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Verreault Navigation Inc.
Thème : Économie

Borromée Verreault et Verreault Navigation Inc.

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 9 août 2002, 2017


Borromée Verreault, comme dit l’adage, est tombé dedans en venant au monde. Son père, Irénée, est un marin comme son grand-père. Il voit le jour en Gaspésie, fait des études à Rimouski et revient travailler pour le compte de sa famille aux Méchins. Après quelques années au sein de l’entreprise familiale, Borromée achète en 1958 une drague de son père et travaille à son compte. Neuf ans plus tard, il lance sa compagnie, la Verreault Navigation Inc. 
 
Une famille de marins
 
La carrière de navigateur du grand-père Jean-Louis Verreault, au départ cultivateur-pêcheur aux Méchins, commence en 1909 quand il fait l’acquisition d’une barge à voile de trente pieds. Aidé de ses fils Louis-Étienne, Irénée et Antonio, il achète de tout pendant deux ans, des produits agricoles des fermiers locaux, du poisson des morutiers côtiers et du bois de la Côte Nord, pour les revendre dans les grands centres. Au retour, il ramène des marchandises sèches et des produits manufacturés. Au début de la Première guerre mondiale, Jean-Louis Verreault se rend propriétaire de deux goélettes à moteurs, le Petit-Matane, et le J. Heppell, rebaptisé Verreault L. Il établit avec ce dernier bateau un lien commercial régulier avec Baie-Comeau, Sept-Îles, Godbout et les villages avoisinants. En 1917, il commande la construction du Golfe Saint-Laurent et assure la liaison Québec - Gaspé en passant par la Côte-Nord du Saint-Laurent. En 1925, il arme son premier cargo en acier, le L. Miron, et crée la Gaspé-Baie-des-Chaleurs-Limitée. Toujours aidé de ses fils, il fait du transport général avec le Coronation, un navire que la compagnie Robin de Paspébiac lui cède à bon prix en 1935. Le bateau sert presque uniquement au transport du bois de pulpe entre les ports de la baie des Chaleurs et Bathurst. 
 
L’un des fils de Jean-Louis Verreault, Irénée, débute dans la navigation quand son père devient propriétaire de sa première barge en 1909. Au service de la compagnie familiale pendant trente ans, il lui achète en 1935 le Coronation et poursuit à son compte le service de cargo entre les rives nord et sud de la baie des Chaleurs. Il le vend à son tour à son fils Borromée en 1950, qui poursuit le service alors que lui-même se préoccupe désormais davantage de dragage et de navigation arctique. Au sortir de la Deuxième guerre mondiale, Irénée décide en effet de construire une drague aux Méchins même, I.V.1 (pour Irénée Verreault), puis deux chalands, I.V.2 et I.V.3, et s’en sert pour dégager les quais de la côte gaspésienne. Pendant ce temps, en 1956, il trouve un autre vaisseau, le Reyneld V, destiné à l’usage d’un nouveau circuit maritime, le transport de marchandises avec le Grand Nord canadien.
 
Les débuts de Borromée Verreault
 
Au sortir de ses études au Séminaire de Rimouski, où il a reçu une formation commerciale, l’aîné des fils d’Irénée Verreault, Borromée, s’intègre à la compagnie paternelle, la Gaspé-Baie-des-Chaleurs Limitée. On est en 1945. Il assure à titre de capitaine la navette entre les deux rives de la baie des Chaleurs. Il voyage aussi entre Gaspé et Québec et joint régulièrement les havres qui séparent ces deux destinations dont celui de Rivière-au-Renard. C’est à la faveur de l’un de ses nombreux séjours dans ce port de mer qu’il rencontre Anita Dumaresq. Son mariage avec la jeune renardoise en 1949 revêt une grande importance pour lui. Elle l’accompagne pendant quelques années sur son navire le Coronation et le suit partout aux Maritimes, sur le Saint-Laurent et même sur les Grands Lacs. Plus tard, après le décès de son époux, Anita reprendra la direction de la compagnie et assumera la transition entre le père et les filles Verreault. 
 
