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Une terre de mission
Thème : Société et institutions

Une terre de mission

Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation, Culture et Société. 25 septembre 2003

 

Quand une première paroisse est érigée au Bas-Saint-Laurent, en 1825, la région a déjà reçu ses premiers défricheurs depuis un siècle et demi. Pendant tout ce temps, ce sont des missionnaires venus de Québec et de la Côte-du-Sud qui doivent desservir les postes isolés sur le rivage, surtout à la belle saison. Même si la population régionale connaît une certaine croissance après 1800, la pénurie d’effectifs que connaît le diocèse de Québec, depuis la Conquête, ne permet guère à ses évêques de créer de nouvelles paroisses en bas de Kamouraska. La région va demeurer une terre de mission jusqu’aux années 1830, alors que l’Église du Québec recommence à étoffer ses cadres. 
 
Cependant, la vie religieuse s’organise peu après l’installation des premiers habitants. Des registres paroissiaux sont rapidement ouverts à Rimouski, Trois-Pistoles et L’Isle-Verte. Une première chapelle est construite à L’Isle-Verte en 1712, une autre à Trois-Pistoles dans les années 1720. Rivière-du-Loup, L’Isle-Verte, Trois-Pistoles et Rimouski sont établies en dessertes de la paroisse de Kamouraska dès 1711. De 1727 à 1768, c’est le récollet Ambroise-Amable Rouillard qui parcourt les seigneuries de Kamouraska à Gaspé. Par la suite, le père Jean-Baptiste de La Brosse le remplace. La soudaine croissance de la population catholique dans les seigneuries de Rivière-du-Loup à Trois-Pistoles incite toutefois M[gr] Hubert à poster un missionnaire résidant à L’Isle-Verte, qui va parcourir tout le Bas-Saint-Laurent actuel. Jean-Adrien Leclerc et Joseph Paquet occupent successivement le poste, de 1783 à 1794.
 
À la fin des années 1700, la hiérarchie catholique du Québec éprouve de plus en plus de difficulté à encadrer le nombre sans cesse croissant de ses fidèles. Depuis l’expulsion des communautés religieuses masculines, après la Conquête, le recrutement local demeure beaucoup trop faible. De 1760 à 1830, on ne compte que 400 ordinations sacerdotales et les évêques qui se succèdent à la tête de l’unique diocèse du Canada, celui de Québec, doivent d’abord répondre à la multiplication des effectifs dans les régions les plus peuplées, notamment à Montréal, où la création de nouvelles paroisses s’avère plus d’une urgence criante. On peut comprendre, dans cette perspective, que les faibles populations dispersées de la région ne constituent pas une priorité. De plus, comme ce sont les paroissiens qui doivent supporter l’entretien d’un curé et des édifices du culte, aucune de ces communautés naissantes n’en a les moyens financiers.
 
À compter de 1793, un autre missionnaire s’ajoute à celui de L’Isle-Verte. Pierre Robitaille s’installe au presbytère de Rimouski, d’où il devra desservir les petites communautés catholiques de la côte jusqu’à Sainte-Anne-des-Monts. Il doit de plus assurer le service des missions de la Côte-Nord pour lequel la compagnie de traite verse des honoraires. En 1813, quatre dessertes sont assez bien organisées dans la région, Cacouna, L’Isle-Verte, Trois-Pistoles et Rimouski. Ailleurs, le desservant doit dire la messe et administrer les sacrements dans une résidence privée, chez un notable de l’endroit. La tenue des registres de baptêmes, mariages et sépultures souffre des rares visites des missionnaires et les évêques ou leurs coadjuteurs ne visitent que huit fois la région avant 1830.
 
C’est la décennie 1820 qui voit la véritable naissance de l’Église régionale quand M[gr] Panet réussit à arracher aux autorités coloniales britanniques l’autorisation de fonder de nouvelles paroisses. Il en profite pour précipiter les érections canoniques et en quelques années à peine, les huit premières paroisses bas-laurentiennes sont créées. Si le nombre de fidèles peut justifier cette décision à L’Isle-Verte, Cacouna, Trois-Pistoles et Rimouski, à Saint-Fabien et au Bic on ne pourra avant longtemps entretenir un prêtre résidant. Au total cependant, les 10 000 Bas-Laurentiens recensés en 1831, catholiques à 98 %, bénéficient d’un encadrement religieux comparable à celui des autres fidèles de la vallée du Saint-Laurent; l’époque missionnaire est bien révolue.


Bibliographie :

Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
 
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