Thème :
Services sociaux
Hospice Saint-Charles
Etienne Berthold, département de géographie. Université Laval, 2015
La création de l'Hospice Saint-Charles s'inscrit dans le sillage des lois de 1869 visant à encadrer la délinquance juvénile par l'entremise d'écoles de réforme et d’industrie1. L’Hospice Saint-Charles ouvre officiellement ses portes le 14 février 1870. Au départ, l’institution porte le nom d’École de réforme et d’industrie et est située près de l'Asile Sainte-Madeleine, sur la rue Saint-Amable. L’espace vient rapidement à manquer et, en 1876, un incendie oblige la reconstruction des locaux de l'œuvre. Hébergée pendant quelques mois au sein de la Maison-Mère, celle-ci se retrouve ensuite dans un vaste bâtiment de trois étages. En 1891, à la suite de la fermeture de l’Hôpital de la Marine, les religieuses se déplacent dans le faubourg Saint-Roch, non loin de la rivière Saint-Charles. Le 5 juillet 1892, le nouvel établissement ouvre ses portes2 (voir figure 1).
Au départ, trois religieuses sont affectées pourvoir à la tâche de l'école de réforme : sœur Saint-André, sœur Saint-Jean-Baptiste et Mère St-Louis de Gonzague. Une vingtaine de jeunes filles sous sentence sont alors accueillies à l'Hospice Saint-Charles. Vingt ans plus tard, quelque 200 jeunes filles se partageront quatre salles de cours sous l'égide de sept religieuses.
En 1884, une école d’industrie se greffe à l’école de réforme qui est déjà en place. Des cours d’artisanat, de cuisine et de couture, parmi d'autres, sont mis en place et permettent de diversifier les tâches et le cursus de l'Hospice Saint-Charles (voir figure 2).
La majorité des jeunes filles admises à l'Hospice le sont sur ordre du tribunal. Mais, à cet égard, les religieuses vont au-delà de leurs obligations. Par exemple, en 1915, 91 jeunes femmes sont internées à l'Hospice sur ordre de la Cour, 11 entrent à titre de pensionnaires et 32 sont admises par simple charité. En 1924, tout près de 500 jeunes filles en provenance de l'ensemble de la province de Québec seront passées par l’Hospice. Fait à noter : à compter de 1941, mais pendant quelques années seulement, l'établissement ouvrira ses portes aux garçons (voir tableau 1).
En 1941, l'Hospice Saint-Charles reçoit le statut d'école ménagère moyenne. Ainsi, en marge des cours élémentaires, l'enseignement ménager est, en quelque sorte, le pivot sur lequel s’articule la « formation professionnelle » des jeunes filles fréquentant l’école. Même si aucune structure rigide n’est dictée par le gouvernement concernant le contenu des cours, les Sœurs du Bon-Pasteur s’appliquent, dès le départ, à faire respecter un cadre d’enseignement strict, démontrant le sérieux qu’elles investissent dans leur mission éducative (voir figure 3).
Elles cherchent, en outre, à donner à leurs élèves un enseignement similaire à celui que dispensent les écoles publiques contemporaines, tout en assurant un suivi relativement personnalisé, étant donné les raisons qui amènent les jeunes filles à l'Hospice. Une des seules différences repose sur la durée du séjour : les jeunes filles y sont admises pour une courte durée de temps (environ 1 à 3 ans), comparativement à des pensionnats où la durée du séjour peut être plus longue. En plus des enseignements dispensés en classe, plusieurs activités de loisirs, comme des sorties éducatives ou des excursions sont fréquemment organisées ; l’aide de citoyens généreux est particulièrement précieuse à cet égard.
Les années suivant la Deuxième Guerre mondiale transforment l'Hospice Saint-Charles de façon marquée. En 1940, le bâtiment qu'occupe l'Hospice depuis la fin du 19e siècle est réquisitionné par le gouvernement fédéral dans le sillage de l'effort de guerre. En guise de compensation, le gouvernement offre aux religieuses un terrain situé à Cap-Rouge, où se trouve une ferme expérimentale. En quête d'air pur qui permettrait d'échapper à l'urbanisation galopante de la ville, les religieuses y emménagent dès la fin de l'année 1940 (voir figure 4).
Éducation, agriculture et élevage à la Ferme de Cap-Rouge
À Cap-Rouge, en plus des enseignements élémentaires et ménagers, les Sœurs du Bon-Pasteur s’occupent d’un considérable cheptel bovin et aviaire et elles cultivent plusieurs produits, notamment des pommes et des pommes de terre. Cela leur permet non seulement de nourrir le personnel et les pensionnaires de l’Hospice, mais leur procure également une source de revenus (voir figure 5).
Par ailleurs, en 1950, le gouvernement provincial intègre l'Hospice au réseau des écoles de protection de la jeunesse. En 1955, l'institut devient la Maison Saint-Charles. Dans le sillage de la laïcisation consécutive à la révolution tranquille, l'institution tente de renouveler son approche en accordant une place accrue aux laïques ainsi qu'en modifiant ses pratiques d'enseignement ; un imposant projet-pilote en ce sens est même mis de l'avant entre 1965 et 1967. Mais, confrontée à un manque de moyens financiers et à une clientèle qui ne diminue pas, l'œuvre est contrainte de fermer ses portes. Ainsi se tourne une page d'histoire d'une institution qui, par la diversité de ses clientèles et de ses régimes de vie et de formation, a constitué un lieu « central et concluant de prise en charge de l’enfance délinquante et en besoin de protection à Québec3 ».
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1André-Anne Lacasse, L'institutionnalisation de l'enfance déviante : le cas de l'Hospice Saint-Charles (1870-1950), Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, Département de sociologie, 2010, 226 p.
2ABPQ, 300-05A-01. Fonds Résidence Saint-Charles. Annales, Tome 1 1870-1911, p. 10.
3Dale Gilbert, Dynamiques de l’institutionnalisation de l’enfance délinquante et en besoin de protection : Le cas des écoles de réforme et d’industrie de l’Hospice Saint-Charles de Québec, 1870-1950. Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, Département d’histoire, p. 44.