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Réseau routier en Abitibi-Témiscamingue
Thème : Économie

Le réseau routier en Abitibi-Témiscamingue

Marc Riopel, Ph.D. Histoire, À travers le temps enr., Hudson, 28 mai 2004


Au début du XIXe siècle, avant l’arrivée des colons dans la région, il existe déjà de petits sentiers dans la forêt, utilisés par les Algonquins, les coureurs des bois et les missionnaires. Une cinquantaine d’années plus tard, les entrepreneurs forestiers en élargissent certains et en construisent de nouveaux pour répondre aux besoins de leurs activités, notamment le transport des hommes et des marchandises. L’arrivée de centaines de familles de colons au Témiscamingue et en Abitibi rend nécessaire l’amélioration de ce réseau routier rudimentaire. Aussi, de nouvelles routes sont d’abord construites pour répondre aux exigences de la marche du peuplement sur le territoire et pour favoriser les échanges entre les localités. Plus tard au XXe siècle, la construction de nouvelles routes se fait en fonction des besoins des industries forestières et minières. 
 
Dans les années 1880, les colons du Témiscamingue profitent des infrastructures routières rudimentaires développées par les entrepreneurs forestiers pour s’établir dans la région. Le chemin Des-Quinze relie alors Ville-Marie, sur le lac Témiscamingue, à la baie Gillies, sur le bord du lac Des-Quinze. Quelques localités voient alors le jour le long de cette route forestière. Puis, dès 1888, le gouvernement du Québec entreprend la construction d’un réseau routier et de ponts pour relier entre elles les colonies du Témiscamingue. Un premier chemin s’étend du sud vers le nord et relie les localités le long du lac Témiscamingue. Un second chemin, construit sur les bases du chemin Des-Quinze, pénètre à l’intérieur des terres, de l’ouest vers l’est. La fondation de nouvelles colonies, dans les premières années du XXe siècle, favorise la construction de nouvelles routes. Les bases du réseau routier témiscamien sont alors posées. 
 
Dans les années 1910, le gouvernement québécois s’attaque à la construction de routes et de ponts dans l’Abitibi rurale, alors en pleine période de colonisation. Entre 1913 et 1920, il fait construire le chemin Allard-Devlin, qui s’étend de l’ouest vers l’est, soit de la frontière ontarienne à la rivière Bell, le long du chemin de fer du Transcontinental. Ce chemin relie en fait les paroisses situées entre La Sarre et Amos. Parallèlement, le gouvernement finance la construction de chemins et de ponts se dirigeant vers l’intérieur des terres, en s’éloignant du chemin de fer. Entre 1920 et 1924, de nouveaux investissements se traduisent par l’amélioration et le développement du réseau routier abitibien. Toutefois, ce réseau routier n’est pas relié directement au reste de la province de Québec. 
 
Dans les années 1920, le boom minier dans la région de Rouyn et de Noranda favorise la construction d’une route reliant l’Abitibi rural au Témiscamingue. Ainsi, entre 1925 et 1928, une route part de Rouyn-Noranda et se rend vers le nord jusqu’à Macamic, située à proximité de la voie ferrée du Transcontinental. Une seconde route suit la direction sud jusqu’à Angliers et, de là, permet d’atteindre les autres paroisses du Témiscamingue. Le tronçon de route Macamic-Rouyn-Témiscamingue permet de relier l’Abitibi-Témiscamingue à la région montréalaise, en passant par l’Ontario. Dans les années 1930, la mise en activités de nouveaux centres miniers entraîne la construction de nouvelles routes. Ainsi, une route relie dorénavant Duparquet à Rouyn, une autre Rouyn à Kirkland Lake, en Ontario, et une autre Val-d’Or à Amos, Barraute et Senneterre. Une autre route est aussi construite afin de relier entre elles les villes de la faille de Cadillac. 
 
L’entretien de ces chemins et routes relève du gouvernement du Québec, du conseil de comté et des municipalités locales. Il faut toutefois souligner que ce réseau routier s’avère élémentaire, même dans les années 1930. Ces routes de terre – le gravelage est alors inconnu – causent souvent de graves problèmes aux utilisateurs, en particulier lors de la fonte des neiges au printemps. Dans certains cas, les chemins ne sont tout simplement pas ouverts pendant l’hiver. L’usage de l’automobile n’est pas encore généralisé, les gens utilisent différents véhicules tirés par des chevaux ou des bœufs. Les archives des municipalités renferment de nombreux cas de plaintes d’usagers ayant abîmé une roue de charrette en passant dans un énorme trou. À compter du milieu des années 1940, le gouvernement du Québec investit dans l’amélioration et la reconstruction du réseau routier de la région. 
 
Malgré l’existence d’un réseau routier régional, la région de l’Abitibi-Témiscamingue demeure isolée du reste de la province de Québec, jusqu’en 1939. Cette année-là marque l’ouverture de la route Louvicourt-Mont-Laurier et permet enfin à l’Abitibi d’être relié directement à Montréal. Par ailleurs, à la même époque, des groupes du Témiscamingue font pression sur le gouvernement du Québec pour la construction de la route Belleterre-Le Domaine, situé dans le parc De la Vérendrye. Cela permettrait de relier directement le Témiscamingue au reste du Québec, sans passer par l’Ontario. Ce projet ne se réalisera toutefois pas, même après de nombreux efforts dont les derniers remontent au début des années 1990. Par son emplacement géographique et son économie minière, la région de l’Abitibi-Témiscamingue a longtemps été dans l’orbite économique de Toronto. 
 
À compter de 1956, la découverte de gisements miniers dans la zone Matagami-Joutel permet l’extension du réseau routier vers le nord de la région. Ainsi, la route d’hiver qui relie alors Amos à Matagami est transformée en route permanente, en 1961. La route se rend également dans le canton voisin, à Joutel. À la même époque, une route est ouverte vers le nord-est et donne accès à Chapais et Chibougamau, en passant par Desmaraisville. À compter de 1971, débutent les travaux de construction de la route Matagami-LG2. Cela permet de relier la région de l’Abitibi à celle de la baie James, où sont construits des barrages hydroélectriques d’envergure. 
 
Le développement du réseau routier se fait donc parallèlement à la mise en valeur des ressources naturelles et à la colonisation agricole. Les entrepreneurs forestiers construisent les premières routes de la région, routes empruntées par les colons pour se rendre sur leurs lots. Les nouvelles municipalités qui sont alors créées sont par la suite reliées entre elles par des routes construites par le gouvernement provincial. À la suite du développement minier, de nouvelles routes sont construites et permettent de relier entre eux tous les secteurs de l’Abitibi-Témiscamingue. À compter des années 1960, le réseau routier s’étend vers le nord du Québec. Par contre, il faut attendre le début des années 1940 avant qu’une route ne relie directement la région au sud de la province. 
 
 
Bibliographie :

Asselin, Maurice et Benoît-Beaudry Gourd. « La naissance de l'Abitibi rural », dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. d’Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 197-234. Collection Les régions du Québec no 7.
Gourd, Benoît-Beaudry. « L'Abitibi-Témiscamingue minier : 1910-1950 », dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. d’Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 283-320. Collection Les régions du Québec no 7.
Riopel, Marc. « L’ouverture et le développement du Témiscamingue, 1885-1930 », dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. d’Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 165-196. Collection Les régions du Québec no 7.
Sabourin, Cécile. « De territoire exploité à région: les activités économiques à partir de 1950 », dans Histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la dir. d’Odette Vincent, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, p. 417-480. Collection Les régions du Québec no 7.
 
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