Thème :
Culture
Pierre-François-Xavier de Charlevoix (1683-1761), jésuite et historien
Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. La Malbaie, 27 mars 2002
L’origine du régionyme Charlevoix demeure méconnue. À prime abord, il ne semble pas évident de faire le lien entre cette région québécoise et un historien jésuite du nom de Pierre-François-Xavier de Charlevoix qui a vécu de 1683 à 1761. Pourtant, la nomination d’un comté électoral par les autorités gouvernementales a permis ce rapprochement en 1855. En effet, depuis cette date, à peu près sans modification, le territoire allant de la localité de Petite-Rivière-Saint-François à la rivière Saguenay (Baie-Sainte-Catherine) est désigné sous le nom de Charlevoix. Cette nomination gouvernementale rend hommage à l’historien jésuite Charlevoix. Il en ressort toutefois aujourd’hui que la région portant l’appellation de Charlevoix est bien plus connue que le personnage de qui elle tient son nom. Il importe donc maintenant de redécouvrir le Père Charlevoix, historien de la Nouvelle-France et remarquable intellectuel issu de la Compagnie de Jésus.
Pierre-François-Xavier de Charlevoix voit le jour à Saint-Quentin (France), au bord de la Somme. Il entreprend des études en 1692 au Collège des Bons Enfants et il les termine à Louis-Le-Grand de 1701 à 1704. Il devient par la suite un religieux de la Compagnie de Jésus. Envoyé à Québec alors qu’il n’est encore que diacre, Charlevoix enseigne durant quatre années au Collège des Jésuites. Il retourne en France afin de parfaire ses études en philosophie et en théologie en vue de recevoir la prêtrise. Par la suite, il enseigne les humanités et la philosophie au Collège Louis-le-Grand. Il occupe aussi la fonction de préfet de discipline.
Le Père Charlevoix s’intéresse aussi à l’histoire. En 1715, il publie un ouvrage intitulé Histoire des progrès et des décadences du christianisme dans l’Empire du Japon. Les qualités intellectuelles du jésuite Charlevoix retiennent l’attention du duc d’Orléans, alors Régent du Royaume de France qui le mandate afin de se rendre en Nouvelle-France en mission de découverte. C’est à cette époque une aventure exceptionnelle que de se rendre en Amérique septentrionale afin d’évaluer le potentiel de cette colonie française. Cette expédition reste le haut fait de la carrière du jésuite Charlevoix. Il travaille à ce projet près de 25 ans soit de 1720 à 1744.
Charlevoix arrive à Québec à l’été de 1720. Il enseigne quelques mois au Collège des Jésuites. Dès mars 1721, il se rend en carriole à Montréal afin d’organiser son voyage. Il a besoin de canots d’écorce et de 8 rameurs. Le Sieur de Cournoyer devient le commandant du voyage. L’expédition du Père Charlevoix remonte le fleuve Saint-Laurent, traverse le Lac Ontario et se rend au Lac Érié jusqu’à Détroit puis à la tête du Lac Huron au poste de Mikillimakimac. Les voyageurs vont jusqu’au Lac Michigan à la recherche du fleuve Mississippi et par la suite en Louisiane. L’aventure comporte de grandes difficultés mais Charlevoix ne craint pas l’aventure. Il prend des renseignements auprès des nations Amérindiennes rencontrées au cours de son trajet: les Illinois, les Arkansas, les Natchez. Le Père Charlevoix se rend finalement en Louisiane où il parcourt le Golfe du Mexique. Rendu à Saint-Domingue, il s’embarque afin de retourner en France mais un naufrage sur les côtes de la Floride l’oblige à revenir en Amérique. Il quitte Québec en 1723 afin de regagner l’Europe.
Tout au long de son périple en Amérique septentrionale, le Père Charlevoix écrit des lettres qui racontent son expédition. De retour en France, il rédige son rapport de voyage. Cet ouvrage majeur paraît en 1744 sous le titre Histoire et description de la Nouvelle-France. La plus importante partie de ce document monumental regroupé en trois tomes comprend 36 lettres adressées à la Duchesse de Lesdiguières de Paris et un projet d’Atlas botanique sur les plantes de l’Amérique septentrionale. Cette Histoire de la Nouvelle-France permet au Père Charlevoix de revendiquer le titre de premier historien de ce territoire. Il rédige aussi une Vie de la Mère Marie de l’Incarnation et une Histoire de Saint-Domingue mais il s’agit d’ouvrages bien plus mineurs.
L’Histoire et description de la Nouvelle-France du Père Charlevoix reste une source de renseignements uniques sur l’Amérique septentrionale et notamment en ce qui concerne la culture et le mode de vie des nations Amérindiennes de cette époque. Le Père Charlevoix décrit-il le territoire qui porte aujourd’hui son nom? Si peu... Au plus quelques lignes tenant de la fable plutôt que d’une recherche approfondie comme en témoigne ce passage :
« Au-dessus du Gouffre dont je viens de parler est la base de saint Paul, ou commencent les habitations du côté du Nord et où il y a des pinières qu’on estime beaucoup; on y trouve surtout les pins rouges d’une grande beauté et qui ne cassent jamais. Messieurs du Séminaire de Québec font seigneurs de cette baye. On y a découvert depuis peu une fort belle mine de plomb. » (Lettre II)
La fin de la vie du Père Charlevoix semble moins aventureuse. De 1725 à 1758, il séjourne à Rome. Il conserve l’idée de réaliser une histoire complète des colonies françaises mais le jésuite prend de l’âge et ce projet devient difficile à réaliser. Il publie toutefois une Histoire du Paraguay en 1756. Il aborde dans cet ouvrage la colonisation espagnole en Amérique. Le Père Charlevoix meurt en 1761 à La Flèche, alors que la France vient de perdre sa colonie française suite à la bataille des plaines d’Abraham en 1759. Une nouvelle que le vieux jésuite si attaché à la colonie française et à son histoire a du apprendre avec dévastation, juste quelque temps avant de rendre l’âme.
Pourtant, le nom de Charlevoix continue d’être présent et il désigne désormais une région fort connue du Québec. La région et l’historien ne font en quelque sorte plus qu’un. Un sentiment de fierté doit habiter les résidents de Charlevoix qui se désignent désormais sous le nom de Charlevoisiens. Mais ce n’est pas tout de porter le nom encore faut-il reconnaître sa provenance et ne pas oublier le Père François-Xavier de Charlevoix dont l’héritage est grand sur le plan de la recherche historique et qui, depuis près de 150 ans, est associé à un territoire de cette Amérique Septentrionale dont il s’est fait l’historien.
Bibliographie :
Tremblay, Jean-Paul-Médéric. « Le Père Charlevoix, Jésuite et historien », Revue d’histoire de Charlevoix, 24, décembre 1996, p. 2-3.
Charlevoix, Pierre-François-Xavier. Histoire et description générale de la Nouvelle-France avec le journal historique d’un voyage fait par ordre du Roi dans l’Amérique septentrionale. Montréal, Éditions Élysée, 1976. Trois tomes.