Thème :
Éducation en classe
Les soins de santé et l’assistance publique avant 1960
Jean-Charles Fortin, INRS-Urbanisation Culture et Société. 24 septembre 2003.
Au XIXe siècle et durant les premières décennies du XXe siècle, les gouvernements ne considèrent pas qu’il leur appartient de soutenir les familles et les individus frappés par la maladie, une catastrophe naturelle ou la perte de revenus. La vie demeure une aventure semée d’embûches. Les épidémies frappent encore avec régularité jusqu’à la grippe espagnole de 1918 et la mortalité infantile est une plaie qui afflige autant les villes que les campagnes. Jusqu’aux années 1920, l’État abandonne aux communautés religieuses et aux organisations charitables l’essentiel des secours aux malades et aux personnes privées de ressources. Ces institutions n’agissent d’ailleurs qu’en dernier recours, car la majeure partie des besoins reste une responsabilité familiale.
La constante croissance du nombre de médecins au Bas-Saint-Laurent a bien peu de répercussion sur l’état de santé général et la mortalité régionale. Les gouvernements n’agissent qu’en cas de crise pour mettre en œuvre la plus efficace mesure de prophylaxie, l’isolement des malades. Ainsi, pour faire face à l’épidémie de choléra amenée par les immigrants, le gouvernement du Bas-Canada établit une quarantaine obligatoire pour tous les navires qui remontent le fleuve, à Grosse-Île, en face de Montmagny, en 1832. La création d’un système municipal au tournant des années 1850 permet au gouvernement de l’Union d’abandonner aux administrations locales les questions de santé et de salubrité publique. L’État se voit cependant forcé de prendre à sa charge les malades mentaux au comportement souvent agressif. Ceux de la région sont recueillis à l’hôpital de Beauport, près de Québec.
C’est toutefois l’arrivée des communautés des religieuses hospitalières qui permettent l’ouverture des premiers établissements de santé et de charité publique. Les Sœurs de la Charité de Québec, déjà engagées dans l’enseignement à Cacouna depuis 1857, arrivent en 1871 à Rimouski pour prendre soin des victimes de l’épidémie de typhus. Elles y fondent bientôt un orphelinat et un hospice pour femmes. Mais le premier hôpital de la région voit le jour à Fraserville (Rivière-du-Loup). Après une première tentative, confiée aux Augustines en 1887, ce sont les Sœurs de la Charité de la Providence qui prennent charge de l’institution en 1890. La vocation curative de l’établissement demeure très limitée et ceux qui ont les moyens peuvent prendre le train pour se faire soigner à Québec ou à Montréal.
L’épidémie d’influenza de 1918 fait ressortir la faiblesse du réseau hospitalier québécois et la crise économique des années 1920-1924 le manque de ressources des institutions de bienfaisance. En 1921, le gouvernement du Québec adopte la Loi de l’assistance publique, grâce à laquelle les coûts d’hospitalisation des indigents seront partagés à parts égales entre l’État, les municipalités et les institutions, sous forme de services. Cette législation marque le début de la constitution du réseau d’établissements destinés à soigner les malades et à recueillir les personnes démunies. La création du Service d’hygiène de la province du Québec, en 1922, conduit à la mise sur pied des unités sanitaires de comté, dont celles de la région du Bas-Saint-Laurent entre 1928 et 1930. Elles vont servir d’unités de première ligne dans la lutte contre la tuberculose et la mortalité infantile, ce qui constitue la meilleure façon d’appuyer les institutions hospitalières qui naissent dans la région.
Les Sœurs de la Charité de Québec, qui avaient ouvert un hôpital temporaire à Rimouski lors de l’épidémie de 1918, peuvent enfin y ériger un hôpital moderne en 1926, un établissement continuellement agrandi depuis lors. L’hôpital de Matane (1935) est confié aux Sœurs Dominicaines, celui de Notre-Dame-du-Lac (1941) aux Filles de Jésus. En 1939, le gouvernement provincial construit le Sanatorium Saint-Georges à Mont-Joli, un établissement confié aux Filles de la Sagesse et qui se spécialise dans le traitement de la tuberculose. Après son agrandissement en 1950, le Sanatorium de Mont-Joli constitue la plus importante institution antituberculeuse du Québec. Quelque 600 de ses lits sont réservés aux patients de l’assistance publique pour qui l’État verse une subvention annuelle.
Malgré les problèmes qui subsistent dans le réseau régional des institutions hospitalières et des établissements de bienfaisance, les hospices et les orphelinats, eux aussi confiés à des communautés religieuses, le bilan de la première moitié du XXe siècle demeure éloquent. L’hygiène publique a fait des progrès remarquables, la tuberculose est largement contenue et l’espérance de vie est en net progrès. La baisse de la mortalité infantile constitue un bon indice de l’amélioration générale de la santé publique. De la fin des années 1920 au début des années 1950, le taux de décès des enfants de moins d’un an est réduit de moitié au Bas-Saint-Laurent. Pour de multiples raisons cependant, le gouvernement provincial devra bientôt prendre entièrement à sa charge les soins de santé et l’assistance sociale, des domaines jusque-là laissés aux institutions religieuses désormais débordées par les besoins.
Bibliographie :
Fortin, Jean-Charles, Antonio Lechasseur et al. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Québec, IQRC, 1993. 864 p.
Anctil, Hervé, Marc-André Bluteau. « La santé et l’assistance publique au Québec, 1886-1986 », numéro spécial de Santé Société. Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1986. 121 p.