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« Le temps des bleuets »
Thème : Économie

« Le temps des bleuets »

Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 3 octobre 2002


Pendant longtemps, la cueillette des fruits sauvages constitue pour les familles charlevoisiennes une activité estivale majeure. Cette « production spontanée » vient alors joyeusement agrémenter le repas d’une tarte chaude aux framboises ou aux bleuets. Un régal dont l’arôme resurgit dans la mémoire comme les madeleines de Marcel Proust… La cueillette du bleuet occupe une place un peu à part. Cette petite baie de couleur bleue proche de la myrtille et de l’airelle d’Amérique, représente au moment de sa maturation une véritable petite économie pour plusieurs villages de l’arrière-pays de Charlevoix. « Le temps des bleuets » assure alors un revenu d’appoint important pour la cellule familiale. 
 
La cueillette des bleuets occupe plusieurs familles des villages de l’arrière-pays comme Sainte-Agnès, Notre-Dame-des-Monts, Saint-Hilarion, Saint-Fidèle, Sagard et Saint-Siméon. Le faible rendement agricole dans ces secteurs amène les cultivateurs à développer des activités connexes afin d’accroître les revenus. La cueillette de bleuets s’effectue des premiers jours d’août au milieu de septembre. Toutefois, la durée peut fluctuer d’une année à l’autre. Les plants de bleuets se retrouvent principalement dans les brûlés laissés pas le passage récent d’un incendie dans la forêt. Parfois, les habitants aident un peu la nature en brûlant des sections de forêt aux dépens même de l’exploitation du bois… Les brûlés se retrouvent le plus souvent près du village. La famille peut donc s’y rendre le temps d’une journée. Toutefois, il faut parfois se rendre pendant plusieurs jours loin dans la forêt afin d’en effectuer la cueillette. 
 
En 1902, le curé de Saint-Fidèle, A.N. Parent, dans les prônes de la paroisse, fait ses recommandations au sujet de la cueillette des bleuets : 
 
« Comme c’est le temps où l’on peut aller cueillir les bleuets, il est bon de vous rappeler que les parents doivent surveiller leurs enfants. On ne doit pas coucher plus qu’une même famille dans un camp ou une tente. Les parents ne seront jamais trop prudents pour ce qui regarde les allées et venues des filles et des garçons. Ne permettez jamais à une jeune fille d’aller seule. Il faut qu’elle soit accompagnée de ses parents. Vous savez aussi bien que moi qu’elles sont les dangers qu’elles peuvent courir en agissant ainsi ». 
 
Avec ses recommandations, la cueillette des bleuets peut continuer. 
 
L’écoulement des bleuets vers les consommateurs, notamment ceux de la ville de Québec forts friands de ce fruit sauvage, s’effectue le plus souvent par l’entremise d’un intermédiaire. L’achat se déroule normalement à la suite de la messe dominicale sur le perron de l’église. Un crieur propose alors un prix pour l’achat de la marchandise. Les familles intéressées vendent ainsi leurs bleuets en l’échange d’une somme d’argent. Les prix fluctuent d’une manière importante d’une année à l’autre suivant la rareté ou l’abondance du produit. En 1941, il procure en moyenne par famille 80 $ à Notre-Dame-des-Monts, 100$ à Saint-Fidèle, 35 $ à Saint-Hilarion, 150 $ à Sagard et 200 $ à Saint-Siméon. Une somme tout de même importante pour l’époque. Les profits de la vente ne servent toutefois pas toujours à toute la famille. Le père profite du fruit de la cueillette quelque fois afin de s’acheter un peu de rhum ou de « 94 » pour l’hiver…
 
Aujourd’hui, la cueillette des bleuets n’est pas délaissée par les Charlevoisiens. Une exploitation commerciale est même en opération à Saint-Hilarion. “Le temps des bleuets” constitue toujours un moment où l’on peut réaliser de savoureuses tartes… 
 

Bibliographie :

Serge Gauthier et Christian Harvey. Saint-Fidèle 1850-2000. La Malbaie, Société d’histoire de Charlevoix, 2000. 118 p.
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