nord de la Colombie-Britannique et les usines situées au sud de la province. Le bateau dont les moteurs développent 11 000 chevaux est évalué à 5,6 millions $. Il doit être construit en trois mois et il assure pendant ce temps du travail à cinquante-six personnes. 
 
Dans le domaine forestier, le Groupe GDS, propriété de Guildo Deschesnes, investit deux millions $ dans l’usine des Cèdres Chic-Chocs de Sainte-Anne-des-Monts. La compagnie veut ajouter une ligne de fabrication de cèdre et une machine pour récupérer et ensacher le paillis de cèdre. Le projet créera soixante-dix emplois à moyen terme. Presqu’en même temps, la compagnie GDS confirme l’injection de 4,8 millions $ à son Centre de préparation du bois de Matane où elle désire mettre en fonction une toute nouvelle machine capable de jointer des planches de sapin. L’équipement nouveau est créateur de vingt emplois et en consolide soixante autres. 
 
Pendant ce temps, Canada Changmin Neutraceutiques annonce son implantation à Rivière-au-Renard. La compagnie formée d’intérêts gaspésiens et coréens, ouvre une usine de transformation de panaches de cerfs rouges. Réduits en poudre et mis en capsules, les Asiatiques s’en servent pour soulager les douleurs arthritiques, l’insomnie, l’infertilité, l’ostéoporose et le vieillissement. Les bois des cervidés proviendront des fermes de la dizaine d’éleveurs gaspésiens. Un projet de 750 000 $.
 
Des réalisations
 
Évidemment, à côtés de ces projets presque achevés, d’autres mènent déjà la parade au plan des réalisations. Et ce dans tous les domaines. Un producteur de patates, que l’éloignement des marchés n’inquiète pas, affirme haut et fort : « C’est certain qu’en Gaspésie on restera toujours loin des grands centres. Ça c’est immuable. Le gars d’Abitibi est aussi loin de Montréal que moi. Écoute, même dans les régions agricoles centrales t’as aussi des producteurs qui vivent dans l’arrière-pays ». Éric Dubé, de Productions agricoles BDM (1987), l’auteur de ces propos, a semé plus de quarante-deux acres de patates en 2002 en plus d’alimenter une conserverie de petits fruits et de légumes destinés aux grands marchés. 
 
Les secteurs de la technologie et des communications connaissent aussi des développements intéressants. Une entreprise de construction de structures d’acier, Fabrication Delta de Saint-Siméon, dans la Baie des Chaleurs, livre par train à l’été 2002 un silo d’entreposage de sulfite de sodium d’une capacité de 100 tonnes à Slogan Forest Product, de Taylor en Colombie-Britannique, un producteur de pâte à papier. La même compagnie Fabrication Delta commence bientôt la construction de structures pour des éoliennes qui seront installées à Rivière-au-Renard. Dans le domaine de la fabrication des machines à jeu, la compagnie Spielo Gaming Internationale, une compagnie néo-brunswickoise, est présente à Sainte-Anne-des-Monts depuis huit ans. Comme les autres investisseurs, elle mise sur un bassin de main d’œuvre locale prête à être formée. S’appuyant aussi sur le même capital, les travailleurs, le gouvernement du Québec s’est associé avec Télécentric ACI, pour implanter un centre d’appels téléphoniques de 4,5 millions $ à Caplan, créant 500 emplois en deux ans dans le milieu.
 
En définitive, il n’y a pas de frontière dans la nouvelle économie qui se dessine en Gaspésie. Tous les secteurs, l’éolien, industriels, agricoles et commerciaux sont en ébullition : agriculture, biotechnologie, pharmaceutique, construction navale, transformation du bois. Les capitaux, comme les marchés, sont autant locaux que provinciaux et nationaux. Cette réorientation économique est-elle un leurre ou bien une réalité? Selon l’Institut de la statistique du Québec, les investissements privés ont passé en Gaspésie de 220 millions $ en 2000 à 269 millions $ l’année suivante pour atteindre 349 millions $ en 2002. Un taux de croissance de 25 à 30% pour la Gaspésie en comparaison de 1,1% pour la province dans le même temps. Pour une fois, et malgré tous les obstacles quotidiens, les chiffres semblent donner raison aux optimistes.
 
 
Bibliographie :

Bellerive, Karine. « Énergie éolienne – Un centre de recherche pourrait être implanté à Murdochville », Le Pharillon, 5 mai 2002, p. A5
Briand, Naomi. « Canada Changmin Neutraceutiques s’établit à Rivière-au-Renard », Le Soleil, 19 août 2002, p. A14.
Cyr, Mario. « Gaspésie, quand l’entrepreneur s’installe », Graffici, juillet 2002, p. 7.
D’Astous, Alexandre. « Québec investit dans la valorisation du concombre de mer », Le Pharillon, 7 juillet 2002, p. A2.
Gagné, Gilles. « Des Montréalais veulent exploiter l’eau pire de la Gaspésie », Le Soleil, 7 mai 2002.
Lavoie, Alain. « Éric Dubé : l’homme qui plantait des patates », Le Réveil Gaspésien, août 2002, p. 7; « Fabrication Delta exporte ses connaissances en Colombie-Britannique », ibid., p. 4; « Le discours est plus positif et les investissements sont en hausse en Gaspésie », Le Pharillon, 16 juin 2002.
Michaud, Henri. « Groupe Verreault – Un navire porteur d’espoir », Le Soleil, 10 août 2002; « Le Groupe GDS investira 2 millions aux Cèdres Chic-Chocs », Le Riverain, 11 août 2002, p. 5; « GDS confirme les 4,8 M$ à Matane », Le Soleil, 21 août 2002, p. A16.
 
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