Thème :
Culture
La toponymie de Charlevoix (1535-1800). Un héritage des voyageurs
Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 16 août 2002
L’héritage des premiers voyageurs français parcourant le territoire de Charlevoix perdure particulièrement dans la toponymie régionale. Ces noms de lieux essentiellement français s’inspirent du quotidien de ces voyageurs et s’expliquent le plus souvent par des motivations pragmatiques. C’est une toponymie qui désigne des lieux surtout côtiers car entre 1535 et 1800 l’intérieur du territoire charlevoisien est encore peu fréquenté.
Voici donc quelques toponymes en provenance des premiers voyageurs et datant de la période 1535-1755 :
Îsle ès Couldres (île aux Coudres) : c’est Jacques Cartier qui choisit ce nom en septembre 1535 car il trouve sur cette île une abondance de noisetiers (coudriers).
Pointe aux alouettes (pointe saint Mathieu) : dans le secteur de l’actuelle municipalité de Baie-Sainte-Catherine cette pointe est ainsi nommée par Samuel de Champlain en 1603 à cause de la présence d’alouettes sur ce site.
Port au Persil : Nommé en 1626 par Champlain qui y trouve du persil.
Cap à l’aigle : Champlain note la présence d’aigles sur ce cap en 1608 et lui donne donc ce nom. Ce cap se déplace toutefois avec le temps. Champlain parle de l’actuel Cap aux Oies qu’il nomme plus tard Cap aux Oiseaux en 1626. Vers 1820, le nom de Cap à l’Aigle est plutôt donné à un site près de La Malbaie qui devient une municipalité en 1916. Cap-à-l’Aigle désigne depuis 1999 le nom d’un quartier de la municipalité de La Malbaie.
Port aux Quilles : dans le secteur de l’actuelle municipalité de Saint-Siméon. Ce nom attribué par Champlain en 1626 réfère à la présence sur ce site d’un poisson nommé « équille » ou lançon.
Baie des Rochers : dans le secteur de l’actuelle municipalité de Saint-Siméon. Nommé par Champlain en 1626 à cause de la présence de rochers dans la baie.
Petite Rivière (Saint-François) : Nommée par Champlain en 1603. Le voyageur écrit: « ...vinsmes mouiller l’ancre à une anse dangeureuse où il a quelques prairies, et une petite rivière, où les Sauvages cabanent quelque-fois. »
Cap aux Oies : D’abord nommé Cap aux Oiseaux par Champlain en 1626, ce cap prend par la suite le nom de Cap aux oies en raison de la présence d’oies sauvages sur la carte du Sieur d’Anville en 1755.
Port aux femmes (rivière noire) : site se retrouvant dans l’actuelle municipalité de Saint-Siméon. Champlain note en 1626 que des Amérindiens «y cabannent». La référence aux Femmes provient de la tradition orale qui raconte que sur ce site se trouvaient de nombreuses femmes Amérindiennes peut-être en attente alors que les hommes étaient à la chasse. Le secteur pourtant intéressant comme site archéologique a été recouvert par la construction d’une route en béton et n’est plus ni visible ni accessible depuis 1999.
Rivière du Gouffre : Champlain nomme cette rivière de Baie-Saint-Paul en 1608. Il décrit ainsi le secteur: « la marée y court merveilleusement et bien qu’elle fasse calme, elle est toujours fort émue y ayant grande profondeur et y a force rochers en son entrée et autour d’icelle. »
La Malle Baye (La Malbaie) : ce nom désigne une rivière et une baie. Champlain nomme ainsi ce lieu en 1608 parce que le fond de la rivière et de la baie est vaseux.
Baie-Saint-Paul : cette baie est d’abord connue sous le nom de baie de l’Islet en 1550 sur une carte de Pierre Descelliers, Champlain parle ensuite (vers 1608) de la baie du Gouffre. Le nom de Baie-Saint-Paul se fixe après 1663 notamment dans les écrits de Pierre Boucher et du Jésuite Lallemand.
Les Éboulements : le nom de ce village fait référence au tremblement de terre de 1663. Un texte des relations des Jésuites rédigé par le Père Lallemand parle d’un affaissement de terrain dans le secteur suite à cette secousse sismique.
En 2002, la toponymie héritée des premiers voyageurs continue de désigner la plupart des sites importants de la côte charlevoisienne. Ces noms de lieux sont ainsi les témoins d’une continuité historique remarquable et d’une mémoire régionale soucieuse d’entretenir le souvenir du passage des premiers voyageurs français.
Bibliographie :
Perron, Normand et Serge Gauthier. Histoire de Charlevoix. Québec, PUL-IQRC, 2000, p. 65-69.