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La rue Saint-Étienne
Thème : Société et institutions

La rue Saint-Étienne, à La Malbaie. Histoire d’une rue principale 

Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 29 septembre 2002


« Dans ma petite ville, on était juste quatre mille et la rue principale s’appelait Saint-Cyril… ». La rue principale demeure pendant longtemps le cœur du village québécois comme le rappelle le regretté chanteur Dédé Fortin du groupe Les Colocs. C’est sur cette artère que se retrouvent alors le magasin général, l’église, le bureau de poste, le notaire. Les chef-lieu régionaux accueillent sur, leur rue principale, une plus grande diversité de commerces, de professionnels et d’institutions. Au 19e siècle, deux rues en viennent à se démarquer dans Charlevoix : la rue Saint-Jean-Baptiste, à Baie-Saint-Paul, et la rue Saint-Étienne, à La Malbaie. Cette dernière connaît un développement important notamment grâce à l’activité touristique. Toutefois, il fut un moment, au tournant des années 1960, « où ça allait donc ben mal sur la rue principale ». 
 
Au début du 19e siècle, un noyau villageois se forme à l’ouest de l’embouchure de la rivière Malbaie, à la limite du domaine du seigneur John Nairne. L’actuel tracé de la rue Saint-Étienne est alors réalisé, reliant les divers lots des colons. Une église est érigée en 1805 pour le lieu de peuplement, comprenant les seigneuries de Murray Bay et Mount Murray qui connaissent une croissance importante de leur population. Jusqu’au moment de formation des paroisses limitrophes de Sainte-Agnès (1830) et de Saint-Irénée, la population de ces secteurs doit se rendre au temple paroissial de La Malbaie. La section villageoise située sur le tracé de l’actuelle rue Saint-Étienne devient rapidement un chef-lieu régional pour l’est de Charlevoix où l’on retrouve magasins généraux, boutique d’artisans, bureaux de professionnels et le noyau institutionnel. 
 
Un des premiers marchands du secteur est Alexis Tremblay « Picoté » qui se départit de son commerce, offrant des produits « en tout genre », au profit de Pierre Harvey au début des années 1840. Des artisans comme les forgerons, les cordonniers et menuisiers font également leur apparition. Vers 1850, une boutique de forge est construite par William Riverin sur la rue principale. D’autres magasins généraux et boutiques d’artisans apparaissent par la suite dans les rangs, mais la rue Saint-Étienne demeure toujours le lieu de la diversité. Ainsi, dès 1842, le tailleur James Harrisson y pratique son métier. La formation du district judiciaire, dont le chef-lieu est situé à La Malbaie, amènent plusieurs avocats et des notaires à installer leurs bureaux sur la rue Saint-Étienne notamment. Ils joueront une part active dans le domaine politique. En 1876, les sœurs de la Charité de Saint-Louis ouvrent un premier couvent pour jeunes filles à La Malbaie sur la rue Saint-Étienne près du temple paroissial. En 1901, un collège pour garçons administré par les Frères Maristes suit. La présence touristique favorise une diversification des commerces et des produits disponibles à la fin du 19e siècle. 
 
Dès 1850, des villégiateurs et des estivants séjournent à Pointe-au-Pic, sur le boulevard des Falaises. Cette clientèle cossue se tourne alors vers la rue Saint-Étienne afin de se procurer les denrées alimentaires, les produits de sports et d’artisanat. Le magasin général Joseph Couturier offre au début du 19e siècle des produits artisanaux de même que des équipements de chasse et pêche « Sporting good » donnant un essor à ce commerce. Une confiserie fait également son apparition vendant son chocolat « en gros » aux villégiateurs de passage à La Malbaie. Des artisans, comme les menuisiers-charpentiers travaillent en grand nombre à la construction de spacieuses résidences d’estivants sur le boulevard des Falaises à Pointe-au-Pic. Toutefois, à la fin des années 1930 et 1940, la villégiature décroît considérablement. 
 
La rue Saint-Étienne connaît son apogée des années 1930 à 1970. Un réseau complet de petits commerces familiaux y est en opération : la pharmacie Bergeron, des boutiques de vêtements pour hommes et dames, le Garage Lapointe, les magasins généraux Couturier et J.E. Carpentier et bien d’autres. Un cas intéressant est l’essor du commerce J.R. Bergeron, spécialisé dans les vêtements pour hommes qui réalise une véritable révolution en devenant le premier à offrir à ses clients des habits « préfabriqués » venus de Montréal ou Québec. Des gens venus d’aussi loin que l’île aux Coudres et Tadoussac vont s’habiller à ce magasin. Quelques petites industries régionales, comme l’embouteilleur Dorville Harvey, se retrouve alors sur la rue Saint-Étienne. L’Hôpital Saint-Joseph de La Malbaie est construit sur cette artère et débute ses activités en 1942 sous l’administration des Sœurs de la Charité de Saint-Louis. Un orphelinat y est également érigé en 1930 en brique rouge. La Banque Nationale y compte une succursale de style victorien jusqu’en 1976. Un superbe bureau de poste est, érigé en 1915 suivant les plans de l’architecte Thomas Fuller, surplombe la rue Saint-Étienne. 
 
Les années 1970 marquent une transformation du rôle de la rue Saint-Étienne. Un boulevard est aménagé contournant ainsi la rue Saint-Étienne. De plus, le Centre commercial Place Charlevoix est inauguré en 1974 concurrençant les commerçants sur la rue Saint-Étienne qui connaissent des années difficiles. Il s’agit d’un phénomène découlant d’un mouvement quasi général en Amérique du Nord qui voit les rues principales perdre leur importance. Des efforts importants sont faits afin de redonner vie à la rue Saint-Étienne de la part notamment de la SIDAC-Centre-ville. Néanmoins, des investissements majeurs devront être apportés afin de redonner à cette artère qui a occupée une place si importante dans l’histoire de La Malbaie et de tout Charlevoix.

 
Bibliographie :

Christian Harvey. « Histoire de la vie commerciale à La Malbaie (1800-2000) », Revue d’histoire de Charlevoix, 34, août 2000, p. 6-9. 
 
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