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Thème : Économie

La fabrication de poêles sur la Côte-du-Sud

Jacques Saint-Pierre, historien, 22 mai 2003

 

Deux entreprises de la Côte-du-Sud spécialisées dans la fabrication des poêles ont joué un rôle très important dans l’économie régionale : la fonderie Bélanger à Montmagny et la fonderie de L’Islet. En misant sur une main-d’œuvre à bon marché et compétente, des entrepreneurs locaux ont pu conquérir une part importante de ce marché qui émerge au début du XXe siècle pour se transformer radicalement lors passage du bois à l’électricité après la Deuxième Guerre mondiale. 
 
La fonderie d’Amable Bélanger
 
Né à Saint-Pierre de Montmagny, Amable Bélanger fait son apprentissage chez Carrier et Lainé, une importante fonderie de Lévis. De retour dans son village, en 1867, il fabrique des charrues et des chaudrons durant quelques années. Il s’établit par la suite sur la rue Saint-Jean-Baptiste, dans la ville de Montmagny. Le modeste atelier du début devient une véritable usine en 1889 et il est considéré alors comme « l’un des plus beaux établissements de commerce de la province ». Trois ans plus tard, l’entreprise compte une vingtaine d’employés. 
 
En 1907, Amable Bélanger cède la direction de l’entreprise à son fils Joseph-Amable récemment diplômé de l’Université d’Ottawa. Ce dernier donne un nouvel élan à la fonderie en amorçant la fabrication de poêles. Il innove également en matière de relations de travail en créant un système de participation aux bénéfices pour les employés qui comptent plus de cinq ans de service. Mais son décès prématuré, en 1913, l’empêche de mener ce projet à terme. L’entreprise familiale est alors reprise par un groupe d’investisseurs de Montmagny et de Québec qui fait appel au capital régional en essayant d’intéresser la population à participer au financement de l’entreprise par la souscription d’actions. 
 
Au moment du décès de son fondateur, en 1919, la fonderie Bélanger procure de l’emploi à 200 personnes. Elle distribue ses poêles un peu partout au Québec et dans les Maritimes grâce à son réseau de succursales. Certains modèles fabriqués à Montmagny, qui sont ornés de belles tuiles de céramique et de parties nickelées, se distinguent par le luxe de leur finition, comme le fameux modèle Royal lancé vers 1915. Soucieuse de répondre à tous les besoins, l’entreprise ne néglige cependant pas la clientèle des moins bien nantis avec des modèles beaucoup plus sobres, comme le Colon qui est conçu spécialement pour les maisons de défricheurs.
 
La fonderie Bélanger traverse les décennies en s’adaptant à l’évolution des goûts de la clientèle. En 1954, elle se lance dans la fabrication de poêles électriques et combinés. Les modèles Castel et Châtelet connaissent un vif succès auprès de la population grâce à une campagne de publicité télévisée. Le sympathique personnage de la mère dans le téléroman La famille Plouffe, incarné par la comédienne Amanda Alarie, vantant les mérites de son beau poêle Bélanger contribue à la popularité de la marque à travers tout le Québec. Le duo d’humoristes Paul Berval et Dominique Michel prend la relève de Maman Plouffe avec autant de succès.
 
Au début des années 1960, la compagnie Bélanger se lance dans la fabrication de réfrigérateurs et de congélateurs. Acquise ensuite par la compagnie Admiral, l’entreprise de Montmagny subit les contrecoups de la faillite de sa maison mère, en 1982. Mais elle est reprise par la compagnie Inglis, qui y poursuit depuis ce temps la fabrication d’appareils électroménagers. L’entreprise est encore le plus gros employeur de la ville, mais les dirigeants de la compagnie Inglis ont annoncé la cessation de leurs activités à Montmagny en 2004. 
 
La Fonderie de L’Islet
 
À L’Islet, l’histoire de la fonderie débute avec Charles-Hector Lepage qui construit au nord de la gare un petit atelier de fabrication de poêles à deux ponts. L’entreprise en déclin est rachetée par Oscar Dugal, qui la fait fonctionner durant quelques années. En 1916, des hommes d’affaires de Montmagny en deviennent propriétaires et la relancent sous le nom de « La fonderie de L’Islet ». La fonte est désormais coulée sur une base quotidienne alors qu’elle n’était coulée auparavant qu’une fois par semaine. Située près du chemin de fer, l’industrie se trouve au centre de deux gros villages, L’Islet et Saint-Eugène, où elle peut trouver des manœuvres, et à proximité d’une autre fonderie, celle de Montmagny, qui peut lui fournir une main-d’œuvre spécialisée. 
 
Les produits fabriqués par La fonderie de L’Islet jouissent d’une solide réputation. Au début des années 1950, l’entreprise offre à sa clientèle des poêles au bois, au charbon ou combinés au gaz et au charbon. Le poêle électrique s’y ajoute en 1949. La spécialité de l’entreprise est cependant la fabrication de poêles à grand rendement destinés aux hôtels, communautés religieuses, camps forestiers et des systèmes de chauffage automatique à air chaud avec climatisation pour les gros immeubles. La fonderie produit en outre des lessiveuses, des bouilloires et des sertisseuses. Les modèles de poêles les plus populaires portent des noms prestigieux : Montcalm., Panet, Laurier, Citadel, Cartier, Dollard, Commandeur, etc. 
 
La présence de la fonderie a un effet d’entraînement sur d’autres industries de L’Islet-Station. À l’entreprise Nilus Leclerc, fabricant de métiers à tisser, établi près de la gare en 1906, s’ajoutent Jos. Poitras & Fils, un établissement spécialisé dans la fabrication de machinerie et des moteurs électriques avant de se lancer dans le mobilier scolaire, L’Islet Métal, qui fabrique des meubles de cuisine et de parterre, et quelques autres par la suite. Devenue une municipalité autonome, en 1950, L’Islet-Station compte alors environ 150 maisons et un millier d’habitants.
 
La Fonderie de L’Islet connaît des hauts et des bas jusqu’à sa conversion en 1970 à la fabrication de roulottes. Comme la Compagnie Bélanger de Montmagny, l’entreprise a recours très tôt aux nouveaux médias de masse pour faire connaître ses produits à travers tout le Québec et dans les grands centres des provinces voisines. Vers 1950, ses produits sont distribués à travers un réseau qui compte une cinquantaine de magasins et un millier d’agences.
 
 
Bibliographie :

Bélanger, Léon. L'Islet, 1677-1977. [S.l., s.n.], c1977. xvii-191 p.
Côté, Martine. Industrialisation et urbanisation à Montmagny 1883-1930. Thèse de maîtrise (histoire), Université Laval, 1990. vi-164 p.
Fortin, Georges. La Fonderie de L’Islet Ltée. Thèse de maîtrise(sciences commerciales), Université Laval, 1951. v-64 p.
Hébert, Yves. Montmagny… une histoire, 1646-1996 : la seigneurie, le village, la ville. Montmagny, Montmagny 1646-1996 inc., 1996. 304 p.
 
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