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L’inondation de 1936
Thème : Société et institutions

L’inondation de 1936 à Baie-Saint-Paul et à La Malbaie

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-des-des-Monts, 2 octobre 2002

 

Le printemps est une saison plutôt difficile pour les Charlevoisiens d’hier. Les habitants des rangs sont souvent incapables de voyager sur des chemins de terre que le dégel rend vaseux et presque impraticables. Les anciens parlent alors du « dégras des chemins » pour désigner cette période plutôt désagréable. Mais, il y aussi le débordement des rivières qui cause d’importantes inondations au printemps. À La Malbaie et à Baie-Saint-Paul, les inondations du printemps de 1936 restent dans les annales locales comme les plus dévastatrices de l’histoire régionale.
 
Un témoin de l’époque, Antoine Riverin, a même rédigé un texte racontant les conséquences malheureuses de l’inondation de 1936 à La Malbaie. Cette pièce d’archives permet de relater en détail cet épisode dramatique de l’histoire de La Malbaie. L’inondation commence le 19 mars au soir. On entend alors un grondement et par la suite les glaces embarquent les unes sur les autres et arrivent en avalanche dans le quartier de la Comporté alors habité par un grand nombre de personnes. La population est dévastée : « Le spectacle était indescriptible. Les lamentations des femmes et les larmes des enfants effrayés, mêlées au bruit assourdissant des glaces étaient pénibles à entendre. L’eau a envahi le chemin et bientôt toute circulation est arrêtée. La glace s’est embâclée juste à quelques pieds du pont et la rivière par ce fait a changé son cours. Elle coule maintenant ses eaux boueuses dans la rue principale... »
 
Toute la soirée, la population craint que le pont de La Malbaie soit emporté. Cela ne se produit pas mais les dommages sont importants : « La maison de Charles Lajoie est enfoncée de même que le garage de Gérard Fortin. ...quelques blocs de glace se sont permis une incursion et sont venus défoncer le magasin Jos Couturier dont le contenu (des meubles de valeur) prend la poudre d’escampette, jusqu’au pont où on les rescape... Mais les hangars du magasin Carpentier... ceux de Madame Hector Dufour, de N.A. Dassylva... ont subi plus qu’une caresse puisqu’en effet plusieurs sont démolis... ». Toutefois, après plusieurs heures difficiles, les gens de La Malbaie voient finalement la rivière regagner son lit, sans que des blessés ou des morts soient signalés.
 
À Baie-Saint-Paul, le débordement de la rivière du Gouffre est moins spectaculaire au printemps 1936 que celui de la rivière Malbaie. Néanmoins, grâce à un petit calepin laissé par un résident de la rue Saint-Joseph à Baie-Saint-Paul du nom d’Émile Mailloux, il est possible de lire une description relative à cette inondation : « du 10 au 12 mars 1936, grosses pluies, la température atteint 54 degrés (Farenheit). Il y eut des éboulis ici et là dans les pentes, surtout dans le rang Saint-Laurent. Une semaine plus tard, le 19 mars, après trois autres journées de pluies, il y a la formation d’un embâcle sur la rivière. Le niveau d’eau monta de vingt pieds et ma résidence reçut 3 pieds et demi d’eau. En raison des glaces, le courant emporta un autre tracé sur les parties les plus basses de la rue Sainte-Anne et on vit l’eau s’évacuer par la rivière des vases au Bas-de-la-Baie. »
 
Les inondations du printemps de 1936 marquent donc la mémoire populaire. Par la suite, comme en 1975 à Baie-Saint-Paul, la région de Charlevoix connaît encore d’importantes inondations. Toutefois, avec la construction de murs de protection, ce phénomène tend à se raréfier de nos jours. Les printemps sont donc bien moins dérangeants aujourd’hui puisque les chemins ne sont plus en terre et que des mesures appropriées freinent presque totalement la crue des eaux. Reste le souvenir attaché à ces moments critiques et dont on parle encore même si le temps des printemps difficiles semblent maintenant chose du passé.


Bibliographie :

« Inondation de 1936 à Baie-Saint-Paul et à La Malbaie », Charlevoix, 2, avril 1986, p. 16-17.
 
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