Thème :
Société et institutions
De l’Hospice Sainte-Anne au Centre Hospitalier de Charlevoix. Histoire d’une institution de santé à Baie-Saint-Paul
Christian Harvey. Historien. Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 25 juillet 2002
Le personnage de Ti-Coune - un déficient intellectuel - du téléroman Le Temps d’une paix tourné dans Charlevoix illustre une réalité importante de l’histoire régionale. À la fin du 19e siècle, une institution se charge déjà de l’hébergement de déficients mentaux à Baie-Saint-Paul : l’Hospice Sainte-Anne (devenu Hôpital en 1936). Il devient sous l’administration des Petites Franciscaines de Marie un centre important. Dans la foulée de la modernisation des services hospitaliers au Québec, l’Hôpital Sainte-Anne, devenu en 1973 le Centre hospitalier de Charlevoix, connaît une transformation sur le plan administratif et devient davantage un hôpital général offrant également les soins à la population locale.
Dès son arrivée, l’abbé Ambroise-Martial Fafard (1840-1899) observe le dénuement auquel font face des habitants pauvres, infirmes, malades de Baie-Saint-Paul, tout spécialement les personnes âgées. Le 28 août 1889, il fait ainsi l’acquisition de la demeure d’Édouard Boily afin d’y ériger un hospice qui prend le nom de Sainte-Anne. Grâce à l’aumône de ses paroissiens, l’institution ouvre ses portes le 8 novembre 1889 sous la direction de Dina Boivin. L’hospice incorporé, la question du financement se pose toujours d’une manière pressante. L’abbé Fafard trouve la solution. Il signe le 15 mai 1891, un contrat avec le gouvernement du Québec pour la garde de 50 « idiots », à 50 $ par année par personne. La présence de déficients mentaux permet alors de financer les activités de l’Hospice Sainte-Anne. Peu de temps après, l’institution reçoit 23 pensionnaires provenant pour la plupart de la région de Québec. Toutefois, un point considérable est placé sur les épaules des bénévoles.
Le Docteur Adelstan de Martigny, inspecteur des asiles d’aliénés de la province, parle à Ambroise-Martial Fafard d’un embryon de communauté religieuse à Worcester, dans l’État du Massachusetts, aux États-Unis. Nommées les Oblates de Saint-François-d’Assise, ces Franco-américaines vaquent à l’administration d’un hospice pour les personnes âgées. L’évêque de l’endroit ne permet pas à ce groupe de se former en une communauté. Fafard communique avec les Oblates et, le 13 novembre 1891, les quatre premières religieuses arrivent à Baie-Saint-Paul afin de prendre en charge l’Hospice Sainte-Anne. Le 18 février 1892, elles deviennent une congrégation diocésaine reconnue : les Petites Franciscaines de Marie. En 1898, l’abbé Ambroise-Fafard cède ses droits de propriété de l’Hospice Sainte-Anne à la congrégation. Les religieuses se chargent par la suite de l’administration de l’institution jusque dans les années 1970.
L’Hospice Sainte-Anne connaît au cours des années un développement important. De 176 patients en 1905, l’institution passe de 775 patients en 1930 à plus de 1100 en 1945. Des agrandissements au bâtiment d’origine doivent être apportés. En 1917, la construction de l’aile Saint-Joseph est terminée accroissant la capacité d’accueil. Bien que l’institution prenne le nom d’Hôpital Sainte-Anne en 1936, elle se charge presque uniquement jusque dans les années 1950 des soins aux déficients mentaux. Des médecins viennent aider le travail des Petites Franciscaines de Marie en se chargeant de la supervision de l’institution sur le plan médical dont les Dr Joseph Guillemette, Dr Joseph Morin et Dr Euloge Tremblay. L’Hôpital emploie de plus un grand nombre d’habitants de Baie-Saint-Paul notamment parmi les journaliers présents dans le village. Dans les années 1950, des services de diagnostiques, médicaux et chirurgicaux commencent à être offerts à son tour à la population locale de Charlevoix, premier pas vers la constitution d’un véritable hôpital général. Toutefois, les cas plus complexes sont alors référés à d’autres établissements hospitaliers de la région de Québec.
En 1962, la Commission Bédard dépose son rapport sur les hôpitaux psychiatriques au Québec. L’Hôpital Sainte-Anne est à ce moment considéré comme une immense garderie pour près de 1 300 déficients mentaux. Un remaniement en profondeur s’effectue alors. À la fin décembre 1964, l’Hôpital Sainte-Anne obtient une certaine autonomie administrative en cessant le partage de services avec les Petites Franciscaines de Marie. Des nouvelles orientations sont prises également afin de permettre une réinsertion sociale des patients. Vers 1967, le nombre de patients passe de 1 300 à 500. D’autres changements plus importants surviennent par la suite. En 1973, les Petites Franciscaines de Marie cèdent leurs droits de propriété sur l’Hôpital Sainte-Anne qui devient du même coup le Centre Hospitalier de Charlevoix. La charge de la santé est ainsi devenue, comme ailleurs au Québec, davantage l’affaire des laïcs. À cette occasion, le Centre Hospitalier de Charlevoix obtient la reconnaissance pour deux nouvelles catégories d’établissement soit un centre hospitalier et un centre d’accueil.
La qualité des soins s’améliore pour la population de Charlevoix qui ne doit plus, sauf à de rares occasions, se rendre à d’autres centres hospitaliers. Le service de chirurgie est ainsi remis en opération en 1971 après quelques années de restructuration. Une clinique pour les urgences est alors également mise en opération où des médecins se relaient pour les tours de garde. D’autres services comme l’électroencéphalogramme, d’électrocardiogramme, de physiothérapie sont de même offerts à Baie-Saint-Paul. Vers le milieu des années 1970, un service de soin de longue durée pour les personnes âgées se structure. L’ouverture du Centre d’Accueil d’hébergement Pierre Dupré en 1980 vient passablement améliorer les services offerts aux personnes âgées. Le Centre Hospitalier de Charlevoix est dès lors également le principal employeur à Baie-Saint-Paul, comptant sur un personnel important de médecins, infirmières et d’employés de soutien. La concrétisation du projet de l’abbé Fafard a donc été d’une grand importance tant pour les malades que pour l’économie de Baie-Saint-Paul et de Charlevoix.
Bibliographie :
« Les Petites Franciscaines de Marie. Le Centre Hospitalier de Charlevoix ». Revue d’histoire de Charlevoix, 8, mai 1989, 38 p.