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Les élus bas-laurentiens à Québec
Thème : Société et institutions

Les élus bas-laurentiens à Québec depuis 1867

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation Culture et Société. 24 septembre 2003


Lors de la mise en force de la constitution de 1867, les deux paliers de gouvernement issus de la Confédération se partagent les responsabilités assumées depuis 1841 par le parlement de l’Union. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le gouvernement provincial constitue un palier secondaire et le parlement de Québec est vu par plusieurs comme une succursale de celui d’Ottawa. Pendant les premières décennies de son existence, le gouvernement provincial tire la moitié de ses revenus des transferts fédéraux, mais les revenus sont faibles, ce qui l’oblige à abandonner aux congrégations religieuses une large part de ses responsabilités dans ses domaines de compétence les plus importants, l’éducation et la santé. L’implication massive de l’État québécois, après la Révolution tranquille, donne désormais à ses élus un pouvoir de loin supérieur à celui de leurs homologues du XIXe siècle.
 
Les deux comtés hérités de l’Union, Témiscouata et Rimouski, servent aux élections qui se déroulent entre 1867 et 1890, aux deux paliers de gouvernement. Par la suite, les deux cartes électorales se distinguent. Alors que la représentation fédérale limite à 65 le nombre de députés que la province peut envoyer à Ottawa, rien n’empêche l’élargissement de la représentation au Parlement québécois. Le nombre des comtés provinciaux passe à 74 au début du XXe siècle, atteint 92 en 1950, puis 125 de nos jours. Au Bas-Saint-Laurent, les deux comtés initiaux sont graduellement subdivisés. En 1890, le district électoral de Matane est créé à même celui de Rimouski et, en 1923, celui de Matapédia est érigé à partir de celui de Matane. En 1931, le comté de Témiscouata donne naissance à celui de Rivière-du-Loup. De 1933 à 1944, les comtés de Kamouraska et Rivière-du-Loup sont réunis, puis à nouveau scindés. En 1973, une nouvelle réforme réunit les circonscriptions de Kamouraska et Témiscouata. Les dernières modifications à la carte tentent de respecter les frontières des municipalités régionales de comté (MRC).
 
De 1867 à 2003, les comtés bas-laurentiens envoient 69 représentants à Québec. Ce sont les plus anciennes circonscriptions qui élisent le plus grand nombre de députés, Témiscouata (21) et Rimouski (17), suivis de Matane (15), Matapédia (8) et Rivière-du-Loup (8). Jusqu’à l’élection de 1985, la représentation électorale régionale à Québec demeure un monopole masculin. À cette date, les candidates libérales France Dionne et Claire-Hélène Havington sont élues dans Témiscouata et Matane. Depuis 1994, les péquistes Solange Charest et Danièle Doyer représentent les comtés de Rimouski et Matapédia. Comme ailleurs au Québec toutefois, les partis politiques éprouvent de la difficulté à recruter des candidates.
 
En général, les Bas-Laurentiens votent « du bon bord » depuis 1867. La représentation parlementaire régionale à Québec suit les grandes périodes politiques du Québec : alternance libérale-conservatrice de 1867 à 1897, monopole libéral jusqu’à 1936, ère duplessiste de l’Union nationale jusqu’en 1960, retour des libéraux puis balayage péquiste en 1976. Dans la région toutefois, l’Union nationale poursuit sur sa lancée jusqu’en 1973 avec Montcalm Simard dans le comté de Témiscouata. Avec l’élection de Mario Dumont dans le comté de Rivière-du-Loup, la région devient le berceau d’une nouvelle formation politique au Québec, en 1994. Avec sa petite équipe de députés de l’Action démocratique du Québec, Dumont peut désormais aspirer au poste de premier ministre.
 
La longévité politique des élus régionaux à Québec est inférieure à celle de leurs homologues à Ottawa. Plusieurs font tout de même trois ou quatre mandats. À Rimouski, le règne des Tessier relève de la saga familiale. Auguste Tessier, lui-même fils de député, représente la circonscription de Rimouski de 1889 à 1907. Son fils Maurice-Auguste reprend le comté de 1912 à 1923; son propre fils lui succède de 1966 à 1973. Mais le plus long règne d’un député provincial demeure celui d’Onésime Gagnon de l’Union nationale. Premier francophone à devenir ministre des Finances à Québec et futur lieutenant-gouverneur, il représente le comté de Matane de 1936 à 1958. Onésime Gagnon est le plus important des nombreux « parachutés » élus dans Matane depuis 1890.
 
À compter du milieu du XXe siècle, la composition socioprofessionnelle de la cohorte d’élus régionaux se modifie en profondeur. Médecins, avocats et notaires laissent la place aux industriels et aux commerçants. Nombre d’élus ont déjà fait leur nom en politique municipale et les « députés-maires » sont nombreux. L’élection du Parti québécois, en 1976, laisse apparaître une nouvelle génération de professionnels issus de la Révolution tranquille : un professeur, un administrateur scolaire et un fonctionnaire des Affaires sociales. Il semble que la représentation électorale bas-laurentienne va continuer à puiser dans le large bassin des administrateurs œuvrant dans le privé et le public.


Bibliographie : 

Bibliothèque de la Législature, Service de documentation politique. Répertoire des parlementaires québécois, 1867-1978. Québec, 1980. 796 p.
Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
 
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