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Le Canton Sagard
Thème : Économie

Le Canton Sagard (1932-2002). Un territoire de colonisation devenu lieu de villégiature

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 7 août 2002

 


La crise économique des années 1930 a incité le gouvernement québécois à mettre en place une politique de colonisation de nouvelles terres agricoles afin de contrer l’important chômage existant à cette époque. Soutenu dans ce projet par l’église catholique, le gouvernement du Québec favorise la création de nouvelles régions comme c’est le cas notamment pour l’Abitibi. Il est toutefois plus étonnant de constater que dans la région de Charlevoix, cette politique d’ouverture de nouvelles terres à la colonisation a eu des répercussions. Pourtant, au début des années 1930, un nouveau territoire s’ouvre au peuplement et à la colonisation dans Charlevoix, à proximité de Saint-Siméon, sous le nom du canton Sagard.
 
Nommé en l’honneur du Frère récollet Gabriel Théodat Sagard remarquable auteur du Grand voyage au pays des Hurons publié en France en 1632, le canton Sagard est formé suite à une proclamation royale datant de 1919. À ce moment, le canton Sagard n’est pas habité. Personne ne pense alors qu’il est possible d’y établir des résidents permanents. En fait, comme l’affirme le missionnaire-colonisateur Jean Bergeron en 1931 : « Qui aurait jamais pensé qu’il y avait encore de la colonisation à faire dans ce comté (Charlevoix) ». Pourtant, dès le début des années 1930, le Canton Sagard commence à être habité.
 
Le rôle de l’abbé Joseph Gauthier, curé de Saint-Siméon de 1919 à 1949, est déterminant dans l’ouverture du canton Sagard à la colonisation. Vers 1930, la situation économique à Saint-Siméon est si terrible que la population d’orignaux du secteur disparaît presque totalement traquée par une population affamée. Le curé Gauthier met alors sur pied un projet de colonisation dans le canton Sagard et, avec l’appui des autorités gouvernementales, il incite ces paroissiens miséreux à se diriger vers ce nouveau territoire de colonisation. Il obtient des résultats surprenants : en 1933, il y a déjà 326 âmes dont 64 familles à Sagard. Dès janvier 1932, une petite chapelle a été construite sur le territoire qui devient la mission de Saint Isidore de Sagard.
 
Le projet de colonisation du canton Sagard connaît bientôt des ratés. En 1941, la population de Sagard a déjà chuté à 224 âmes comprenant 41 familles. Seulement 55 lots sur 105 disponibles sont occupés. Toutefois, la population est très jeune et sa fécondité est parfois surprenante: dans les années 1940 Sagard compte 19 jeunes célibataires de plus de vingt ans et 119 enfants. Un habitant de Sagard, un dénommé Bernard Tremblay est à lui seul père de 29 enfants, issus de ses trois mariages. Cette croissance naturelle impressionnante fait qu’en 1959, la population de Sagard augmente à 298 habitants puis s’élève jusqu’à 339 habitants (55 familles) en 1964. Depuis cette date toutefois, la baisse est inexorable et en 2002, il n’y a plus que 175 habitants à Sagard. Le projet de colonisation est depuis longtemps terminé et la majorité des résidents de Sagard occupe des emplois dans le domaine touristique.
 
C’est que le faible potentiel agricole des terres de Sagard décourage rapidement les colons venus s’établir sur place. Le canton Sagard est davantage un milieu forestier qu’agricole et le sol argileux du secteur ne possède pas de grandes qualités pour la production en agriculture. La période de culture est courte et le gel se produit très tôt. Les habitants parviennent surtout à faire pousser de l’avoine, en plus d’un petit jardin où se retrouve surtout de la pomme de terre. Heureusement, il y a le travail dans l’industrie forestière. En 1942, les colons retirent en moyenne 200$ par année dans les chantiers des environs. Il y a aussi la cueillette des bleuets qui rapporte à cette époque environ 150 $ par famille. Mais, en général, les habitants de Sagard, un peu forcés à s’établir sur ces lots à cause de la crise économique mais surtout suite à la demande pressante du curé Joseph Gauthier, ne voit pas leur sort s’améliorer vraiment dans leur nouveau lieu d’établissement.
 
Sagard possède cependant une autre richesse importante: sa nature d’une grande beauté et ses nombreux lacs qui attirent les pêcheurs. Dès 1914, les touristes se rendent pêcher sur le Lac Deschênes à Sagard et il y a déjà de nombreux camps de pêche sur place. La Canada Steamship Lines offre ainsi aux touristes de la Croisière du Saguenay, des séjours de pêche à son camp situé à Sagard. De nombreux américains et aussi des canadiens fortunés séjournent dans le secteur et apportent de ce fait un nouveau développement à l’économie de Sagard.
 
Il faut toutefois attendre les années 1970-1980 pour que le statut de Sagard comme site de villégiature soit plus clairement reconnu. À ce moment, le financier canadien Paul Desmarais établit à Sagard un somptueux domaine qui accueille chaque année des visiteurs fort prestigieux en provenance de partout dans le monde. Une bonne partie de la main-d’œuvre active de Sagard trouve désormais de l’emploi au domaine du milliardaire canadien. 
 
Si autrefois Sagard a été créé comme territoire de colonisation, c’est aujourd’hui son caractère de site de villégiature qui en assure la survie et permet à ce canton de la MRC de Charlevoix-Est de continuer de signifier sa présence le long de la route 170 qui conduit vers la région du Saguenay.
 
 
Bibliographie :

Harvey, Christian. « L’histoire du Canton Sagard », Revue d’histoire de Charlevoix, 40, mai 2002, 16 p.
 
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