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Les élus bas-laurentiens à Ottawa
Thème : Société et institutions

Les élus bas-laurentiens à Ottawa depuis 1867

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation Culture et Société. 25 septembre 2003


L’entrée en vigueur de la Confédération, le 1er juillet 1867, implique l’élection de représentants régionaux à deux niveaux, le provincial et le fédéral. Au XIXe siècle, le champ des responsabilités dévolues à Ottawa lui donne une forte présence dans la région. Le premier gros investissement à l’échelle nationale, la construction du chemin de fer Intercolonial, s’effectue pour une large part au Bas-Saint-Laurent, et l’autre priorité fédérale, l’amélioration des communications maritimes par le Saint-Laurent, a d’importantes retombées régionales. Si l’on excepte les deux guerres mondiales toutefois, la visibilité de la présence fédérale va constamment se réduire à mesure que le gouvernement provincial élargit ses interventions dans les domaines que la constitution lui a laissés, notamment ceux des ressources naturelles, de la santé et de l’éducation.
 
La formule de représentation parlementaire incluse dans la constitution de 1867 implique une relative stabilité de la carte électorale au Québec. La province se voit accorder 65 députés et ce sont les autres provinces qui doivent ajuster leur représentation respective au fil de la croissance de leur population. Les deux circonscriptions électorales créées sous le gouvernement de l’Union (1841-1867), Rimouski et Témiscouata, demeurent inchangées jusqu’à 1914. À cette date, la partie est de Rimouski est détachée pour former le comté fédéral de Matane. Ces trois circonscriptions subsistent jusqu’en 1976, malgré certains rajustements de frontières. Jusqu’à la fin du XXe siècle, la région compte trois comtés fédéraux : Matapédia-Matane, Rimouski-Témiscouata et Kamouraska-Rivière-du-Loup.
 
Depuis 1867, les deux ou trois comtés de la région ont été représentés par un total de 42 députés. La circonscription de la région centrée sur Rivière-du-Loup en a fourni 13, celle ayant pour chef-lieu Rimouski, 18 et la partie est du territoire comprenant les régions de Matane et Matapédia, 11. La quasi-totalité de la députation fédérale régionale est masculine, avec toutefois une remarquable exception pour le comté de Rimouski-Témiscouata. Depuis 1980, il n’a été représenté que par des femmes à Ottawa, et ce pour trois partis différents : la libérale Éva Côté (1980-1984), la progressiste-conservateure Monique Vézina (1984-1993), et la représentante du Bloc québécois, Suzanne Tremblay, après 1993.
 
C’est toutefois le comté voisin, celui de Rivière-du-Loup, auquel se greffe le Témiscouata et le Kamouraska au gré des modifications de la carte électorale, qui présente la plus grande stabilité dans sa représentation. Cette circonscription bas-laurentienne se caractérise par une extraordinaire longévité politique de ses députés fédéraux. À eux seuls, quatre d’entre eux totalisent près d’un siècle de présence à la Chambre des communes! Il s’agit du conservateur Paul-Étienne Grandbois (1878-1896), puis des libéraux Charles-Arthur Gauvreau (1897-1924), Jean-François Pouliot (1924-1955) et Rosaire Gendron (1963-1984). Si dans les deux autres comtés bas-laurentiens les mandats sont généralement plus brefs, on doit cependant souligner la longévité politique familiale des Fiset. Jean-Baptiste Romuald Fiset est plusieurs fois réélu entre 1872 et 1897, date à laquelle il accède au Sénat. Son fils Eugène reprend le comté de Rimouski en 1924 et le garde jusqu’à sa nomination comme lieutenant-gouverneur de la province de Québec, en 1940.
 
Cette longévité politique des élus fédéraux bas-laurentiens est aussi reliée au fait que les électeurs votent généralement pour le parti au pouvoir à Ottawa, une tradition rompue en 1993 par le choix de trois députés bloquistes. Déjà, au XIXe siècle, les Rimouskois s’étaient opposés au parti dominant, les Conservateurs, en réélisant le libéral Romuald Fiset. De l’arrivée de Wilfrid Laurier, élu premier ministre en 1896 jusqu’à celle du progressiste conservateur John Diefenbaker, en 1958, le Québec demeure un terroir libéral et la région s’inscrit dans ce mouvement. Les Bas-Laurentiens, comme une majorité de Québécois de langue française, se reconnaissent dans le Parti libéral des Laurier, King, Saint-Laurent et Trudeau et les rares victoires conservatrices et créditistes consacrent surtout une usure du pouvoir libéral trop exclusif.
 
L’appartenance sociale des 42 élus bas-laurentiens ressemble à celle de la députation québécoise à Ottawa. Ce sont des membres des professions libérales, comme les médecins Romuald et Eugène Fiset, ou des avocats et notaires qui assument les plus longs mandats. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, l’origine socioprofessionnelle se diversifie avec l’élection d’industriels, de commerçants, d’administrateurs et de trois agriculteurs. La féminisation de la députation rencontre toutefois encore d’importants obstacles au niveau fédéral. Cela est peut-être dû au fait que les domaines où les femmes s’impliquent le plus dans la société relèvent de la politique provincial : l’éducation, la santé et la sécurité sociale.


Bibliographie :

Historique des circonscriptions fédérales 1867-1980, vol. 3 : Québec. Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Service d’information et de référence, [s.d.], xxii-850 p.
Johnson, J.K. (dir.) The Canadian directory of Parliament, 1867-1967. Ottawa, A.P.C., 1988. viii-731 p.
Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
 
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