Thème :
Économie
IPL de Saint-Damien : l’industrie du plastique sur la Côte-du-Sud
Jacques Saint-Pierre, 20 mai 2003
La municipalité de Saint-Damien-de-Buckland revendique le titre de « capitale du plastique ». Au cœur de ce pôle industriel se trouve l’entreprise IPL, qui est devenue au fil des ans le chef de file de l’industrie nord-américaine des produits de matière plastique moulés par procédés d’injection et d’extrusion. Plusieurs PME se sont greffées autour de cette entreprise familiale fondée par J.-Émile Métivier transformée, en 1985, en une société publique.
Les Métivier de Saint-Damien
À son passage à Saint-Damien, au début du XXe siècle, le publiciste Eugène Rouillard observe un village relativement prospère :
« On se met à bâtir de droite et de gauche, des familles arrivent de partout, la paroisse s’enrichit chaque année de nouvelles habitations, les fermes sont mieux tenues et donnent un meilleur rendement ; un ouvrier habile, et qui, disons-le, a largement contribué, lui aussi, à l’expansion du village, M. Elzéar Métivier, élève de ses propres mains, un castel avec vérandas et clochetons, tel que l’on en voit dans les petites cités les plus huppé ; le même ouvrier érige presque en même temps une scierie d’une capacité de 30 000 à 40 000 billots… »
Le père de J.-Émile Métivier, Louis, est le cousin d’Elzéar. Après un séjour aux États-Unis, il retourne s’établir dans la nouvelle colonie de Saint-Damien auprès de ce dernier qui, avec ses trois fils, construit des églises et autres édifices ainsi que des maisons. Spécialiste de la trempe des métaux, Louis Métivier voit notamment à l’aiguisage des outils utilisés pour le taillage de la pierre. Mais il est aussi forgeron, maréchal-ferrant et mécanicien. Louis s’associe à son fils et il acquiert un tour à bois afin de fabriquer des manches d’outil.
Les Industries Provinciales Limitée
En 1939, J.-Émile Métivier met sur pied une fabrique de balais à Saint-Damien avec une aide gouvernementale de 1000 dollars contre l’engagement de créer quinze emplois. L’entreprise, qui produit également des vadrouilles, bénéficie de contrats de l’armée après la déclaration de guerre. Clairvoyant, le propriétaire met cependant sur pied une équipe de vente afin de rendre l’entreprise moins dépendante de ces contrats temporaires. Après la guerre, l’entreprise élargit la gamme de ses produits aux brosses de toutes sortes, y compris, en 1950, les brosses à dents avec manche en plastique de marque Dr. Hardy.
Le plastique est d’abord importé, mais en 1952 une première machine à plastique est achetée. Comme la capacité de production de celle-ci dépasse largement les besoins pour les brosses à dents, l’entreprise de Saint-Damien se lance dans la fabrication d’autres produits, comme des couvercles, des tirelires, etc. Peu à peu, les balais en paille et les vadrouilles seront remplacés par d’autres produits de plastique. La fabrication de ces deux produits est finalement cédée, en 1972, à des entreprises de la région.
L’entreprise IPL se situe alors à un tournant de son histoire. Après s’être dotée d’une flotte de camions pour améliorer son service de livraison et réduire ses frais d’exploitation, elle achète une usine dans l’Ouest canadien et procède à l’installation à son usine de Saint-Damien d’une presse à injection géante qui lui permet de produire des capots de motoneige. Cela lui vaudra d’importants contrats de Bombardier.
Un leader dans son domaine
Le fondateur de l’entreprise, J.-Émile Métivier s’éteint le 12 juin 1971. Ses quatre fils, Rémi, Clément, Benoît et Julien, qui sont déjà familiers avec les rouages de l’entreprise, prennent la relève et poursuivent dans la voie tracée par leur père. Ils mettent encore plus d’emphase sur l’innovation afin de livres des produits de haute qualité à des prix compétitifs.
Au début des années 1980, la production à Saint-Damien est assurée par 40 presses à injection de 30 à 2 700 tonnes et trois autres machines utilisant le procédé de moulage par extrusion. À cette époque, les articles ménagers représentent 20 % de la production, les produits industriels et commerciaux 65 % et les produits pour érablières 15 %. IPL effectue une percée importante sur le marché américain grâce à sa filiale de distribution établie à Plattsburgh, New York, qui vend des contenants à filets et des bacs à poissons aux pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre et, à compter de 1982, des pièces d’automobiles à la compagnie Ford de Détroit. C’est aussi à ce moment-là que l’entreprise de Saint-Damien cherche à consolider ses positions dans le reste du Canada. Une troisième usine comprenant un entrepôt et quelques unités de production est d’abord implantée en Ontario et une usine spécialisée dans la fabrication de petits contenants à crème glacée, la Edmundston Paper Box Ltd, est acquise au Nouveau-Brunswick.
D’autres investissements sont réalisés par la suite. À la fin de 1998, IPL acquiert de la Prelude Plastics Products Corp. les actifs de sa division de moulage de plastique par injection, située à Windsor, en Ontario. Cette transaction confirme la position de l’entreprise comme fournisseur de pièces d’automobiles. À Saint-Damien, après un agrandissement de l’entrepôt, en 1993, les opérations de moulage par extrusion sont transférées à une nouvelle usine à Saint-Lazare-de-Bellechasse, libérant ainsi de l’espace additionnel pour la principale spécialité de l’entreprise, le moulage par injection. La gamme des produits continue de s’allonger dans les années 1990, avec des produits tels que les bacs de recyclage pour la collecte sélective et les bacs roulants. Pour ce faire, IPL s’est dotée d’une nouvelle presse à injection de 3 300 tonnes, l’une des plus puissantes du genre au Canada.
IPL emploie plus de 1 100 personnes et fabrique plus de 400 produits différents répartis dans ses cinq usines situées à Saint-Damien, Saint-Lazare et Lawrenceville au Québec, à Windsor en Ontario et à Edmundston au Nouveau-Brunswick. Elle conçoit notamment des contenants d’emballage et de manutention destinés aux industries agro-alimentaire, chimique, forestière, pétrochimique, des télécommunications, de la construction et de la gestion des ordures. Elle est aussi active dans le secteur des devis à valeur ajoutée et à haut niveau de technicité pour diverses industries.
Bibliographie :
St-Damien-de-Buckland : route des montagnes. [Québec, s.n.], 1982. 703 p.
Rouillard, Eugène. La colonisation dans les comtés de Dorchester, Bellechasse, Montmagny, L'Islet, Kamouraska. Québec, [s.n.], 1901. 80 p.