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André Pedneau. Le blasphémateur
Thème : Société et institutions

André Pedneau. Le blasphémateur puni

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-des-Monts, 27 septembre 2002.

Au tournant du XIXe siècle, soit après 1800, les paroisses de Charlevoix commencent à se structurer davantage. La plupart d’entre elles ont désormais un curé résident. Cette nouvelle situation favorise une plus grande cohésion sociale et la paroisse religieuse en devient le centre. La paroisse est aussi le lieu du contrôle social. La pratique d’assister à la messe du dimanche s’impose alors comme la règle. Le curé par ses sermons dominicaux intervient au sujet de la moralité publique dans sa paroisse. Les déviants sont sévèrement réprimés et doivent se repentir sans tarder. Le cas du jeune André Pedneau de l’île aux Coudres illustre avec force l’importance du jugement social dans les paroisses de Charlevoix au XIXe siècle.
 
La triste affaire se passe un dimanche de juillet 1808 en l’église de Saint Louis de l’île aux Coudres. L’église est remplie à pleine capacité pour la messe dominicale. Le curé de la paroisse s’apprête à lire son prône lorsqu’il constate par la porte de l’église toute grande ouverte que deux jeunes hommes se trouvent à l’extérieur. Il leur ordonne immédiatement d’entrer dans l’église afin d’assister à la messe à l’intérieur comme les autres paroissiens. Le père d’un des jeunes hommes va rapidement chercher son fils et le fait asseoir dans son banc. Reste pourtant à l’extérieur, l’autre garçon dont le nom est André Pedneau.
 
Le jeune Pedneau n’a pourtant rien d’un révolté. C’est un jeune homme tranquille qui préfère tout simplement demeurer à l’extérieur du temple sans doute pour fumer comme c’est la coutume chez les hommes à l’époque durant le sermon du curé. Rien n’y fait et le curé insiste. Il ordonne à nouveau à André Pedneau d’entrer dans le temple paroissial. Le père d’André Pedneau se précipite alors vers son fils et l’enjoint d’entrer dans l’église. André Pedneau refuse et toute l’assemblée entend clairement qu’il n’a pas l’intention de pénétrer à l’intérieur de l’église. Un long murmure réprobateur est alors émis par les paroissiens présents. Jamais pareil scandale ne s’est produit dans l’île aux Coudres, se disent alors la majorité des paroissiens.
 
Un scandale? Il apparaît de bien peu d’importance à notre regard d’aujourd’hui et pourtant il coûte la vie au jeune André Pedneau. En effet, impressionné par la désapprobation des siens, André Pedneau quitte l’église et se dirige vers la maison familiale. Il prend alors un canot et sans délai se dirige vers le fleuve. Ce n’est qu’après la messe que l’ensemble des paroissiens constate la disparition d’André Pedneau. Certains croient qu’il a traversé vers la rive nord mais ils s’aperçoivent bientôt qu’André Pedneau a oublié les avirons de son canot. Il faut donc admettre que le jeune homme se trouve à la dérive sur le fleuve. Le vent se lève alors et la possibilité de retrouver le jeune Pedneau vivant devient très incertaine. Le corps d’André Pedneau n’est d’ailleurs jamais retrouvé. La population de l’île aux Coudres éprouve alors une grande trixtesse qu’un fait somme toute si banal ait pu coûté la vie à un jeune homme de la paroisse.
 
Le grand-vicaire Alexis Mailloux, qui a raconté ce fait dans son Histoire de l’île aux Coudres, parle de la grâce de Dieu qui a peut-être touché André Pedneau avant sa mort :
 
« Quant à André Pedneau, condamnons la faute qu’il a commise et le scandale qu’il a donné, mais gardons-nous de le condamner lui-même... il aura (peut-être) trouver miséricorde auprès de Celui qui, lorsqu’il est en colère, sait se ressouvenir de sa miséricorde. »
 
André Pedneau, un blasphémateur puni? Le fait est devenu légendaire. Il serait de nos jours seulement amusant s’il n’avait occasionné la mort d’un homme. Il témoigne désormais d’une époque où le jugement de l’Église pouvait coûter la réputation et même la vie aux rares individus osant défier ses règles. Un moment de l’histoire qui a duré jusqu’au milieu du XXe siècle avec le début de la Révolution tranquille des années 1960.


Bibliographie :

Revue d’histoire de Charlevoix, 22, septembre 1995, p. 28-31.
 
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