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La géographie de la Gaspésie
Thème : Territoire et ressources

La géographie de la Gaspésie

Mario Mimeault, Ph. D. Histoire. Gaspé, 27 juin 2002


La Gaspésie est entourée d’eau, au nord par le fleuve Saint-Laurent, à l’est par le golfe du même nom et au sud par la baie des Chaleurs. Cette péninsule, deux fois grande comme l’Île-du-Prince-Édouard, est un pays de montagnes, d’eau et de côtes. Occupée par des massifs rocheux en son centre, elle n’offre que de très faibles possibilités à l’habitat humain de se développer. En fait, elle est peuplée à moins du cinquième de son territoire et ce n’est que sur sa bande côtière que l’homme a trouvé sa niche.
 
Aux origines 
 
La Gaspésie s’est formée en des temps aussi reculés que le Cambrien (500 millions d’années AA) et le Dévonien (400 millions d’années AA). Au début, la masse terrestre se regroupe sous les tropiques sud du globe terrestre en un super continent appelé Utopia. Existe en son centre une mer immense, Iapétus, qui s’étend du Labrador au golfe du Mexique et au fond de laquelle se déposent des sédiments pendant des millions d’années. À la fin du Dévonien, les berges de Iapétus se rétrécissent sous l’action d’une dérive continentale. Pendant 150 millions d’années, le fond de la mer se relève verticalement en une chaîne plissée. Deux mouvements d’écrasement lithique donnent au final la chaîne des Appalaches. De cette époque, date le Mont-Albert qui culmine à 1 144 mètres. 
 
À ce moment, seule la partie nord de la péninsule est émergée. Le reste, en allant vers la baie des Chaleurs et comprenant le nord du Nouveau-Brunswick, demeure sous l’eau. C’est une immense mer de corail. Les sommets de volcans en activité pointent ici et là à travers la surface du vaste plan d’eau chaude. Les cônes des monts Alexandre, à mi-chemin entre Chandler et Murdochville, Lyall, derrière Sainte-Anne-des-Monts, de l’Observatoire, entre Murdochville et Chandler, et des montagnes de Sainte-Marguerite, en arrière de Matapédia, s’élèvent au milieu de récifs de corail et sur des couches de sédiments. Puis, 390 millions d’années AA, la partie sud de la Gaspésie sort lentement de l’eau. Elle présente ni plus ni moins la forme d’un plateau accidenté qui descend en pente douce vers la baie des Chaleurs. 
 
Aujourd’hui, l’orientation des Appalaches va du nord-est vers le sud-ouest, la même que la péninsule. En leur centre, plusieurs groupes de montagnes découpent le paysage. Les Monts-Notre-Dame, aussi appelés Chic-Chocs, sont situés au sud de Sainte-Anne-des-Monts et s’enlignent parallèlement au fleuve Saint-Laurent. Plusieurs montagnes de cette chaîne ont comme caractéristique de présenter des sommets très plats. C’est le cas des monts Logan, Bayfield, Lyall et Albert. Il y a aussi les Monts McGerrigle dont fait partie le mont Jacques-Cartier, le plus élevé de la Gaspésie avec ses 1 270 mètres. 
 
La côte gaspésienne
 
La côte gaspésienne se démarque considérablement si elle est vue des côtés nord et est de la péninsule ou de son versant sud. Au nord, de Sainte-Anne-des-Monts jusqu’à Mont-Saint-Pierre, elle se découpe en terrasses marines de plus en plus étroites en allant vers l’est. Elles ont été formées il y a plusieurs millénaires par les eaux d’une mer plus élevée. Les humains ont pu s’y installer et développer une agriculture de subsistance et même, dans plusieurs cas, commerciale. Passé Mont-Saint-Pierre, les Appalaches plongent carrément dans le fleuve Saint-Laurent. Une cassure de la croûte ouvre le flanc des montagnes et montre ses roches à vif, avec leurs plissures. De profondes vallées encaissées, comme au Mont-Louis, à Mont-Saint-Pierre et à l’Anse-Pleureuse, ont été formées par le mouvement de glaces qui dominaient les montagnes de l’intérieur aux dernières glaciations du globe. Comme il a peu de place ici pour l’agriculture, l’espace a été récupéré par les humains pour développer quelques centres de pêche. 
 
À l’extrémité de la péninsule, juste avant d’arriver à la pointe de Forillon, se trouvent quelques villages où l’homme a longtemps vécu de la mer. Il existe aussi une petite vallée, celle de l’Anse-au-Griffon, un cas à part où la population a pu se livrer avec profit au XIXe siècle et au siècle dernier à une agriculture de subsistance et au travail de la forêt. La baie de Gaspé, tout près, est une immense échancrure qui entre sur quarante kilomètres dans les terres et qui déchire le paysage. Entourée de montagnes, elle laisse peu de place aux activités agricoles. C'est, aux siècles précédents, le cœur du royaume de la morue. 
 
