Thème :
Société et institutions
Saint-Placide (1859-2002). Un village en pays de montagnes
Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 4 octobre 2002
Le dernier pont couvert de la grande région de Québec se retrouve sur les hauteurs de la Baie-Saint-Paul, dans le secteur de Saint-Placide. Construit au cours de l’année 1927-1928, il représente un beau spécimen de cette technique de construction d’origine américaine. Ce pont dessert alors cette population installée depuis les années 1830 à Saint-Placide, en pays de montagnes. Ce secteur, ni paroisse, ni municipalité, voit malgré tout l’érection d’une chapelle, d’une commission scolaire et même la présence d’un curé résident.
L’abbé Charles Trudelle, curé de Baie-Saint-Paul de 1856 à 1864, est un homme entreprenant dont le passage est marqué par des nombreuses améliorations au presbytère et à l’église de paroisse. Ces travaux vont bon train et, en 1858, fatiguées des récriminations de nombreux paroissiens, l’abbé Trudelle demande un temps de repos à son évêque. La réponse de ce dernier ne se fait pas attendre : « Pour vous reposer, je vous charge de vous occuper de la construction d’une chapelle de 45 par 33 dans le secteur u rang Saint-Joseph [Saint-Placide] ». Cette proposition de l’évêque ne vient pas d’une manière spontanée. La population du rang Saint-Joseph demande déjà la construction d’une chapelle depuis quelques temps. Cette décision de l’évêque de Québec en date du 25 octobre 1859 est rapidement mise à exécution et, le 25 octobre 1860, l’abbé Charles Trudelle bénit la chapelle et y célèbre la messe. Les curés de Baie-Saint-Paul se chargent de célébrer d’une manière intermittente les offices religieux jusqu’en 1883.
Dès 1862, une commission scolaire est formée à Saint-Placide. La population souhaite ainsi obtenir une subvention du bureau de l’Éducation pour les écoles pauvres afin de construire une école près de l’église. La formation de la commission scolaire amène à considérer Saint-Placide distinct de Baie-Saint-Paul. À l’origine, deux écoles sont érigées dans le rang Saint-Joseph puis une dans la rang Saint-Jean-Baptiste à partir de 1930. En 1960, une école centrale est construite au cœur du village. La commission scolaire de Saint-Placide existe pendant plus de 100 ans jusqu’à sa disparition en 1965 alors que la Commission scolaire régionale de Charlevoix est formée. Il n’existe plus d’école de rang ni même d’école centrale à Saint-Placide puisqu’en 1968, la Compagnie Fafard achète l’école et le terrain de la commission scolaire.
En 1883, suite à une décision de l’évêque de Chicoutimi, Saint-Placide bénéficie pour la première fois d’un curé résident. Il s’agit de Louis Gagnon qui réside à Saint-Placide 1883 à 1888. Ce fait est quelque peu étonnant. En tout endroit du diocèse, la formation d’une fabrique est nécessaire avant d’y établir un curé résident. Saint-Placide n’est alors qu’une simple desserte ne possédant pas de fabrique. La vie des curés n’est pas de tout repos en raison d’une dîme peu élevée. Ceux-ci doivent parfois cultiver le sol ou commercer le bétail pour survivre.
Bien que l’existence d’une commission scolaire laissait présager la formation d’une municipalité, celle-ci ne s’effectue jamais. Le 27 septembre 1894, l’abbé Louis-Émilien Boily, alors curé de Saint-Placide, s’oppose farouchement à la volonté des conseillers municipaux de Baie-Saint-Paul visant à former une paroisse religieuse et une municipalité à Saint-Placide. L’opinion de l’abbé Boily est tranchante : « La population d’environ 600 âmes est une population de journaliers voyageurs qui ont eu le malheur d’être nés ici et d’y avoir comme leur frères construit un nid. […] Les gens de Baie-Saint-Paul veulent se débarrasser de nous comme d’un fardeau […] ».
En 1991, la formation de la Fabrique de la paroisse de Saint-Placide est acceptée par le Diocèse de Québec. Cette démarche est enclenchée afin de permettre la vente du presbytère. En fait, particularité étonnante sur le plan administratif, la desserte de Saint-Placide est jusqu’alors propriétaire de biens et de bâtiments sans en être légalement propriétaire puisqu’elle n’avait pas de fabrique. Toutefois, la Fabrique de Saint-Placide n’a pas une longue existence puisqu’en 2001 elle disparaît.
Saint-Placide n’a plus de curé résident depuis 1992. Néanmoins, ce secteur possède toujours avec son église - la plus ancienne de l’ouest de Charlevoix - et son pont couvert une richesse patrimoniale inestimable à mettre en valeur.
Bibliographie :
Serge Gauthier et Christian Harvey. « Saint-Placide, une église en pays de montagne », Revue d’histoire de Charlevoix, 37, juin 2001, p. 2-11.
Normand Perron, « L’économie de Saint-Placide », Revue d’histoire de Charlevoix, 37 juin 2001, p. 14-21.