Thème :
Société et institutions
De la seigneurie au village des Éboulements (1683-2002)
Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 29 septembre 2002
Un violent tremblement de terre ébranle la Nouvelle-France en 1663. Selon les Relations des Jésuites cet événement aurait bouleversé d’une manière importante le paysage de la «côte du Nord», l’actuelle région Charlevoix. Des «éboulements» se seraient alors produits un peu partout sur la côte. Ces récits apocalyptiques dont celui du Jésuite Lallemand demeurent malgré tout très difficilement vérifiables. La tradition orale a malgré tout entériné ce fait en accolant à une seigneurie puis à un village le nom de Les Éboulements.
Le territoire s’étendant de la seigneurie de la Rivière-Gouffre, à l’ouest, au Cap-aux-Oies, à l’est, est concédé en seigneurie en 1683 à Étienne Lessart. Cet espace prend alors le nom des Éboulements. Étienne Lessart ne s’y installe jamais et s’en départit en 1710 au profit de Pierre Tremblay. La seigneurie des Éboulements devient alors et pour plusieurs générations le fief de la famille Tremblay. Étienne et Jean-François Tremblay succèdent à titre de propriétaire de la seigneurie des Éboulements jusqu’en 1810.
Le potentiel agricole de la seigneurie est plutôt limité, sauf dans le secteur des Éboulements «d’en bas», aujourd’hui connu sous le nom de Saint-Joseph-de-la-Rive. C’est d’ailleurs à cet endroit où les premiers colons de la seigneurie des Éboulements s’établissent. Deux chapelles seront même construites successivement à ce secteur. Les colons doivent toutefois rapidement se tourner vers les Éboulements «d’en haut» - soit l’actuel village et les rangs - afin de trouver une nouvelle terre à cultiver. En 1790, le seigneur Jean-François Tremblay, un charpentier, érige un moulin à farine dans ce secteur. Entre 1802 et 1804, le temple religieux des Éboulements y est relocalisé, menacé à son site d’origine d’être emporté par les eaux. Des querelles intestines dans la famille Tremblay amène Jean-François Tremblay à vendre en 1810 la seigneurie à Pierre de Sales Laterrière. Ce dernier fait l’acquisition de la seigneurie des Éboulements afin d’assurer son statut social davantage que pour tirer les maigres revenus provenant de la possession de ce fief. Il se fait alors construire un manoir près du moulin à farine. Pierre de Sales Laterrière décède en 1815 et c’est son fils Marc-Pascal qui devient le propriétaire de la seigneurie jusqu’au moment de l’abolition du régime seigneurial en 1854.
Les Éboulements sont au début du 19e siècle un des lieux de peuplement les plus importants de Charlevoix. La localité ne compte pas moins de 1 727 habitants en 1831. Une cour de circuit siège aux Éboulements de 1839 à 1841, et de 1843 à 1857. Des notaires comme Isidore Lévesque et Adolphe-Frédéric Duperré, s’y installent. L’économie demeure toutefois essentiellement axée sur la pratique l’agriculture. Toutefois, la section «d’en bas» occupe une place importante dans la construction de goélettes et plusieurs de ses résidents se positionnent dans l’industrie du cabotage. Le 2 octobre 1825, la paroisse de Notre-Dame de l’Assomption de Les Éboulements est érigée sur le plan canonique bien qu’un curé résident soir sur place avant cette date. La municipalité de Les Éboulements est à son tour formée le 1er juillet 1855 dans les limites de la seigneurie.
Au début du 19e siècle, le secteur des Éboulements «d’en bas» devient un important site de villégiature pour les notables et bourgeois francophones. Ce phénomène amène la création de la municipalité de Saint-Joseph-de-la-Rive le 9 mai 1931 et de la paroisse de la paroisse du même nom le 4 septembre 1931. Il y a une volonté de la part de ces villégiateurs de maintenir un cadre institutionnel autonome par rapport à la population locale notamment en ce qui concerne la prohibition de l’alcool. Les deux municipalités se sont refusionnées en 2002.
Le phénomène de l’émigration a touché d’une manière importante le village et les rangs des Éboulements. La faible économie n’a pas permis aux plus jeunes de demeurer dans la paroisse. Comme le rappelait le géographe Raoul Blanchard, « Hochelaga, près de Montréal, Salem, en Massachusetts, sont comme des colonies des Éboulements ». Le patronyme Tremblay s’est ainsi propagé dans les centres urbains du Québec et même des États-Unis. Malgré tout, la localité accueille aujourd’hui en période estivale nombre de touristes et d’artistes venus admirer toute la beauté des paysages de Les Éboulements.
Bibliographie :
Raoul Blanchard. L’est du Canada Français. Tome 1, Montréal, Beauchemin, 1935.
Jean-Paul Tremblay. Être seigneur aux Éboulements. La Malbaie, Imprimerie Charlevoix. 269 p.