Du côté sud de la péninsule, en partant de Percé, le plateau qui descend en pente douce depuis l’intérieur des terres domine par endroit la Baie des Chaleurs que de quelques mètres. En d’autres endroits, comme à Percé et à Miguasha, ses caps, d’un rouge marqué, sont grugés par les grosses marées et reculent lentement avec l’érosion. De fortes baies, comme à Port-Daniel, Grande-Rivière, Carleton et Bonaventure, offrent tout l’espace voulu pour des développements humains. Ici, dominent l’agriculture et certaines activités de pêche. 
 
Les rivières
 
Une multitude de cours d’eau ravinent les montagnes et se déversent sur tous les versants de la péninsule. Les rivières les plus torrentueuses descendent le côté nord des Appalaches, mais presque toutes peuvent quand même être remontées en canot sur plusieurs kilomètres. Ainsi se présentent les rivières Cap-Chat, Sainte-Anne et Madeleine. Celles qui tombent dans la baie de Gaspé, les rivières Dartmouth, York et Saint-Jean, ont des parcours plus adoucis. Les plus longues rivières gaspésiennes se déchargent du côté sud de la péninsule, moins accidenté. La rivière Grande-Cascapédia offre le parcours le plus étendu avec ses cinquante-huit kilomètres. 
 
L’embouchure des cours d’eau est souvent très profonde et permet des aménagements portuaires importants. La baie de Gaspé offre à cet égard un des abris naturels pour les navires parmi les plus considérables au pays, bien qu’encore sous-exploité. Quelques aménagements, des jetées de pierre, ont suffi pour abriter les bateaux de Rivière-au-Renard, Cap-Chat, Grande-Rivière et Chandler. Les autres sorties des rivières présentent souvent pour les barques de pêche des abris naturels, ou bancs de sable, que les Gaspésiens ont utilisés pendant des générations, au temps de la pêche artisanale. Depuis les années 1950, tout un réseau de quais a été construit dans les villages côtiers pour permettre le débarquement des prises sans qu’il soit pour la plupart nécessaire de se livrer à des travaux de dragage. Des ports de plaisance ceinturent la péninsule. Ils ont été aménagés à Cap-Chat, Gaspé, Chandler, Bonaventure, Saint-Siméon, Carleton.
 
Tous ces cours d’eau donnent accès à des réserves forestières et ils ont, aux XIX et XXes siècles, servi au flottage du bois. C’est le cas des rivières Cap-Chat, Sainte-Anne, Dartmouth, Bonaventure et Cascapédia. Chaque rivière actionnait à cette époque-là un, voire même plusieurs moulins à scie. C’est le cas, entre autres cours d’eau, des rivières Sainte-Anne, Madeleine, au Renard, Griffon, Pabos, Maria, Nouvelle, etc. Et quand l’industrialisation a fait son apparition, c’est à l’embouchure des rivières Madeleine, Pabos et Petite-Cascapédia qu’ont été érigés les moulins de pâte à papier. La majorité de ces rivières ont aussi été, et le sont toujours, exploitées pour leur potentiel récréo-touristique. La pêche au saumon a attiré très tôt une riche clientèle, hommes d’affaires canadiens ou étrangers, hauts-fonctionnaires du gouvernement et hommes politiques d’envergure canadienne qui ont été à la source d’une renommée internationale pour la York, la Bonaventure et la Ristigouche en particulier. 
 
La péninsule gaspésienne compte parmi les plus vieilles régions géographiques de la province de Québec. Vaste et peu habitée en raison d’une géomorphologie sévère, elle laisse à l’homme une bande côtière que ce dernier a su aménager au cours des siècles et exploiter à son profit. 
 
 
Bibliographie :

Blanchard, Raoul. L’Est du Canada Français. 2 vol. Paris et Montréal, 1935. 366, 336 p., cartes, ill.
Giroux, Stéphane. « Chandler au pied d’un volcan », Le Soleil, le 9 novembre 1992.
Hétu, Bernard, « La Gaspésie des géographes », dans Marc Desjardins, Yves Frenette, Jules Bélanger. Histoire de la Gaspésie. Montréal, Boréal Express / I.Q.R.C., 1999, p. 26-55.
Hétu, Bernard, « Géologie et morphologie de la Gaspésie en onze arrêts clés », dans Paul Larocque et coll. Parcours historiques dans la région touristique de la Gaspésie. Rimouski, GRIDEQ, 1998, p. 399-438.
Michaud, Henri. « Géode record au Mont Lyall », Le Soleil, le 19 août 2000.
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