À partir de 1952, un nouveau marché s’ouvre pour le jeune capitaine Verreault, le Grand-Nord. Son jeune beau-frère Émery Dumaresq l’accompagne cette année-là à Halifax où il achète un bateau de guerre en acier que Borromée modifie pour la navigation en eau froide. Le navire, rebaptisé le Keta, surnom affectueux de son épouse Anita, fait le lien entre le port de Québec et l’Arctique pendant douze années consécutives. Deux autres navires le rejoignent dans le même service, le Claudette V (du nom de sa fille aînée Claudette) et le Reyneld V, acquis de son père.
 
La Compagnie Verreault Navigation Inc.
 
En 1956, alors que ses efforts avaient jusque-là été concentrés sur la navigation, Borromée Verreault fonde la Compagnie Verreault Navigation Incorporée. Tout en maintenant son service de cargo maritime, il achète la compagnie de dragage de son père. À cette époque, les risques sont gros dans ce domaine. Cinquante-trois compagnies concurrentes se partagent les contrats. L’efficacité fait foi de tout quand il s’agit d’en remporter un, mais Borromée fait montre d’un esprit inventif et d’audace, ce qui lui permet de se démarquer. Il dote sa drague, normalement tirée par un bateau, d’un mode d’autopropulsion. Ce système lui confère une autonomie dans ses déplacements et beaucoup plus de maniabilité. Ajoutant à l’innovation, il modifie des barges pour en faire des chalands autopropulseurs. Il les équipe en plus de systèmes hydrauliques grâce auxquels leurs cales s’ouvrent pour laisser glisser par le fond les boues qu’ils transportent plutôt que de les verser par dessus bord. Plus simple, plus rapide, le procédé est tellement d’avant-garde qu’il n’a pas encore été récupéré par la concurrence, même après quarante ans d’utilisation. Grâce à cet équipement, les couleurs de la Compagnie Verreault Navigation Inc., dominant rapidement l’industrie, apparaissent dans les plus grands ports de l’est canadien et même jusque sur les Grands Lacs.
 
Au début des années 1960, Borromée Verreault lance un chantier de construction navale. Il élabore à ses frais plusieurs projets novateurs dont un caboteur autodéchargeur de 400 cordes de bois de pulpe, un long courrier de 3 500 tonneaux pour ses opérations dans l’Arctique, un navire usine pour la pêche de la morue, desservi par des chalutiers de métal et un navire congélateur. Il dessine en plus les plans de navires pêcheurs en acier à la fine pointe de la technologie. Si les premiers projets n’aboutissent pas, celui des bateaux de pêche va de l’avant. Ainsi sortent de son chantier le Nadine et le Ralli II qui, dès leur lancement au milieu des années 1970, se classent au rang des unités les plus modernes de la province. Entre autres travaux importants au chantier Verreault, s’ajoutent la construction de chalands pour le profit de son entreprise et celle de remorqueurs pour le compte de la Saguenay Terminal Ltd. En 1967, le chantier construit en quatre mois le bateau passeur de Trois-Pistoles - Les Escoumins, le Fleur-de-Lys II, d’un capacité de vingt-six voitures.
 
Borromée Verreault a eu la chance d’hériter de ses pères d’un savoir et d’une profession propres au monde maritime. Le jeune homme n’est toutefois pas demeuré sur ses acquis. Après avoir appris et assimilé les bases du métier, il est devenu patron d’une entreprise qui a fait et fait toujours vivre des centaines de travailleurs en Gaspésie. Son épouse Anita et ses filles Claudette et Denise assument la continuité après le décès de Borromée en novembre 1982. Aujourd’hui, sa fille Denise dirige le holding Groupe Maritime Verreault qui embauche 225 employés.

Bibliographie :

Caron, Martin. « Adresse au capitaine Borromée Verreault ». Les Méchins. Novembre 1982, 4 pages.
Desjardins, Marc, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu. Histoire de la Gaspésie. Québec, I.Q.R.C., 1999. 797 p., cartes, ill.
Forgues, André. « Chantier maritime des Méchins – Anita Verreault mène la barque avec ses filles », Le Soleil, lundi 13 mai 1985.
Imbeault, Émilien et collaboration. Bribes d'Histoire méchinoise. Rimouski, Imprimerie du Golfe, 1983. 682p., cartes, ill.
Interviews avec Émery Dumaresk le 7 juillet 2002; Claudette Verreault, et Denise Verreault le 9 juillet 2002.
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