Thème :
Territoire et ressources
Au nord du nord : une deuxième génération de villes minières (1960-1980)
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 4 février 2004
Le secteur minier en Abitibi vit des moments difficiles, à partir des années 1960. Ainsi, la production des mines d’or, de cuivre et de zinc diminue considérablement dans les villes de la faille de Cadillac, soit Rouyn, Noranda, Normétal, Cadillac, Malartic et Val-d’Or. Toutefois, à la même époque, l’industrie minérale québécoise poursuit son expansion vers le Nord. Dans la région, cela se traduit par la découverte et la mise en valeur de la zone Matagmi-Joutel. Les villes de Matagami et de Joutel sont alors créées de toutes pièces au milieu de la forêt par le ministère des Ressources naturelles du Québec. Après une brève présentation du contexte général de l’industrie minérale au Québec et en région, nous présenterons un survol de l’histoire des villes minières de Matagami et de Joutel.
Dans les années 1950, l’industrie minérale québécoise se déplace vers les régions nordiques pour contrer l’épuisement des ressources situées dans les régions du Moyen-Nord comme l’Abitibi. Ainsi, des mines de fer entrent en exploitation au Nouveau-Québec et au Labrador, de fer et de titane sur la Côte-Nord, de cuivre et d’or dans la région de Chibougamau-Chapais et de cuivre au centre de la Gaspésie, à Murdochville. Une mine d’amiante entre en activité dans la pointe nord de l’Ungava, à Purtuniq. Plus près de notre région, des mines de cuivre, de zinc et d’or sont mises en opération dans le nord de l’Abitibi, plus précisément à Matagami, à Joutel et à la mine Selbaie. L’entrée en production de ces mines assure la croissance de l’industrie minérale, jusqu’à la fin des années 1970. Au tournant des années 1980, cette industrie entre dans une phase de déclin, ce qui se répercute sur les activités et l’emploi en région, comme l’illustre la situation abitibienne.
À l’instar du reste de la province, l’industrie minérale connaît sa part de problèmes en Abitibi, dans les années 1960. La situation qui prévaut dans les mines d’or l’illustre bien. À leur apogée, en 1942, l’Abitibi compte 42 mines d’or en exploitation. En 1955, il n’y en a plus que 16 et ce nombre descend à 6, en 1970. La production de cuivre et de zinc, les autres métaux exploités dans la région, connaît les mêmes problèmes difficultés. L’épuisement des mines entraîne une diminution des emplois dans le secteur de l’extraction. Ainsi, entre 1970 et 1983, le nombre d’emplois diminue considérablement, passant de 6 000 à 2 500. Cependant, le secteur de la transformation se porte mieux et l’on constate une augmentation des emplois dans la fonte et l’affinage, passant de 3 800 en 1972 à 4 500 en 1983. En somme, la situation des mines dans le sud de l’Abitibi n’est sans commune mesure avec celle des nouveaux secteurs d’exploitation de Matagami et de Joutel.
La découverte de gisements importants de minerai au lac Matagami et au lac Bachelor date du milieu des années 1950. En 1961, une route permanente relie désormais Amos à Matagami et, l’année suivante, un embranchement de la voie ferrée permet une liaison directe avec la ligne Chibougamau-Barraute. C’est le début de la ruée vers Matagami. Le ministère des Ressources naturelles embauche une firme spécialisée afin d’élaborer un plan d’urbanisme et faire de Matagami une ville modèle. Lorsque les premières familles arrivent dans le secteur, vers 1963, les infrastructures de base sont déjà en place. La population provient des autres villes minières et forestières de l’Abitibi-Témiscamingue et de diverses régions périphériques. Toutefois, Matagami connaît un fort roulement de population. Par ailleurs, la population augmente considérablement lors de la construction de la route Matagami-LG2, passant de 3 000 en 1971 à 5 000. La fin des travaux de construction entraîne une diminution de la population. En 1986, 2 700 personnes habitent à Matagami et 32 % de la population active travaille dans les mines. Matagami, située à la limite nord de l’Abitibi, demeure une ville tremplin pour la baie James.
En 1964, une centaine de travailleurs, provenant pour la plupart d’Elliot Lake, arrivent dans le secteur de Joutel. Cette année-là, une route relie Joutel à Matagami et, en 1965, des familles s’y établissent. Les compagnies minières transportent également avec elles les premières maisons et l’école primaire d’Elliot Lake, à la suite de la fermeture de la mine d’uranium. Malgré ces établissements dans ce secteur isolé, la vie à Joutel conserve un caractère temporaire en raison de l’éloignement du site et de la fluctuation du cours du minerai. En conséquence, les services se résument à l’essentiel pour cette population qui se chiffre à 1 200 habitants, en 1975. Cette même année, la fermeture de la mine Poirier entraîne le départ de nombreuses familles et la population diminue à 250 personnes. Toutefois, l’expansion de la mine Agnico-Eagle, peu de temps après, assure un second souffle à Joutel et la population augmente à son niveau précédent. Les nouveaux travailleurs proviennent de plusieurs villes abitibiennes, mais aussi de la Côte-Nord et de la Gaspésie. Ces derniers organisent même, en 1980-1981, un festival du homard à Joutel.
En résumé, les années 1960 inaugurent une nouvelle ère dans le monde minier de l’Abitibi-Témiscamingue. Les anciennes villes minières, dont celles de la faille de Cadillac, vivent une période difficile, à la suite de l’épuisement du minerai. L’activité minière se déplace alors vers de nouveaux territoires situés plus au Nord. Cela favorise l’ouverture de mines et la création des villes de Matagami et de Joutel.
Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 4 février 2004.
Bibliographie :
Sabourin, Cécile. « De territoire exploité à région: les activités économiques à partir de 1950 », dans Odette Vincent (dir.), Histoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 417-480. Collection Les régions du Québec no 7.
Vallières, Marc. Des mines et des hommes. Histoire de l'industrie minérale québécoise. Des origines au début des années 1980. Québec, ministère de l'Énergie et des Ressources, 1989. 439 p.