Thème :
Culture
La toponymie dans Charlevoix (1800-1900). À la découverte de l’arrière-pays
Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-des-Monts, 26 septembre 2002
Le XIXe siècle marque l’appropriation de l’arrière-pays par les Charlevoisiens. Ces derniers délaissent en grand nombre la côte pour coloniser de nouvelles terres plus loin sur le territoire. Cet espace forestier et montagneux n’est cependant pas très propice à l’agriculture. Plusieurs Charlevoisiens du milieu du XIXe siècle quittent bientôt cet arrière-pays immédiat pour aller habiter au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Au cours de cette période, plusieurs nouveaux noms de lieux apparaissent. Ils sont imaginés par la population locale. Certains de ces toponymes sont reconnus officiellement, d’autre pas. Il s’agit d’une toponymie populaire qui, qu’elle se retrouve ou nom sur la carte, témoigne des réalités de ce XIXe siècle parfois difficile avec réalisme mais la plupart du temps avec une pointe d’humour.
Toponymes historiques
Ces toponymes sont inspirés d’un événement ou d’un personnage historique.
Rang cache toé ben : situé dans la municipalité de Notre-dame-des-Monts, ce rang était fréquenté par un Amérindien portant le nom d’Aubin qui y construisait des « caches » afin d’attraper du gibier. La population locale nomme ce lieu le “ cache à Aubin ” d’où découle l’expression « cache toé ben » désormais associé à ce rang.
Côte des Sheehy : se trouve dans la municipalité de Clermont sur la route 138. Le nom fait référence à l’installation de l’Irlandais James Sheehy dans le secteur.
Toponymes physiques ou morphologiques
Ces toponymes portent un nom qui fait référence à la morphologie du territoire.
L’accul : Secteur résidentiel situé à La Malbaie proche de la rivière Mailloux. le lieu semble acculé à la montagne d’où le non de “ l’accul ”.
L’île aux Corneilles: située à La Malbaie dans le quartier Pointe-au-Pic. Plusieurs corneilles s’arrêtaient dans ce secteur proche du fleuve Saint-Laurent d’où le nom « l’île aux corneilles ».
La Noyée : situé dans le Canton Lacoste dans l’arrière-pays de Charlevoix à proximité de la municipalité de Notre-Dame-des-Monts. Le relief des montagnes prend la forme d’une femme couchée sur le dos s’apparentant à la physionomie d’une noyée.
Toponymes socioéconomiques
Ces toponymes se rapportent à des situations socioéconomiques vécues dans le milieu.
Rang Misère : situé dans la municipalité de Les Éboulements. Les mauvaises récoltes causées par des gelées successives avaient au XIXe siècle tellement appauvries les habitants de rang que l’on disait : « voilà un habitant de la concession de la misère ».
Rang Pérou : situé dans la municipalité de Baie-Saint-Paul. Les moissons de ce rang sont si riches qu’elles sont comparées à « l’or du Pérou ».
Rang Tourlognon : rang situé à Baie-Saint-Paul. Les habitants y cultivaient l’oignon si facilement qu’on disait que qu’à cet endroit l’oignon tournait bien d’où l’expression « Tourlognon ».
Route de sable : située à La Malbaie. Secteur sablonneux où les terres étaient pauvres et où la population connaissait des situations matérielles difficiles.
Rang Pousse-Pioche : situé à Notre-Dame-des-Monts. Les habitants de ce rang étaient pauvres et ils ne possédaient que des pioches pour travailler leurs terres.
l’île aux Pots : se trouve à La Malbaie dans le quartier Pointe-au-Pic. Au tournant du XXe siècle, ce secteur du village ne possédait pas d’installation sanitaire ni de toilettes d’où l’expression « l’île aux Pots ».
Toponymes légendaires
Ces toponymes réfèrent à des légendes où à des faits religieux.
Cap aux diables : situé dans la municipalité de Les Éboulements. La légende raconte que des diables venaient tenir des assemblées sur ce cap.
Trou de la fée : à La Malbaie non loin du quai situé dans le quartier Pointe-au-Pic. La Vierge serait apparue dans ce secteur jugé dangereux.
Roche Pleureuse : située à l’île aux Coudres. Les larmes abondantes d’une femme attendant le retour de son fiancé parti en mer auraient été associé à cette roche d’où par un phénomène naturel coule une source d’eau.
Il est possible de trouver une liste plus exhaustive de toponymes dans le volume Histoire de Charlevoix, cité en bibliographie.
Bibliographie :
Perron, Normand et Serge Gauthier. Histoire de Charlevoix. Québec, PUL-IQRC, 2000, p. 215-218.